Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le procès de l'affaire de blanchiment de capture de thon et dans laquelle sont impliqués armateurs turcs et algériens ainsi que 2 hauts cadres du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques s'est ouvert hier à Annaba vers 10 heures du matin. La salle d'audience était aux trois quarts vide et il n'y avait que les accusés, les avocats, les journalistes de la presse locale et quelques citoyens curieux qui voulaient suivre cette affaire. Le président du tribunal appela un à un les 8 accusés pour leur énumérer les chefs d'accusation avant de vérifier leur identité. Les 4 Turcs, MM. Oghlou Hassan Chirif, Iddiz Mustapha, Blibel Iroll et Certer Iroll, sont accusés de pêche illicite dans les eaux territoriales algériennes, de contrebande et de falsification de registres ; MM. Saadoun Maamar et Saadoun Hachemi de pêche illicite et MM. Boudamous Fateh et Allam Kamel, respectivement secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques et directeur des pêches, sont accusés, quant à eux, de trafic d'influence et de détournement de fonction au profit de tierces personnes. L'audition par le président du tribunal du premier accusé, en l'occurrence M. Oghlou Hassan Chirif, armateur turc, a duré près de 3 heures pendant lesquelles l'interprète a dû traduire et faire comprendre à l'accusé toutes les questions posées par le président du tribunal qui maîtrise bien le dossier et est au courant de tout ce qui est en rapport avec ce procès, revenant jusqu'à la genèse de cette affaire et le contrat signé par la partie algérienne représentée par M. Maamar Saadoun, armateur algérien du bateau El Djazaïr qui a été à l'origine du transbordement au large des côtes de Annaba des 210 tonnes de thon saisies par les gardes-côtes de la station maritime principale de Annaba. Ainsi, le juge a pu établir qu'il n'y a jamais eu de convention autorisant ledit transbordement et encore moins la vente de ces quantités de thon en haute mer. Tout ce qu'il y avait dans le contrat a trait à l'assistance à l'opération de pêche et à la commercialisation du thon. Ce qui implique que toute l'opération est illicite et est qualifiée comme telle en plus du fait qu'elle est assimilée à de la contrebande puisque non déclarée aux services des Douanes et qu'elle s'est passée au large sans que les autorités compétentes aient été avisées. Dans son interrogatoire, le juge a amené l'accusé à reconnaître qu'il n'avait pas avisé le ministère de la Pêche, ni les gardes-côtes, ni la capitainerie du port de Annaba sur sa véritable destination puisqu'il avait déclaré mettre le cap sur Izmir alors qu'il avait rendez-vous au large avec le bateau algérien El Djazaïr pour l'opération de transbordement. Revenant sur l'arrivée en Algérie du patron turc, le président du tribunal demanda à celui-ci la date de son arrivée, qui il a rencontré et le motif de la rencontre. Celui-ci répondit qu'il est entré sur le territoire national le 18 mai 2009 et a rencontré au ministère de la Pêche en présence de l'ambassadeur turc, M. Boudamous, Fateh, secrétaire général dudit ministère pour une autorisation de transbordement de thon. Selon ses dires, celui-ci lui a fait comprendre que cette opération est désormais libre et n'est plus soumise à la réglementation contrairement à l'année précédente où il avait fallu établir ladite autorisation qui avait permis de pêcher 465 tonnes de thon rouge. Ce qui a amené le président du tribunal à poser une autre question qui déstabilisa quelque peu l'armateur turc. «Comment se fait-il qu'en si peu de temps [3 jours] vous ayez pu pêcher 210 tonnes de thon avec un seul bateau alors qu'il vous a fallu l'année dernière 3 bateaux pour pêcher 465 tonnes ?» interrogea le juge. L'accusé se tut un moment avant de répondre qu'il y avait ces jours-là un banc important de thons et que cela était possible. Le juge rappela à l'accusé que, lors de l'inspection du bateau remorqueur, les garde-côtes ont trouvé des filets qui n'avaient pas été scellés par les inspecteurs de la marine à Alger, ce qui implique qu'ils étaient ailleurs et que c'est le bateau turc qui a participé à l'opération de pêche, ce qui est tout a fait illégal. L'audition des autres accusés s'est poursuivie durant tout l'après-midi et apparemment le procès se prolongera jusqu'en soirée. Le juge, M. Benbakir Moncef, jeune magistrat polyglotte, maîtrisant bien cette affaire, attentif et méticuleux, s'intéressant au moindre détail qui pourrait l'amener à faire toute la lumière sur cette affaire, veut aller au fond des choses. Le procès va certainement durer beaucoup de temps, nous y reviendrons dans notre prochaine édition.