Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«La révolution égyptienne ne peut être réelle que si le blocus de Ghaza est levé» Pierre Stambul, membre du bureau national de l'Union juive française pour la paix, au Temps d'Algérie :
Pierre Stambul, membre du bureau national de l'Union juive française pour la paix (UJFP), évoque dans cet entretien l'après-Hosni Moubarak et les perspectives dans les relations entre l'Egypte et Israël. Il évoque les relations officielles entre Israël et des dirigeants de certains pays arabes, ainsi que l'éventuelle levée du blocus imposé à la bande de Ghaza. Le Temps d'Algérie : L'armée égyptienne a annoncé, après le départ de Hosni Moubarak, que l'Egypte respectera ses engagements régionaux et internationaux. Israël a salué l'annonce du respect par l'Egypte de l'accord de paix entre les deux pays. Qu'en pensez-vous ? Pierre Stambul : Quand le gouvernement des Etats-Unis a fait le constat, après le départ du dictateur tunisien Ben Ali, qu'il était à présent impossible de maintenir Moubarak au pouvoir en Egypte, il a fait d'énormes pressions pour contrôler la transition. La CIA a mis en avant le vice-président Omar Souleiman qu'elle connaissait bien, vu le rôle décisif qu'il a joué dans diverses négociations, puis elle a contribué à la prise de pouvoir de l'armée égyptienne. Depuis 30 ans, cette armée est totalement équipée par les Etats-Unis. Pour Israël, il est capital de maintenir les accords signés entre Begin et Sadate il y a 30 ans. Ces accords auraient pu avoir un sens positif avec l'idée «la paix contre les territoires». Mais ces accords séparés se sont vite transformés en une machine de guerre contre les Palestiniens en faisant des différents gouvernements égyptiens (Sadate puis Moubarak) des alliés indéfectibles d'Israël. Cette alliance a contribué à un véritable crime de guerre : le blocus de Ghaza. Malgré les bombardements incessants ou les 1400 morts de l'opération «Plomb durci» en 2008-2009, l'armée égyptienne a rendu ce blocus hermétique à la frontière de Rafah, obligeant les Ghazaouis à creuser des tunnels pour survivre et pouvoir s'alimenter. Si l'armée égyptienne est en situation de maintenir ce blocus, alors rien n'aura vraiment changé sur ce plan-là. En Israël, l'inquiétude est totale. Les médias réalisent que leurs gouvernements n'ont pu signer des accords qu'avec des dictatures mafieuses particulièrement corrompues. La chute de ces dictatures leur rappelle que si les régimes arabes ont souvent mené les pires politiques contre la Palestine, les peuples arabes, eux, sont solidaires. L'attitude du prochain gouvernement égyptien vis-à-vis du blocus de Ghaza est donc centrale. Quelle serait la nature des relations, après le départ de Hosni Moubarak, entre l'Egypte et Israël ? Moubarak n'a jamais rien exigé des Israéliens et surtout pas qu'ils respectent le droit international. Il a accompagné la colonisation de Jérusalem Est et de la Cisjordanie avec pour résultat aujourd'hui la présence de plus de 500 000 colons dans les territoires occupés. Ce sont les villes palestiniennes qui sont encerclées par les colonies et celles-ci rendent impossible la création d'un Etat palestinien «viable». Moubarak a participé avec les dirigeants israéliens ou ceux de l'autorité palestinienne à des «discussions» ou des «sommets» (souvent dans les stations balnéaires égyptiennes) qui ont toujours été des demandes pressantes que les Palestiniens capitulent sur leurs revendications historiques. Moubarak a systématiquement reçu les dirigeants israéliens, même immédiatement après des crimes particulièrement scandaleux qui avaient provoqué une grande indignation dans l'opinion publique. Dès la victoire électorale du Hamas et encore plus après la victoire militaire de celui-ci à Ghaza, le Hamas, parce qu'il est supposé être lié politiquement aux Frères musulmans, est devenu l'obsession de la dictature égyptienne. Cette complicité totale ne va pas pouvoir durer parce qu'elle est totalement impopulaire. Je ne pense pas (et je le regrette) que le prochain pouvoir égyptien sera en mesure de rompre les relations politiques avec Israël tant que durera l'occupation de la Palestine comme le Venezuela ou la Bolivie l'ont fait. Ce serait bien que ce pouvoir exige le respect du droit international : destruction du mur de l'apartheid, évacuation des colonies. Nombreux sont les Palestiniens de la bande de Ghaza qui ont manifesté leur joie après la chute de Hosni Moubarak. Pensez-vous que cette joie est justifiée ? Les habitants de Ghaza savent le rôle décisif de l'Egypte dans un blocus qui est un crime de guerre. Quand il y a eu, un an après l'opération «Plomb durci», la marche sur Ghaza avec l'arrivée de plusieurs centaines de militants et de militantes venus du monde entier au Caire, la police égyptienne a empêché qu'ils puissent rentrer dans Ghaza, et seuls quelques-uns ont pu brièvement se rendre à Ghaza. Quand à plusieurs reprises les convois de camions de «Viva Palestina» ont voulu entrer dans Ghaza en y amenant de la nourriture, du ciment, des médicaments ou du matériel scolaire, dont Ghaza est privée, l'armée égyptienne a bloqué certains camions et a empêché le député britannique Galloway d'entrer à Ghaza. Quand l'armée israélienne a tué 9 Turcs à bord du ferry-boat Mavi Marmara qui tentait de briser le blocus de Ghaza, la Turquie a gelé ses relations politiques avec Israël, mais Moubarak a continué d'imposer le blocus. Donc pour la population de Ghaza, le départ de Moubarak est un immense espoir : la fin du blocus. C'est là qu'on va voir si la révolution en Egypte est réelle ou partielle.
Les touristes israéliens continueront-ils, selon vous, à affluer en nombre aussi important en Egypte ? Derrière la question du tourisme, il y en a une autre plus fondamentale : Israël est-il un Etat comme un autre alors que ses dirigeants ont pris la décision de faire des Palestiniens des indigènes sans droit ? Il faut comprendre qu'Israël est un des pays au monde les plus «mondialisés». 15% de la population vit hors d'Israël. Pas seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons idéologiques, parce que l'atmosphère est étouffante en Israël avec cette fuite en avant criminelle qui consiste à coloniser toujours plus et à imposer par le fait accompli l'apartheid et le Grand Israël. Partir de temps en temps est vital pour les Israéliens à l'image des jeunes qui partent massivement après l'armée (3 ans pour les garçons, 2 ans pour les filles) et qu'on retrouve en Inde ou en Europe. Il n'y a pas qu'en Egypte que l'on trouve des touristes israéliens. Il y en a à Petra (en Jordanie) ou aux cascades de l'Ouzoud (Maroc). En 2005, 172 associations palestiniennes ont lancé l'appel BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) tant que durera l'occupation. Cet appel à un boycott économique, politique, scientifique, sportif, touristique… s'adresse aussi aux sociétés arabes. C'est l'impunité et l'absence de sanctions qui permettent aux dirigeants israéliens de continuer la destruction de la Palestine. Cela doit cesser.