L'affaire du thon rouge pêché illégalement à Annaba n'a toujours pas livré ses secrets. Après les accusations de l'armateur contre le secrétaire général du ministère de la Pêche, Fateh Boudamous, c'est au tour de ce dernier de s'expliquer, sans aller dans le détail, « pour ne pas violer le secret de l'instruction » actuellement en cours au tribunal de Annaba. D'emblée, M. Boudamous, inculpé et mis sous contrôle judiciaire dans le cadre de l'affaire de la pêche du thon par des thoniers turcs à Annaba, révèle avoir été « le premier à demander aux gardes-côtes d'intervenir pour arrêter l'opération de pêche et déposer une plainte contre les armateurs impliqués » et revient sur la campagne de pêche de thon rouge pour l'année 2009, dont le quota réservé à l'Algérie par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique et des mers adjacentes (ICCT) est de 1117,42 tonnes, dont 20% ont été attribués en affrètement à une société japonaise. Cette attribution a été effectuée par un comité ad hoc, composé de représentants des ministères des Transports, du Commerce, de la Défense nationale et de la Pêche. La campagne de pêche avec les moyens des armateurs algériens a été préparée en prenant compte des engagements internationaux de l'Algérie vis-à-vis de l'ICCAT et en coordination très active avec le service national des gardes-côtes. Afin d'éviter toute spéculation, nous avons évité les quotas individuels et affecté le quota global à l'ensemble des armateurs. Nous avons également pris de nouvelles mesures comme par exemple l'obligation de pêcher dans les eaux territoriales, le respect de la date de fermeture de la campagne arrêtée au 31 mai pour les palangriers supérieurs à 24 mètres, et le 15 juin pour les senneurs, l'obligation d'embarquement d'un contrôleur désigné par l'administration de la pêche à bord de chaque navire durant toute la campagne, de l'installation du système de suivi par satellite (VMS), de procéder au contrôle du produit de la pêche au port et en rade du port d'Alger. » Le secrétaire général précise en outre que le ministère « a mis, dans le cadre de sa stratégie de développement des activités de la pêche, l'accent sur l'acquisition des navires thoniers en vue de l'exploitation de la ressource par les nationaux, et d'algérianiser la pêche au thon dès 2010 ». C'est à ce titre, ajoute ce responsable, que « la pêche conjointe entre Saâdoune et Hasni, des armateurs algériens, a été autorisée et encouragée pour une meilleure maîtrise de la technique de pêche à la senne, sachant que le second navire peut ne pas être doté d'équipement et ne peut bénéficier du document historique lié au quota de pêche ». M. Boudamous insiste également sur le fait que pour 2009, la pêche dans les eaux internationales a été interdite. De ce fait, toute opération de transbordement ou de transfert avant la déclaration par les armateurs de leur prise réelle auprès des services des douanes, de la pêche et des services vétérinaires est considérée comme illégale et ne peut faire l'objet d'un document historique. Le responsable rappelle que le ministère a été le premier à saisir l'ICCAT pour des mesures coercitives contre des navires étrangers arraisonnés en train de pêcher au large d'El Kala. « Pour votre information, des armateurs étrangers avaient saisi l'ICCAT pour une pêche conjointe entre l'Algérie, la Libye et la Turquie, mais leur demande a été rejetée… », a-t-il dit. Sur l'affaire de Annaba, il affirme que le ministère s'est constitué partie civile et rappelle, en avançant une panoplie de documents prouvant ses propos, que c'est grâce « aux mesures prises par le ministère de la Pêche et à la vigilance des gardes-côtes que des bateaux turcs et algériens ont été arraisonnés et qu'une quantité estimée à 200 tonnes de thon rouge a été saisie au large de Annaba. Après avoir saisi la justice, l'administration de la pêche a préconisé le relâchement total de ce poisson dans le but de ne pas cautionner cette pêche illicite ». M. Boudamous « nie catégoriquement » avoir autorisé une telle opération. « Nous avons même refusé de délivrer les documents historiques à des armateurs algériens autorisés à pêcher du thon, parce qu'ils n'ont pas respecté leurs engagements et violé la réglementation. Suite à un message émanant du ministère des Affaires étrangères, nous avons fait même part à l'ambassadeur de Turquie, via la direction des affaires juridiques, que l'opération de transbordement des produits de pêche des navires algériens vers les thoniers turcs arraisonnés par les gardes-côtes est illégale du fait qu'elle n'a jamais été autorisée par notre département. S'agissant des navires, nous leur avons fait savoir qu'ils font l'objet d'une enquête par la police maritime. » Interrogé sur les circonstances de la visite de l'ambassadeur turc au ministère de la Pêche, M. Boudamous a déclaré que « c'est à sa demande qu'en tant que secrétaire général que j'ai reçu le diplomate avant l'arraisonnement des navires. Il a été mis au courant de la réglementation en vigueur relative à la pêche par des étrangers dans les eaux territoriales ». Le cadre « regrette » que ce dossier « prenne une autre tournure et note que les tentatives d'accusation laissent apparaître une volonté de perturber le cours de l'affaire Akua-Group, mais également celui d'autres affaires pour lesquelles la justice a été saisie et qui constituent des enjeux à implication financière importante, impliquant des Algériens et des étrangers. A travers le secrétaire général, c'est le ministère qui est ciblé pour s'être opposé à certains projets dont les bénéficiaires bien connus n'ont jamais résisté à la tentation de dilapider les ressources nationales au détriment de l'intérêt national ». Le responsable dément tout lien entre cette affaire et la mise de fin de fonction du directeur national de la pêche. Selon lui, celle-ci a été demandée, en février 2008 et n'a pu être effective qu'au mois de juin dernier, avant qu'éclate l'affaire de Annaba.