Où aller le soir, surtout quand on est en famille ? C'est la question que se posent itérativement les Algériens, en ces soirées de Ramadhan, notamment au niveau des grandes villes du pays. Si certains se résignent à se rabattre sur les chaînes de télé satellitaires, d'autres semblent errer sur les routes dans une vaine tentative de trouver un lieu de détente nocturne. « Je suis harcelé par mon épouse qui me demande de l'emmener quelque part après le f'tour et on finit par rouler des heures sans réussir à se fixer sur un lieu », témoigne un chef de service à Sonatrach. Ce témoignage illustre l'état d'esprit des citoyens quand vient le moment de sortir le soir, après une journée de travail et de jeûne. « L'absence de lieux de loisirs, en plus des diverses pressions que vivent les jeûneurs pendant toute la journée : bourses épuisées, stress au boulot, nerfs à fleur de peau, embouteillage monstres dans les ruelles de la capitale, jouent sur l'équilibre psychologique des Algériens », explique Mme Dalila. S., psychologue dans un centre d'écoute. « C'est la raison pour laquelle on observe que la personnalité de l'Algérien est quelque peu perturbée, au point où elle est marquée par un excès de violence et d'agressivité, fait hautement constatable durant le Ramadhan », poursuit-elle. Manque d'éducation… D'ailleurs, les rues qui se remplissent une demi-heure après le f'tour ne sont que le dernier recours des citoyens. « Je n'ai pas où aller à part le café du quartier. Des fois je fais sortir mes enfants pour quelques minutes, mais le manque d'éducation qu'on voit maintenant partout me dissuade très souvent de sortir en famille », confie Tayeb, employé des postes, en retraite depuis juin dernier. Les différents programmes d'animation des soirées arrêtés par les structures publiques au niveau national ne sont pas près d'inciter les gens à sortir dehors. « Je préfère rester chez moi ou aller chez mes parents que de chercher un lieu de détente qui n'existe pas actuellement chez nous », précise un cadre dans une banque étrangère située à Sidi Yahia, un quartier huppé d'Alger. Pourtant, des espaces censés être source de détente existent quand même un peu partout, du moins au niveau de la capitale. « Le parc de loisirs de Ben Aknoun est déserté de plus en plus par les familles à cause du problème des mœurs », observent des familles rencontrées au petit manège d'El Kettani, à Bab El Oued. Ces familles regrettent que ce parc, qui s'étale sur un immense espace, ne serve plus durant le Ramadan. Quant aux petits parcs naturel de Baïnem ou d'El Merdja (ex-Laperlier) au niveau du boulevard Krim Belkacem (ex-Télemly), ils sont loin de contenir le nombre important de gens qui voudraient respirer un peu d'air frais le soir. Quant à Dream Park, situé au niveau des Pins maritimes, dans l'enceinte de la Safex, il est « actuellement le seul lieu sécurisé et qui offre des moyens de divertissement », notent les visiteurs qui se bousculent à l'entrée. L'implication des services de sécurité et des autorités publiques, locales particulièrement, concourt grandement à encourager les gens à occuper des espaces qui leur reviennent de droit. Pour preuve, le déroulement du Festival panafricain (Panaf'), organisé du 5 au 20 juillet en Algérie, avait incité les familles, un peu partout dans le pays, à investir les rues lors des soirées animées à l'occasion de cet événement culturel. Il devrait aussi y avoir des mesures incitatives pour le privé d'investir le créneau des parcs de loisirs. Ailleurs, dans les autres villes du pays, la situation est encore plus frustrante. « Mises à part les soirées en famille, qui ne sont pas toujours conviviales de nos jours, le jeûneur se retrouve après le f'tour condamné à rester en face de la télé, à défaut d'aller quelque part », avance Leïla M., endocrinologue exerçant à Oran. Certains pourtant se consolent avec le téléphone mobile en passant des heures à discuter, profitant des offres en ce mois paradoxal de la privation et des excès.