En marge des conflits sociaux qui secouent la société civile et particulièrement le monde du travail, rares sont les informations se rapportant aux conditions difficiles des travailleurs du secteur privé qui, dans une proportion importante, se caractérisent par une tendance à l'exploitation des travailleurs et à la violation de leurs droits, pourtant clairement explicités par la législation du travail. Une dérive généralisée qui repose, selon tous les échos recueillis, sur l'aggravation du phénomène du chômage. Chargée de remettre les pendules à l'heure, en vertu de la loi 90/03 du 6 février 1990, l'inspection régionale du travail de Constantine tente, avec d'infimes moyens logistiques et une poignée d'inspecteurs, de mettre de l'ordre dans la galère du secteur privé. Au rang de ses missions et compétences en la matière, figure notamment la prérogative du contrôle quant au respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux relations de travail entre les employeurs et les travailleurs et celui des conditions d'hygiène et de sécurité. Concernant l'épineux problème généré par le travail au noir qui prend au fil des ans des proportions alarmantes compte tenu du difficile contexte socioprofessionnel subi par le citoyen, Achour Gharbi, responsable de cette institution, affirme en connaissance de cause que le secteur informel en est la principale cause, estimant qu'il est le principal recruteur de la main-d'œuvre au noir « mais ce constat objectif mis en exergue par nos investigations n'exclut en rien la responsabilité du secteur privé formel, tient-il à préciser. Pour preuve, sur les 1739 employeurs privés que nous avons contrôlés pour le compte de l'exercice 2004, on a constaté que ces derniers employaient au noir 1833 travailleurs, dont 1198 dans les services, à savoir les cafés, le secteur de la restauration, etc... 355 dans les branches de l'industrie et de l'artisanat et 176 dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il est bien évident que ces chiffres ne reflètent pas l'ampleur du phénomène et qu'il est simplement à la mesure du nombre des employeurs que nous avons contrôlés à l'échelle des cinq wilayas sous tutelle, à savoir Constantine, Skikda, Mila et une partie des wilayas de Jijel et Oum El Bouaghi. Nous aurions pu investir plus de terrain pour débusquer le maximum de contrevenants, mais avec seulement 64 inspecteurs à disposition il est impossible d'aller au-delà de ces performances, d'autant que leur mission ne s'arrête pas à cette seule mission. » En effet, s'agissant uniquement des missions assurées en direction du secteur privé, nonobstant le secteur public, le bilan affiché pour le compte de l'année 2004 fait ressortir une activité importante comme le démontrent les chiffres suivants : 46 532 visites effectuées, dont 38 321 visites ordinaires, 4207 visites spéciales et 3460 contre-visites. A ce sujet, les secteurs d'activité du BTPH et celui des services ont été particulièrement visés avec respectivement 18 863 et 11 581 contrôles effectués à ce niveau. Au final, 4353 infractions à la législation du travail ont été relevées. En outre, 14 169 mises en demeure et 7942 observations ont été signifiées dans ce même contexte aux employeurs pris en faute. Il ressort, notamment de ce constat, en dehors des délits liés au travail au noir, la remise en cause des mauvaises conditions de travail avec 1845 infractions constatées, le non-respect des rémunérations dues avec 1311 cas d'infraction, les registres non règlementaires avec 594 cas d'infraction, l'entrave à l'action de contrôle qui a pénalisé 619 réfractaires, la non-délivrance de fiche de paye dont se sont rendus coupables 756 employeurs, l'utilisation illicite de main-d'œuvre étrangère reprochée à 467 employeurs, dont 24 ont été sanctionnés conformément à la réglementation en vigueur. Par ailleurs, des violations aux règles d'hygiène et de sécurité, le non-respect du SNMG, la non-observation de la durée du travail ainsi que des cas d'outrage, de violence et de pression (en d'autres termes le harcèlement sous toutes ses formes) ont été également constatés par les inspecteurs du travail qui ont relevé à ce niveau 814 infractions à la législation du travail. A défaut d'être réglées intra-muros entre les employeurs et les travailleurs, de nombreux cas litigieux se sont soldés par des plaintes déposées auprès de l'inspection du travail ou soumises à la médiation et à l'arbitrage du bureau de conciliation, dont le rôle est, faut-il le rappeler, de trouver des solutions aux litiges nés de la relation du travail. En vertu de ce processus, l'inspection du travail a reçu et traité 1792 plaintes émanant des travailleurs. 25 d'entre eux ont pu être réglés à l'amiable, 17 se sont soldés par un PV d'infraction et 15 ont fait l'objet d'une mise en demeure à l'égard des employeurs indélicats. Pour sa part, le bureau de conciliation a traité 1801 plaintes déposées par des travailleurs du secteur privé. 883 plaintes ont été sanctionnées par un PV de non-conciliation faute d'avoir trouvé un terrain d'entente en mesure de satisfaire les deux parties en présence. 661 sont restés en instance et, dans ce cadre de conciliation, seulement 165 litiges ont été réglés à l'amiable. C'est dire la complexité de la tâche de cette instance qui constitue, il faut le souligner, le dernier recours avant que le juge de la chambre sociale ne tranche en dernier ressort les cas litigieux restés en suspens.