Que nous réserve le président Bouteflika au titre du 3e mandat qu'il vient à peine d'entamer ? Si le premier mandat a été celui de la concorde civile et le deuxième celui de la moussalaha, tout porte à croire que le troisième sera placé sous le signe de l'amnistie générale, un projet qui avait constitué, du reste, un de ses thèmes de campagne, même si le président-candidat s'était gardé de lui faire trop de publicité. Dans un long message à la Nation dont le prétexte était la célébration du 53e anniversaire du congrès de la Soummam et qui a été lu en son nom par Abdelaziz Belkhadem, en qualité de ministre d'Etat et son représentant personnel, le chef de l'Etat s'est longuement appesanti sur le traitement politique qu'il entend réserver à ce dossier ô combien préoccupant. « Le terrorisme aveugle qui tue au nom de l'Islam au moyen de pratiques destructrices et de terreur n'a ni foi ni loi », dénonce-t-il d'emblée. Persistant dans sa politique de la carotte et du bâton, Bouteflika brandit « le choix du peuple » pour lancer un énième appel à « la paix des braves » aux irréductibles de l'ex-GSPC (Al Qaïda au Maghreb islamique) : « Les choix stratégiques que le peuple a adoptés à travers le scrutin universel ou par la représentation parlementaire en tant que convictions communes traduisent l'unité du peuple », souligne-t-il, avant de poursuivre : « Nous comptons bien concrétiser ces choix en maintenant notamment les mesures de réconciliation nationale comme une des bases sous-tendant l'édification de la paix et de la stabilité dans le pays. » Et de jouer de nouveau les prolongations avec les terroristes dans l'espoir de les avoir à l'usure et d'avoir raison de leur idéologie macabre par les sentiments : « Il s'agit pour nous de réunir les conditions propices au développement en donnant une chance à ceux qui se sont égarés pour s'être trompés de repères religieux ou pour avoir été trompés par des mercenaires qui professent le crime organisé et la destruction de la société algérienne pour des raisons aussi abjectes que douteuses. » La politique de « la main tendue » demeure ainsi l'élément-clé de la stratégie sécuritaire présidentielle : « L'Etat a tendu la main à cette catégorie d'égarés en leur offrant la chance de revenir au droit chemin et de réintégrer le peuple pour bénéficier des mesures de la concorde civile et de la réconciliation nationale. Cette main est encore tendue compte tenu des convictions religieuses de notre peuple, de ses responsabilités historiques et ses choix stratégiques. » Certes, le mot « amnistie » n'est à aucun moment invoqué. Pourtant, cette « munificence » présidentielle, on le voit bien, n'est pas loin de se transformer en amnistie générale tant les autres possibilités sémantiques d'une telle disponibilité ont toutes été épuisées, du wiam à la moussalaha en passant par la grâce amnistiante. De l'avis de tous les observateurs, Bouteflika voudrait jouer le tout pour le tout avec les grosses organisations terroristes en cavale, le GSPC en tête. Le chef de l'Etat revient toutefois accabler les fanatiques djihadistes en rappelant la détermination des services de sécurité à mener jusqu'au bout la lutte antiterroriste : « L'Etat reste fermement déterminé à faire face, avec toute la rigueur qui s'impose, à ceux qui ont dévié du chemin tracé par la nation, ceux-là mêmes qui refusent la main tendue en déniant à la nation le droit de vivre dans la sécurité et la quiétude et empruntent les voies de la désobéissance et du crime. » Le locataire d'El Mouradia n'en considère pas moins les actes terroristes comme un épiphénomène de la vie nationale, ceci en dépit des attentats sanglants de Bordj Bou Arréridj (17 juin 2009, 18 gendarmes et 2 civils tués), de Damous (29 juillet, 23 militaires tués) et autres expéditions meurtrières qui continuent d'endeuiller des foyers entiers. « Les actes terroristes sanglants et isolés confirment si besoin est que le terrorisme est en déclin devant les frappes de l'Armée nationale populaire, des services de sécurité, mais surtout devant le rejet d'une nation tout entière, à sa tête prédicateurs, faqih et hommes de religion, de ses actes abjects », estime le président de la République, qui minimise ainsi l'impact du terrorisme comparativement à ses indjazate.