Asma Guenifi vient de publier Je ne pardonne pas aux assassins de mon frère, aux éditions Riveneuve, à Paris. Elle a écrit ce livre à la mémoire de son frère Hichem, assassiné, le 6 juin 1994, à 20 ans, par quatre tueurs du parti islamo-fasciste, le Front islamique du salut. Les assassins l'avaient guetté en bas du domicile familial, à Bachdjarrah, quartier populaire à la périphérie d'Alger. Hichem Guenifi suivait un stage d'ingénieur du son à la Radio Chaîne III. Sa sœur a également écrit ce livre à la mémoire des dizaines de milliers d'Algériennes et d'Algériens assassinés ou mutilés à vie. Ce livre se veut enfin un témoignage contre l'oubli, instauré par le président Bouteflika, de quinze années de barbarie contre le peuple algérien, à travers ses deux lois d'amnistie de milliers de terroristes du FIS. L'auteure rappelle comment l'ancien président, Chadli Bendjedid, légalisa le FIS, en violation de la nouvelle Constitution de 1989 qui interdit la création de formations politiques sur une base religieuse. Ceci, d'autant plus que ce parti ne cachait pas, loin s'en faut, son intention d'abolir la démocratie une fois au pouvoir grâce à la démocratie, pour lui substituer un Etat théocratique et ultra-libéral. Comme dans l'ensemble des pays musulmans, les islamistes algériens s'étaient alliés, dès le début des années 80, aux appareils politico-administratifs et policiers du régime, pour tenter d'affaiblir le courant minoritaire de gauche du parti au pouvoir, le Front de libération nationale, et surtout les communistes. Asma Guenifi n'avait que 14 ans quand elle commença, à partir de la fin des années 80, à faire l'expérience de l'islamo-fascisme. Sa meilleure amie, certaines de ses voisines et camarades d'école avaient été violentées par leurs pères ou leurs frères ou bien soumises à l'ignoble chantage aux études ou au travail pour les forcer à porter le hidjab. Elle raconte sa vie alors rongée par la peur, pour elle-même, sa famille, les êtres qui lui sont chers et son pays. Comment sa vie d'adolescente fut jalonnée quotidiennement par les nouvelles d'assassinats, au nom de l'Islam, de voisins de quartier, d'intellectuels, et de jeunes filles et femmes kidnappées puis violées collectivement avant d'être égorgées. A l'immense douleur d'avoir perdu à la fois un frère, un ami, un confident de toujours, s'ajoutera bientôt celle de l'exil avec sa famille, en France, en juillet 1994, suite aux menaces des terroristes. Elle avait 19 ans et étudiait à l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger. Elle ne manque pas dans son ouvrage de rendre hommage aux démocrates français de gauche, pour leur solidarité agissante pendant plusieurs années envers sa famille. Elle a longtemps résidé avec ses parents et son jeune frère à Saint-Denis, près de Paris, une ville à très forte concentration de migrants, principalement maghrébins, sinistrée économiquement et socialement, où les islamistes se retrouvaient comme un poisson dans l'eau. Ce fut le choc pour elle et sa famille qui avaient cru les avoir laissés derrière elles. Pire, ces intégristes jouissaient du soutien acharné d'une poignée de démocrates, de gens de gauche algériens et français.