A Cherchell, il y a certainement un grand nombre de personnes qui dépassent allégrement l'âge de la centaine. Les centenaires ne sont pas répertoriés, alors que dans d'autres lieux ils sont considérés comme des témoins d'une société qui a tant besoin de ses repères. Parmi ces personnes, une vieille dame qui semble garder toute sa lucidité malgré son âge avancé. « Vous êtes le bienvenu, vous m'avez surprise, car je ne m'attendais pas à votre visite, beaucoup de personnalités et des jeunes, appartenant aux organisations de masse, m'avaient promis de venir lors de la dernière campagne électorale, malheureusement, ils m'ont oubliée », affirme notre interlocutrice. Il s'agit de Mme Djelfi, née Chanâa Yamina, née en 1908 dans une zone rurale au sud de la commune de Cherchell. Son époux, né en 1893, est tombé au champ d'honneur en martyr le 16 février 1957. La centenaire est mère de 7 enfants, tous sont nés entre 1930 et 1953. « Ma maison, que vous voyez là, était le refuge des moudjahidine durant la guerre de Libération nationale », nous précise-t-elle. Hadja Yamina Chanâa reconnaît qu'elle avait souffert durant sa jeunesse. « Nous avions beaucoup travaillé et marché des kilomètres dans les djebels, nous semions et récoltions le blé et l'orge pour les moudre avec notre modeste moulin fabriqué avec de la pierre et nous produisions notre propre pain pour le cuire dans notre four traditionnel réalisé avec de l'argile, nous buvions uniquement l'eau de source et des puits. Je n'oublierai pas la bonne huile d'olive. Le miel pur était récolté dans les forêts », indique-t-elle. « Les légumes nous les récoltions dans nos propres petits prés que nous avions aménagés dans des coins de forêt. » L'accouchement de ses enfants avait eu lieu dans les gourbis. Elle est heureuse de ses arrière- petits-enfants. « Ne me demandez pas, s'il vous plaît, maintenant combien ils sont », nous dit-elle en souriant. Hadja est actuellement sous les bons soins de sa nièce qui s'occupe admirablement d'elle. « Notre baraka » ne connaît pas le diabète ni l'hypertension artérielle, comme a tenu de le préciser sa nièce, mais elle se plaint surtout « d'une petite fièvre à répétition », conclut-elle. Hadja Yamina est l'une des centenaires de la daïra de Cherchell. Elle est à l'aise dans sa chambre, entourée de ses propres enfants. Elle insiste sur son rôle avec les moudjahidine pendant la Révolution. Hadja Chanâa Yamina, qui a vécu dans l'ombre durant des décennies, affichait son bonheur à la suite de notre présence. « Je ne sais pas comment vous donner le secret de ma longévité en souriant, je mange et bois comme tout le monde et je n'ai pas de problème », conclut-elle.