Les salines d'Ighil Ouantar, situées dans la commune de M'cisna, sont en passe de disparaître. Elles constituaient dans un passé récent une source substantielle pour les 4500 habitants du village. Comme en témoigne une résidente : « il y avait des centaines de salines que les familles exploitaient régulièrement. Actuellement, il n'en reste, hélas, qu'une dizaine alors que, pour beaucoup, l'activité constitue la seule ressource ». Au-delà de cet aspect subsistanciel, la production du sel était la passion et une tradition transmise d'une génération à une autre chez les Ath Aloune. Le mythe entretenu veut qu'à l'occasion de l'aïd et autres fêtes religieuses, des processions de villageois se rendent sur le site pour y immoler un bœuf dont la viande sera partagée entre les familles dans une atmosphère de communion. A cet endroit deux rochers se font face, agglutinés aux flancs d'une colline et auxquels la population attribue les vertus d'un lieu sacré et béni. La légende raconte que lorsqu'on y implore Dieu les rochers renvoient l'écho. La gestion collective des salines assoie une vie communautaire empreinte de solidarité. Le relief est accidenté. Il s'étend sur 3 hectares. Des bassins d'une contenance moyenne de 50 hectolitres chacun sont improvisés pour recevoir les eaux salées et qui après évaporation donnent naissance à des blocs de sel. Ce sont les femmes qui s'occupent de la récupération. Elles préparent le sel avec des moyens rudimentaires. La production est saisonnière ; elle dure trois mois d'été. A l'orée des périodes des grandes chaleurs, les villageois s'affairent aux préparatifs de la campagne de production en organisant des volontariats. Pour la remise en état des lieux, on remet les digues dans leur état initial, on nettoie les étangs et les bassins de séchage. Puis, on s'entend sur un programme équitable permettant à chacun d'avoir sa part. Puis, c'est le triage du produit selon le calibre : le gros, le moyen et le petit. A ce stade, les hommes prennent le relais ; ils se chargent du transport à dos d'âne des fardeaux. La tâche n'est pas sans peine vu le relief montagneux et très accidente du site. Le sel est ensuite stocké dans des jarres ou mis directement en vrac sur le marché. Certains producteurs, qui sont dans le besoin, chargent tôt le matin leurs bêtes et sillonnent les villages de la région proposant le produit et ne rentrent qu'une fois la totalité de leur marchandise épuisée. Tamellaht (les salines) qui a fait la réputation d'Ighil Ouantar est aujourd'hui délaissée par les siens en quête d'un travail plus rémunéré. « Avant l'avènement des moyens de conservation chimiques ou matériels tels le réfrigérateur et le congélateur ; nos aïeux utilisaient le sel local pour la conservation des produits alimentaires », dira Nabila Taouzinet, une résidente de la commune. Elle cite l'exemple de la conservation naguère, hors saison, de la tomate et de la viande. Le développement du commerce de sel iodé a concurrencé le sel local et a acculé les villageois à renoncer à l'exploitation de ce gisement naturel millénaire.