L'ordonnance portant loi de finances complémentaire 2008-2009 vient de créer un précédent, jugé très grave par de nombreux douaniers qui voient une grande partie de leur mission confiée à des multinationales installées à l'étranger. Un article dit 92 bis a été ainsi introduit dans le code des douanes et qui stipule : « Avant leur expédition sur le territoire douanier, les marchandises peuvent faire l'objet de contrôle pour le compte de l'administration des douanes par des sociétés agréées. » Ce contrôle pourra porter sur les éléments de la déclaration en douane. » Dans l'article en question, il est précisé que « les conditions d'agrément des sociétés d'inspection avant expédition (SIE) ainsi que les modalités d'application de la nouvelle disposition seront fixées par voie réglementaire ». En clair, les autorités ont surpris en décidant de recourir aux SIE par voie d'ordonnance et dans la discrétion la plus totale pour éviter les débats houleux qui ont suivi la proposition de la même mesure, durant la moitié des années 1990, à la veille de l'ouverture du marché extérieur, mais aussi durant les années 2000. Les lobby qui voulaient à tout prix pousser les services des douanes algériennes à se délester d'une partie de leur souveraineté au profit des SIE se sont heurtés à une opposition farouche des spécialistes. La pression des lobbies Ces derniers avaient remis en cause non seulement leur efficacité mais surtout la fiabilité des contrats qui vont les lier en tant qu' opérateurs privés à l'Etat algérien. Des inquiétudes confortées par de nombreux audits réalisés ou commandés par les institutions internationales et qui ne prévoient leur entrée dans un pays que dans deux situations : lorsque les capacités administratives des douanes sont exceptionnellement faibles au point où elles ne permettent même pas le paiement des salaires des fonctionnaires ou dans le cas où la corruption est jugée tellement grave qu'elle met en danger le recouvrement des recettes du pays en situation de cessation de paiement. L'objectif étant bien évidemment d'aider ces pays à renforcer leur capacité de recouvrement des recettes. Mais cela n'a jamais été le cas et de nombreux organismes internationaux ont fini par critiquer sévèrement le recours aux SIE, préférant appeler plutôt à des réformes douanières à travers la modernisation des instruments de contrôle interne. L'Organisation mondiale des douanes (l'OMD) souligne les conséquences négatives des SIE sur la douane et affirme que celles-ci n'aboutissent jamais à des valeurs ajoutées en termes de recettes et sur le plan de l'éthique. Des experts algériens s'opposent Elle aussi conseille comme alternative des programmes de réforme et de modernisation, expliquant que les budgets consacrés à ces entreprises devraient être consacrés à la formation et l'amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires, afin d'accroître leurs performances. Les experts algériens ont fini par arriver à la conclusion que les SIE ne peuvent nullement constituer une solution aux problèmes douaniers qu'ils soient liés à l'inefficacité ou à l'éthique. Quel gain pour l'économie nationale ? Ce qui a poussé les autorités à engager plutôt un plan de réforme et de modernisation basé sur la valorisation de la ressource humaine, l'amélioration des techniques de gestion et l'utilisation des moyens modernes, notamment les technologies de l'information. Les derniers amendements du code des douanes ont d'ailleurs été élaborés dans ce cadre et l'on se rappelle que l'actuel directeur général es douanes, M. Bouderbala, avait lancé une campagne médiatique pour mettre en exergue la nouvelle politique de réforme des structures de l'administration qu'il dirige. Au-delà des aspects liés à la souveraineté et au caractère régalien de l'impôt et de la politique commerciale, toutes les expériences à travers le monde ont mis en exergue le danger que ces sociétés représentent sur les administrations douanières qu'elles sont censées assister. Leur entrée en Algérie démontre à quel point le pouvoir de l'argent est puissant, puisque en dépit de toute l'opposition qu'elles ont suscitée il y a quelques années (2005), elles ont fini par être autorisées à arracher leur ticket d'entrée. Pourtant, l'Algérie de 2009 n'est pas celle de 1994. Elle n'est pas en situation de cessation de paiement et son administration douanière participe à hauteur de 35 à 3 6% aux recettes de l'Etat. Quelle performance ces sociétés d'inspection vont-elles apporter de plus, sachant que leur rémunération, de 1 à 2% de la valeur de la marchandise, représente une facture de 400 à 800 millions de dollars. Une somme largement plus importante que le budget consacré aux institutions de contrôle de marchandise.