Treize ans après l'assassinat du chanteur Matoub Lounès, l'appareil judiciaire a bouclé l'enquête complémentaire demandée par la veuve Nadia Matoub. Celle-ci, ainsi que ses deux sœurs Ouarda et Farida Brahimi, qui accompagnaient le chanteur le jour de l'attentat, le 25 juin 1998, ont été auditionnées par le président du tribunal criminel de Tizi Ouzou en 2008 et en 2009. Le rajout de ces éléments au dossier a été apprécié positivement par l'avocat et sa cliente. L'avocat de Nadia Matoub, Me Salah Hannoun, déclare : «Selon les dernières informations en ma possession, le président du tribunal criminel en charge du dossier a terminé son travail. Dans ce cadre, il a auditionné longuement Nadia Matoub et ses deux sœurs, en sus des deux accusés. Il est important de savoir que la liste de témoins présentée par Malika Matoub (la sœur du chanteur, ndlr) n'a pas été suivie dans son ensemble. Le juge n'a pas jugé utile l'audition de personnes qu'il a considérées comme n'ayant pas de lien avec le dossier et dont le témoignage n'est pas utile.» Selon l'avocat, le tribunal criminel est dans l'obligation de suivre l'arrêt de la chambre d'accusation et ne peut donc pas incriminer d'autres personnes, estimant que pour ce procès, les deux accusés seront les seuls à être jugés. A en croire les parties concernées par ce dossier, l'on s'attend à une audience, tout étant achevé sur le plan légal. Toutefois, des interrogations entourent le cas des deux accusés «en détention arbitraire, un arbitraire d'Etat qui dit son nom. Sans être jugés par un tribunal, les accusés se retrouvent de facto avec une peine. C'est inadmissible et illégal», estime encore l'avocat. L'opinion publique demande des explications sur cette longue détention de Malik Madjnoun et Abdelhakim Chenoui, les règles régissant la détention provisoire étant largement dépassées. Me Hanoun estime que cette détention inqualifiable ne rend pas service à l'indépendance de la justice. Cependant, selon des sources crédibles, il est possible que le dossier soit programmé à la fin de la session actuelle du tribunal criminel pour trois raisons principales : rôle encore non clôturé, dossier en état d'être jugé et pression populaire. Pour rappel, un rassemblement a eu lieu dimanche dernier devant la cour de justice de Tizi Ouzou pour «revendiquer la tenue d'un procès juste et équitable» à l'appel de la fondation Matoub. Bon nombre d'observateurs expliquent la non-tenue du procès depuis 10 ans en raison des retentissements qu'il pourrait avoir sur la scène politique. La rue, en Kabylie, considère que la responsabilité du pouvoir dans cet assassinat est engagée. A ce propos, Me Hannoun ajoute : « Juger deux personnes dans des conditions douteuses n'est pas un gage de crédibilité pour ce procès, puisque la chaîne des responsabilités pénales n'a pas été remontée. Ceux qui sont en charge de ce dossier sont conscients que la revendication de justice et de vérité sera toujours une exigence populaire.» Outre ces atermoiements de l'institution judiciaire, l'affaire Matoub n'arrive pas à constituer autour d'elle un front uni de la part de la famille ; d'un côté la veuve, Nadia Matoub, de l'autre, Aldjia la mère et Malika la sœur.