«L'ambassadeur du Yémen au Qatar a été rappelé pour consultations après les déclarations faites par le Premier ministre du Qatar Cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani sur les efforts des pays du Golfe concernant un dialogue entre les différentes parties au Yémen», selon une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Une telle décision est prise suite aux déclarations du Premier ministre du Qatar Cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani qui font état du souhait des monarchies arabes du Golfe de parvenir à un accord entre l'opposition et le président Abdellah Saleh quant au départ de ce dernier. Proposition rejetée par l'autocrate de Sanaa vendredi dernier. Le plan de sortie de crise est annoncé par le Qatar au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Lequel regroupe l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweit, Oman et le Qatar. «Nous tirons notre vigueur de la force de notre grand peuple, ni du Qatar ni de personne d'autre», a déclaré le président Saleh vendredi à Sanaa. Dans une mise au point publiée après le discours, la présidence a affirmé que le chef de l'Etat accueille «favorablement les efforts du CCG conduits par l'Arabie Saoudite pour régler la crise». Cependant, Sanaa refuse « les déclarations du Qatar», qualifiées d'«ingérence inacceptable dans les affaires yéménites». Le président Saleh a téléphoné dans la nuit de vendredi à samedi aux dirigeants du CCG, à l'exception de celui du Qatar, pour réitérer cette position. Saleh ménage les wahhabites Le CCG et le Yémen sont les alliés de Washington dans la lutte contre El Qaîda. Cependant, la position de Saleh est aujourd'hui insoutenable pour ses voisins et les Etats-Unis. Le président yéménite déclenche une crise diplomatique en rappelant son ambassadeur à Qatar. Entre temps, il évite d'entrer en conflit avec Riyad, partie prenante du plan du CCG concernant le départ de Saleh du pouvoir. Cela dit, les relations entre le Yémen et le royaume wahhabite sont marquées par des discordes. Dans certaines situations, la monarchie saoudienne a exercé des représailles sur son voisin de la péninsule arabique. En 1990, lors de l'invasion du Koweït par les forces de Saddam Hussein, Sanaa, tout en s'opposant à cette opération de conquête militaire, a refusé d'intégrer la coalition pour libérer cette monarchie. Une position vue par Washington et Riyad comme un soutien au dictateur de Baghdad. En représailles, l'Arabie Saoudite a expulsé près de 800 000 émigrés yéménites de son territoire. Un coup dur pour l'économie du Yémen, sevrée ainsi d'une source importante de devises. Pour les Yéménites, le royaume wahhabite a cherché à affaiblir l'unité du Yémen consacrée en 1990. A cela s'ajoute un conflit frontalier entre les deux pays. Sanaa n'a jamais reconnu l'annexion par Riyad des provinces de Jizan, Asir et Najran. Et les Saoudiens ont soutenu des tribus royalistes entre 1962 et 1970. Indépendant depuis la fin de la Première Guerre mondiale, le Yémen du Nord est dirigé par une monarchie jusqu'à 1962. En 1962, le colonel Abdallah Al Selal renverse l'imam Mohamed El Badr. Suit une guerre où l'Egypte soutient les républicains et l'Arabie Saoudite les monarchistes. Durant la guerre civile yéménite en 1994, entre le Nord et le Sud, l'Arabie Saoudite a soutenu les communistes du Sud et accueilli les militants sudistes hostiles à Abdallah Saleh. En 1995, les deux pays ont failli entrer en conflit armé. Le 26 février de la même année, les deux parties ont signé à La Mecque un accord suivi d'une reconnaissance par Sanaa du traité de Taef. Six comités sont créés pour tracer les frontières terrestres et maritimes. Cependant, dix-huit mois après, les négociations échouent. Le traité de Taef a été signé en 1934 entre Riyad et Sanaa. Il consacre la légitimité de l'Arabie Saoudite sur les trois provinces de Jizan, Najran et de Asir conquises militairement par Ibn Saoud pour les annexer à son royaume. Avec les bouleversements que connaît aujourd'hui la région du Moyen-Orient, toutes ces anciennes convulsions historiques risquent de réapparaître.