En effet, entre les dépenses excessives du mois sacré, celles de l'Aïd et dans la foulée celles relatives à la rentrée scolaire, l'équilibre n'est pas facile à trouver. Pourtant la période d'avant l'été a vu une série de décisions prises par le gouvernement en faveur de plusieurs catégories socioprofessionnelles qui ont bénéficié d'augmentations de salaires. De même qu'il a été décidé la reconduite des subventions des produits de consommation de première nécessité comme l'huile et le sucre. Des décisions annihilées par une instabilité criante des prix à la consommation. Le Ramadhan, comme à l'accoutumée, a vu la flambée habituelle des prix des produits alimentaires en dépit des promesses du gouvernement de réguler le marché et de multiplier le nombre des contrôleurs sur le terrain. Le taux d'inflation pour le mois d'août n'a pas encore été communiqué par l'Office national des statistiques (ONS), mais celui du mois de juillet montrait déjà une augmentation de 1% par rapport à la même période de 2010. Une hausse prévisible est attendue après les dernières augmentations de salaire, mais qui sont pourtant considérées par certains syndicats davantage comme un rattrapage d'une situation qui a prévalu qu'une véritable hausse pouvant relever le niveau de vie et le pouvoir d'achat des citoyens. Cela en dépit également de la hausse du salaire minimum garantie à 15 000 DA lors de la dernière tripartite. Néanmoins, la réalité décrite par certains experts est que 70% des travailleurs touchent encore moins de 20 000 DA. «Ce ne sont pas des augmentations de salaire, mais des retards d'indemnités que certains fonctionnaires n'avaient pas encore touchées», explique Rachid Malaoui, porte-parole du syndicat national autonome du personnel de l'administration publique. «Certes, les rappels versés ont pu couvrir les dépenses des ménages pendant une période, mais avec la hausse des prix, on revient à un salaire qui ne correspond pas aux besoins du pouvoir d'achat de l'époque que nous vivons». «On est revenus à la case départ», dit-il. Pour arriver à un pouvoir d'achat en adéquation avec la réalité du terrain, « il faudrait que les augmentations de salaire soient négociés et non décidés unilatéralement par le gouvernement», estime M. Malaoui. Salaires insuffisants Certes, peu d'études récentes ayant trait à la question du pouvoir d'achat ont été réalisées jusque-là, mais celles qui existent convergent vers deux points essentiels ; d'abord, le niveau des salaires en Algérie suffit à peine à couvrir les besoins élémentaires des ménages. Ensuite, le PIB par habitant s'accroît plus vite que le niveau des salaires. Ainsi, une étude publiée par le Forum des chefs d'entreprises en 2006 et couvrant la période 1995-2004 a démontré qu'en dix ans, la richesse produite en Algérie «a triplé», tandis que la consommation finale individuelle des ménages a doublé. Elle a relevé que sur cette même période, le SNMG a augmenté en moyenne de 9,6% par an et les revenus des salariés de10,2% en moyenne par an, alors que le PIB par habitant a augmenté de 13,3% en moyenne par an. D'autre part, en 2006, une étude publiée par l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) avait conclu qu'une famille algérienne de 7 personnes avait besoin d'un budget mensuel de près de25 000 DA uniquement pour combler des besoins élémentaires dont plus de la moitié pour des dépenses alimentaires qui ne sont couvertes qu'à hauteur «de 26% par le SNMG», selon une évaluation réalisée par l'intersyndicale de la Fonction publique. L'alimentation, l'habillement et la santé restent les trois premiers postes des dépenses chez les ménages en Algérie. Données éloquentes En dépit des déclarations rassurantes du gouvernement sur le recul de la pauvreté, le mois de Ramadan 2011 est la meilleure occasion de mettre en avant l'ampleur du phénomène. On se souvient qu'à la veille du Ramadhan 2009, le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, avait déclaré sur une chaîne de Radio nationale : «Il n'y a pas de pauvres en Algérie. Ce n'est qu'une invention des médias», alors même que l'aide aux nécessiteux pendant le mois sacré ne cesse de prendre de l'envergure d'année en année. Pour 2011, l'enveloppe consacrée par les pouvoirs publics à l'opération couffins du Ramadhan a connu une augmentation par rapport à 2010 passant de 3,6 milliards de dinars à 3,8 milliards de dinars. Il a été décidé la distribution d'environ 1,5 million de couffins aux familles nécessiteuses contre 1 million l'année d'avant. Enfin, selon Khelaf Aïssa, président de la Commission nationale chargée de la préparation du mois du Ramadhan plus de 5,1 millions de repas devaient être assurés durant le mois, soit près de 200 000 de plus qu'en 2010. Autant de chiffrent qui attestent si besoin est que la pauvreté en Algérie est bel et bien une réalité.