Un article signé Nour-Eddine Khendoudi et publié dans le quotidien El Watan, édition du 6 août 2013, consacré à un certain Mohamed Hamouda Bensaï, «penseur» algérien originaire de Batna, ne méritait pas qu'on lui accordât la moindre attention, n'était son caractère odieux avec une intention certaine de nuire à la mémoire de Ferhat Abbas, président du GPRA, et si ce n'était pas sa publication dans un grand organe de presse national, sachant le nombre de ses lecteurs sur le sol algérien et à l'étranger et aussi le nombre d'internautes qui lisent régulièrement l'édition électronique. Après mûre réflexion, il m'a paru nécessaire, dans mon humble position d'auteure de trois livres consacrés à l'itinéraire politique de Ferhat Abbas publiés dans le but de faire bénéficier mes compatriotes du résultat de mes recherches menées avec abnégation au service de la vérité. Ce qui a permis de mettre à nu le mensonge véhiculé sur le grand homme par certaines personnalités politiques et littéraires, lesquelles, animées par des desseins funestes, se sont attelées depuis des dizaines d'années à salir l'honneur d'un grand homme dont la plupart des Algériens sont dévoués à sa noble mémoire parce qu'il avait son peuple en idéal et lui sacrifia sa vie avec abnégation afin de le libérer de l'oppression coloniale. Si le but de cet article de Khendoudi, était, a priori, de rendre hommage à Mohamed Hamouda Bensaï, il faut dire que c'est d'un raté inimaginable ! Sous la plume de Khendoudi, le pauvre Bensaï apparaît malheureusement sous un jour peu flatteur. Un lettré de la prestigieuse université française, la Sorbonne, qu'il fréquenta durant les années 1930, et qui a côtoyé André Gide, grand écrivain français, mais dont les pratiques sexuelles (ce qui n'enlève rien à son génie créateur) assumées par l'écrivain et considérées comme contre nature par ses propres compatriotes, avaient fait grand bruit à son époque, et Han Ryner, connu pour son appartenance à la mouvance anarchiste «ni Dieu ni maître». C'est à se demander comment un homme que Khendoudi nous décrit proche des oulémas et plus précisément de Ben Badis pouvait se lier d'amitié avec deux écrivains éloignés, oh combien, des idées oulémistes ? Khendoudi n'a guère éclairé les lecteurs d'El Watan à ce sujet. Nous disons ceci tout en sachant que «c'est dans la différence que naît la créativité», et qu'une personne peut avoir des amis aux idées différentes et rester elle-même. Au lieu de nous faire découvrir l'œuvre de Bensaï et ses activités politiques, à supposer qu'il en eut, car certains disent qu'il fut proche de l'ENA, Khendoudi grandit l'homme par rapport à l'œuvre de ses célèbres amis. Car, toujours selon l'auteur de l'article, «Bensaï a vécu dans une longue léthargie… Il vivotait en reclus, évoluait dans la crainte et le sentiment de persécution au point que dans Batna, sa ville natale, certains le prenaient pour un fou… Il termina sa vie d'abord comme manœuvre dans les usines et enfin comme écrivain public à Batna». Triste sort pour un homme qui côtoya de grands écrivains et qui fut, selon Khendoudi, maître de Bennabi qui fut lui-même un penseur dans le vrai sens du terme et qui laissa derrière lui une œuvre considérable. Selon toujours Khendoudi, Bensaï avait une belle plume, mais aucun ouvrage de lui n'est cité, si ce n'est un petit écrit sur Isabelle Eberhardt. Ce n'est que dans les années 1980 et à l'hiver de sa vie que Bensaï publia un article «dans une revue d'audience insignifiante», précise Khendoudi. Aux questions que se pose le lecteur de savoir pourquoi Bensaï, qui avait pourtant fait des études de philosophie, dit-on, à la Sorbonne dans les années 1930, ce qui n'était pas donné à tout un chacun à l'époque et d'autant plus lorsqu'on était algérien, il fallait pouvoir faire le voyage, financer ses études et de surcroît être bien introduit pour que des Français fassent de lui leur ami en plein quartier latin, ce n'est déjà pas très sûr aujourd'hui alors que dire des années 1930, pourquoi donc cet homme-là a-t-il vécu par la suite en reclus ? Pourquoi cet homme-là n'a-t-il rien fait de sa vie, comme le dit l'auteur de l'article vivant dans cette inexplicable léthargie ? Pourquoi les habitants de sa ville natale, Batna, le prenaient-ils pour un fou ? D'où l'inintérêt d'un article en hommage à un homme sans dire exactement aux lecteurs qui il fut exactement et que s'était-il passé de fâcheux dans sa vie pour que lui, qui fut étudiant à la Sorbonne, qui avait certainement un avenir prometteur devant lui et qui avait aussi peut-être du génie, puisqu'il nous dit qu'il fut le maître de Bennabi, se retrouva dans une vie de reclus. Khendoudi n'a pas jugé bon de poser une problématique nécessaire et même obligatoire pour la compréhension du sujet et qui permette de faire découvrir Bensaï aux lecteurs en mettant en exergue ce qui dans son parcours mérite qu'on retienne de lui. Non, Khendoudi préfère s'en prendre au docteur Bendjelloul, qui, lui, pourtant ne passait pas son temps à «philosopher» dans les cafés du quartier latin parisien, mais battait le fer avec le colonat pour défendre les membres de sa communauté vivant dans une misère effroyable, allant un jour jusqu'à gifler un policier. A l'époque, 1930, qui aurait pu oser ? Ce n'est pas pour rien que le docteur Bendjelloul est pris pour cible, lorsqu'on sait que durant la période de l'entre-deux-guerres il ouvrit les portes de L'Entente, organe de presse des élus du Constantinois, dont il était le président, à un jeune politicien à la fibre nationaliste et à l'avenir prometteur, Ferhat Abbas, où ce dernier a pu exprimer ses idées politiques en toute liberté. Nous voilà donc au but visé ! Khendoudi nous apprend qu'un jour Bensaï a toisé Ferhat Abbas d'un air réprobateur, le comparant à un «führer» et dénoncé les AML. Les lecteurs d'El Watan, loin d'être dupes, ont fort bien compris que pour Khendoudi, Bensaï n'a été qu'un moyen pour atteindre la cible visée, le président du GPRA. Voilà un homme d'Etat, docteur en pharmacie, homme de presse, militant nationaliste depuis l'âge de 20 ans, créateur du Manifeste du peuple algérien (1943), créateur de l'association des AML (1944) qui fut considérée comme une véritable carte d'identité nationale par rapport au nombre fulgurant d'Algériens qui y avaient adhéré, leader d'un grand parti politique nationaliste (UDMA 1946-1955) reconnu au-delà des frontières algériennes, engagé dans la guerre de Libération nationale menée par le FLN, membre du CNRA et du CEE, président du GPRA (1958-1961), président de la première Assemblée nationale constituante de l'Algérie indépendante, et dont tout un chacun, même ses propres ennemis politiques, reconnaît le génie. Et pour couronner le tout, il fut écrivain publiant son premier ouvrage, Le Jeune Algérien, en 1931, et plusieurs autres ouvrages par la suite au succès fulgurant, à l'exemple de Autopsie d'une guerre (1980) et L'indépendance confisquée (1984), car tous les livres de Ferhat Abbas furent des best-sellers, jusqu'à son livre posthume, Demain se lèvera le jour (Alger-livres édition 2010). Homme d'Etat honoré par les plus grandes nations du monde et qui, à ce jour, bénéficie au-delà de sa mort d'une considération planétaire et dont il est rare de rencontrer une seule personne adulte qui ne connaisse pas son nom. En faisant semblant de rendre hommage au pauvre Mohamed Hamouda Bensaï, Khendoudi n'a rien fait d'autre que nuire à sa mémoire en le réduisant à un raté, un homme qui n'aurait rien fait de sa vie, comparé à ses amis devenus de grands écrivains, tel Gide ou de grands penseurs, tel Bennabi. En l'opposant au grand Ferhat Abbas, un homme à l'action positive, un intellectuel dans le vrai sens du terme, à la pensée féconde, à la plume incisive, à la bravoure légendaire défiant durant des dizaines d'années l'administration coloniale au péril de sa vie, il connut de ce fait, à maintes reprises, les prisons coloniales, sillonnant le monde durant la Révolution algérienne, au nom du FLN, pour défendre la cause du peuple algérien. Khendoudi n'a rien fait d'autre qu'amoindrir Bensaï dont il ne nous a pas fait connaître les faits d'armes. En ressassant le fameux article sur la nation algérienne attribué à Ferhat Abbas et dont aucune preuve tangible n'a été apportée à ce jour par les historiens, que Ferhat Abbas aurait écrit quoi que ce soit dans le sens des propos colportés, Khendoudi n'a rien fait d'autre que montrer, cette fois-ci sans détour, son intention certaine de nuire à la mémoire du président du GPRA, à se demander au nom de quelle cause ?
Leïla Benammar Benmansour. Docteur en communication - Auteure. Dernier ouvrage Ferhat Abbas. L'homme de presse, Alger-Livres Editions. 2013. Ferhat Abbas. L'injustice, Alger-Livres Editions, Alger 2010. La crise de l'été 1962. Ferhat Abbas : sauver le pays de la «congolisation», Alger-Livres Editions, Alger 2011.