Paris. de notre correspondante -Le climat insurrectionnel qui traverse les pays arabes et la chute de Moubarak en Egypte annoncent-ils, selon vous, des changements dans la région ? On ne sait pas encore ce que sera demain. Une chose est cependant sûre : rien ne sera plus pareil et si ces mouvements n'ont pas une cause unique, bien sûr, il est certain que l'humiliation vécue par le monde arabe depuis plus de soixante ans, à travers le conflit israélo-palestinien, pèse et est présente dans ce mouvement. S'agissant de l'Egypte, il est évident que son rôle, jusqu'à maintenant, était de satisfaire les désirs israélo-américains. D'où, entre autres, le blocus absolu de Ghaza, côté égyptien via Rafah. Donc, s'il est un problème urgent à régler, c'est bien le conflit israélo-palestinien. J'observe que les dirigeants israéliens s'émeuvent du remplacement des dictatures par des régimes démocratiques. Pour Israël, mieux vaut une dictature qui lui fait allégeance, qu'une démocratie voulue par le peuple. Il me paraît que le vent de liberté, qui souffle désormais dans le «monde arabe», est non seulement positif en soi, mais peut donner l'idée d'un «nouveau Moyen-Orient», ce qui peut ouvrir des pistes d'espoir pour les Palestiniens. -Une flottille pour Ghaza est en projet avec d'autres organisations. Comment obtenir la levée du blocus ? Avec une quinzaine de pays, nous allons nous retrouver en mai dans les eaux internationales face à Ghaza pour exiger la levée du blocus illégal et condamné par l'ONU. Pour lever ce blocus inhumain, qui dure depuis plus de trois ans et demi, pas d'autre voie donc que l'action citoyenne pacifique. Ces bateaux, dont le français, sont dans la ligne et le respect de la Résolution 1860 du Conseil de sécurité qui déclare accueillir positivement toutes les initiatives mettant un terme à ce blocus et participant à l'aide humanitaire. Certes l'Egypte bouclait le sud de la bande de Ghaza en connivence avec Israël et les Etats-Unis. Nous avions dénoncé cette situation il y a un an, tandis que nous avions organisé une «Marche de la liberté», le 1er janvier 2009, qui partant du Caire devait se rendre à Ghaza. Notre passage a été interdit. Il semble, selon les dernières informations, que le point de passage de Rafah en Egypte va être ouvert, c'est positif pour les Ghazaouis qui pourront ainsi disposer de produits actuellement interdits à Ghaza. Cela pourrait aussi mettre un terme aux tunnels, source de trafics financiers divers et malsains. Mais la question est de lever totalement le blocus. Les Ghazaouis veulent et doivent pouvoir aller en Cisjordanie pour voir leur famille, leurs parents prisonniers qui, du fait qu'ils sont de Ghaza, n'ont pas le droit aux visites. Ce point est méconnu, car on ne parle que de Shalit, privé de visite. Mais eux – et ils sont 500 – se trouvent dans la même situation, sauf qu'on sait où ils sont ! -Vous êtes le fondateur du comité de soutien à Salah Hamouri, jeune Franco-Palestinien, détenu en Israël. Pourriez-vous nous rappeler les raisons de cette initiative ? Il y a en Israël un Français condamné à sept ans de prison parce qu'il aurait eu «l'intention» de commettre un attentat. Le jugement ne dit absolument pas qu'il a commis un acte, mais qu'il aurait eu l'intention de perpétrer un acte ! Ce jeune, qui a 26 ans aujourd'hui, est en prison depuis six ans, condamné par un tribunal militaire sur la base d'une «intention». Salah Hamouri est Franco-Palestinien de naissance. Sa mère est Française et son père palestinien. Mais il habite Jérusalem-Est. Or, depuis que les autorités israéliennes considèrent que Jérusalem est la capitale «unifiée et éternelle» d'Israël, il en résulte pour ses habitants qu'ils n'ont ni la nationalité palestinienne ni la nationalité israélienne. Ils n'ont donc aucune nationalité. Salah n'est que Français du fait de la Force occupante qui lui récuse la dimension palestinienne de sa binationalité. Nous avons un Français emprisonné pour rien, aux dires même du tribunal militaire d'occupation israélien. Que font les autorités françaises pour exiger sa libération ? Rien. Elles reprennent les arguments israéliens tout en ajoutant, ainsi que me l'a écrit la ministre des Affaires étrangères, que notre pays se garde d'intervenir ou de «commenter» les décisions de justice d'un Etat souverain ! Comment rester silencieux sur cette attitude qui fait que, pour les autorités françaises, les droits de l'homme s'arrêtent là où commence Israël ! Nous ne pouvons accepter ce «deux poids, deux mesures». Il y a près de 7000 prisonniers, dont des enfants, actuellement en Israël. Les habitants de Cisjordanie ont droit à un régime. Ceux de Jérusalem-Est à un autre. Quant aux prisonniers de Ghaza, ils n'ont droit à aucune visite. Cela a d'ailleurs valu à Alliot-Marie de recevoir quelques lancements de chaussures à Ghaza. Quant aux enfants, (moins de 12 ans parfois) cet «Etat de droit» leur inflige le même traitement qu'aux adultes. -Comment expliquez-vous l'attitude de la France à l'égard d'Israël ? Depuis l'accession de Sarkozy au pouvoir, la rupture s'est produite concernant le Proche-Orient. La politique inaugurée depuis de Gaulle en 1967, suivie par tous les autres présidents, a été cassée. Israël est devenu irréprochable. Si bien que notre pays est discrédité dans le monde «arabe». Regardez ce qui s'est passé concernant le nouvel ambassadeur français en Tunisie. Quatre jours à peine après sa désignation, des manifestations contre lui ont commencé. Voilà où nous en sommes, alors que le monde arabe est en pleine ébullition. Un vent de liberté se propage dans le monde arabe. La politique française est absolument à contresens de ces évolutions. Si je devais résumer, je dirais que les Américains se sont débarrassés de Bush, tandis que nous, en France, nous l'avons récupéré. La France de Sarkozy, c'est la France défigurée… J'en ai honte, vous savez.