Cette édition algérienne de l'œuvre de Ferhat Abbas dans son pays méritait une cérémonie au sein du SILA, non pas par rapport au grand homme lui-même, mais par rapport à l'espoir de l'ouverture de la pensée en Algérie. Et cela est dommageable malgré la réussite que l'on dit de ce Salon du livre 2011, qui a ouvert grandement ses portes à un nombre considérable de talents nationaux, d'origine algérienne, vivant à l'extérieur du pays et d'étrangers. A ne citer que les deux grandes écrivaines, Fadéla Merabet et Malika Mokadem qui ont ensoleillé ce salon par leur talent et leur sensibilité légendaire, ce salon qui a su aussi rendre hommage au parcours exceptionnel du journaliste Nourredine Aït Mazi. Mais combien, honorer l'homme de savoir qu'était Ferhat Abbas, lors de ce salon, aurait donné à cet évènement majeur une grandeur insoupçonnée, d'autant plus que Ferhat Abbas est connu aussi bien des Algériens que des étrangers, comme un homme de plume d'une exceptionnelle qualité. Et lorsqu'on rajoute à cela le don de soi pour sa patrie, c'était là l'occasion d'une cérémonie à son hommage. Dans le cas d'une telle œuvre, du fait du scellé qui la concernait, et du fait de la publication d'un livre à titre posthume, chose exceptionnellement rare dans l'édition à l'échelle planétaire, tout pays aurait donné toute son importance à pareil évènement en le saluant par une cérémonie à l'occasion d'un salon du livre. Que l'on se rappelle tout ce qui fut dit et écrit en France et à l'étranger, ainsi que les débats qui suivirent lors de salons et colloques à l'occasion de la publication à titre posthume du livre d'Albert Camus Le premier homme. Pourtant, si l'écrivain fut de talent, s'il fut engagé auprès des causes justes, il n'a pas œuvré plus d'un demi-siècle pour libérer son pays d'une occupation étrangère, il ne fut pas non plus chef d'Etat, comme le fut Ferhat Abbas. Ici, nous ne comparons pas les deux hommes pour lesquels nous avons admiration, chacun dans le domaine qui est le sien. Mais c'est pour dire qu'une publication à titre posthume méritait d'être relevée comme un évènement exceptionnel et d'être saluée par une cérémonie au SILA 2011, d'autant plus que son auteur n'est pas n'importe qui. Mais il n'en fut rien, et le silence a plané dans le Salon du livre d'Alger comme si l'œuvre de Ferhat Abbas éditée en Algérie, et son livre publié à titre posthume, est un nonévènement, et comme si l'Algérie avait des hommes comme Ferhat Abbas à la pelle. Nous disons que c'est dommage, pas pour nous qui savons qui fut cet homme et ce qu'il donna de lui-même pour que vive libre la patrie algérienne, pas pour nous qui savons la valeur inestimable de son œuvre historique, et dont nous avons tiré un enseignement fabuleux, une réconciliation avec nous-mêmes et notre patrie, tant cet homme nous a communiqué à travers ses livres, dignité, don de soi et humilité. Nous disons que c'est dommage, pas pour nous qui savons, mais pour la jeunesse algérienne estudiantine qui, en venant au salon, aurait pu trouver, à l'occasion d'un hommage rendu à Ferhat Abbas, une fierté d'être et un exemple à suivre. Le SILA a fermé ses portes, les invités sont repartis chez eux, mais Ferhat Abbas demeure dans son pays, plus vivant et plus grand que jamais. On pourra fermer toutes les portes pour empêcher les Algériens de s'imprégner de son souvenir, l'homme demeure, car il a marqué l'histoire de son pays d'un pan de gloire, et ce n'est pas un Salon du livre qui changera le cours de l'histoire. Mais il valait la peine de relever cette «anomalie» tant il nous semblait normal et même un devoir qu'un hommage soit rendu à Ferhat Abbas lors de ce SILA 2011 à l'occasion de l'édition algérienne de son œuvre, et du cadeau posthume fait à son peuple. Mais «demain se lèvera le jour».