Alors que de nombreux experts et professionnels du commerce extérieur critiquent le recours à des Sociétés d'inspection avant expédition (SIE) pour le contrôle douanier, des pressions sont exercées pour leur entrée avant même l'application du décret régissant les conditions de leur agrément. Mercredi dernier, une réunion de près de trois heures a regroupé les directeurs centraux de l'administration douanière avec le directeur général, durant laquelle ce dernier a longuement loué les « mérites » des SIE dont l'entrée a été prévue par l'ordonnance portant loi de finances 2008-2009. En fait, c'est la première fois que l'administration douanière approuve une telle décision, après l'avoir rejetée à plusieurs reprises, et ce, depuis 1995. Jeudi dernier, cette même administration surprend tout le monde en rendant public un communiqué, diffusé par le canal APS, dans lequel elle justifie son soutien à cette mesure décriée en expliquant qu'« elle a pour but de sauvegarder les intérêts financiers nationaux tels que la prévention contre la fuite des capitaux et la fraude commerciale, baisse des recettes douanières par la minoration des valeurs déclarées ainsi que le contournement des droits de douane, mais aussi la lutte contre la contrefaçon ». Or, les experts auxquels a fait appel cette même administration en 1997, 1999, 2004 et 2006, ont tous mis en cause non seulement l'efficacité de ces SIE, mais surtout la fiabilité des contrats qu'elles vont signer avec l'Etat algérien. Des critiques également mises en avant par les institutions internationales comme l'Organisation mondiale des douanes (OMD), qui a mis en exergue les conséquences négatives de ces SIE en affirmant qu'elles n'aboutissent pas à ajouter une valeur ajoutée en termes de recettes ou sur le plan de l'éthique. Mais contre toute attente, déjà le nom d'une société suisse circule déjà dans le milieu douanier, et ce, avant même que le décret d'application de cette nouvelle mesure et des modalités d'agrément de ces sociétés ne soit publié. Il s'agit de SGS, une société suisse, que les responsables des douanes connaissent assez bien. En effet, le 16 juillet 2007, le directeur de la lutte contre la fraude avait réuni, sur instruction de son directeur général, l'ensemble des directeurs centraux pour prendre part à l'exposé présenté par les représentants de SGS sur « les offres de service en matière d'encadrement du commerce extérieur ». Parmi ces offres : « Des formules d'acquisition de gestion et d'exploitation de scanner, mais aussi la proposition d'un système intégré de prise en charge de l'aspect de contrôle de la contrefaçon aussi bien à l'importation que dans les pays d'exportation. » Au cours de cette réunion, le débat a été houleux, nous dit-on, et certains cadres estimaient les offres de service de SGS trop onéreuses. Mais quelques mois plus tard, le 20 janvier 2008, une autre réunion ayant le même objet est organisée avec les cadres de l'administration douanière. Les mêmes offres sont faites et cette fois-ci le directeur général est informé par un rapport transmis par un des directeurs centraux. Dans ce document, le signataire démontre que la SGS a proposé une évaluation financière de l'ordre de 11,8 millions de dollars pour une période de 3 à 7 ans, comprenant des scanners acquis auprès de la société chinoise, Nuctech (avec laquelle l'administration des douanes était en négociation). « Or, connaissant les prix pratiqués par Nuctech (1,5 million de dollars le scanner), il ressort que sur les trois années, le contrat a été facturé près de quatre fois le prix de deux scanners en offrant la formation et la maintenance. Mais les douanes ont obtenu gratuitement une garantie de 3 ans, pièces et main-d'œuvre, formation aussi bien en usine qu'en Algérie et surtout la présence durant toute la période de garantie d'un ingénieur de la société. Avec un budget pareil, 11,8 millions de dollar, une dizaine de scanners pourrait être acquise et la condition de l'installation en Algérie de la société retenue pourrait être sérieusement négociée… » Des vérités qui ont fait tache d'huile et coûté à son auteur le poste. Mais la pression n'a pas baissé d'un cran et c'est sur rapport de la direction générale des douanes que le recours aux SIE a été retenu et prévu par l'ordonnance portant loi de finances, mettant ainsi fin à toute opposition venant des cadres de l'administration. La mesure à la force de la loi ne sera en vigueur qu'une fois le décret d'application d'agrément et de modalité de fonctionnement des SIE sera publié. Mais à ce jour, il n'en est rien. Ce que la direction générale des douanes a omis de préciser dans son communiqué de jeudi dernier. Elle s'est empressée de positiver le rôle des SIE, comme si elles étaient déjà en activité, alors qu'une pile de rapports, argumentés par des experts auxquels elle a fait appel au prix fort, affirment le contraire.