Sidi Semiane est une commune rurale au vaste territoire, mais très faiblement habitée. Elle se trouve à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Tipaza. Des grappes de maisons, construites en toub s'encastrent au sein des versants de massifs forestiers difficilement accessibles, malheureusement défigurés par la série répétitive des incendies et des départs de feux qui se produisent chaque année. Le chef-lieu de la commune a enregistré des changements positifs en raison des travaux d'amélioration urbaine et l'apparition de timides espaces verts. La route sinueuse, d'une longueur de seize kilomètres, pénètre dans les entrailles des montagnes abruptes de cette partie ouest de la wilaya. Le coût d'aménagement de ce tronçon du CW 3 qui relie la RN11 à Sidi Semiane avoisine 120 millions de dinars. Les habitants de Sidi Semiane tentent d'améliorer leurs conditions de vie grâce à la formule du soutien à l'habitat rural. D'ailleurs, un quota de 100 logements ruraux a été totalement distribué aux familles de 7 agglomérations rurales (douars, ndlr). La liste des bénéficiaires est affichée à l'entrée du siège de l'APC. Et le P/APC de cette commune reconnaît le succès de l'opération de l'aide au logement rural : « La wilaya vient de nous affecter un autre programme de 120 aides au logement rural pour notre commune », tenait à préciser notre interlocuteur. La construction de bassins de retenues d'eau et de forages a atténué les problèmes d'alimentation en eau potable. Huit locaux commerciaux ont été réalisés à proximité du siège de la commune, ils demeurent toujours fermés, hormis deux qui ont été affectés pour les activités artisanales, en l'occurrence l'électricité en bâtiment et la pâtisserie. A Sidi Semiane, il n'y a point de magasins de produits alimentaires et de drogueries et aucune activité commerciale n'existe dans cette commune rurale éloignée. La réalisation d'un établissement scolaire du cycle moyen sera sans aucun doute un atout pour permettre aux écoliers de poursuivre leurs études sans souffrance, de surcroît avec la réception pour cette année scolaire d'un bloc d'internat d'une capacité de 200 lits. L'achèvement des travaux de réalisation du siège de la brigade de Gendarmerie nationale dans cette commune encouragera le retour de la population rurale. Beaucoup de filles qui habitent les douars de Sidi Semiane ne peuvent continuer leurs études. car les mentalités sont difficiles à changer. Quelques téméraires s'aventurent le long de l'axe routier, quelque part dans la nature, pour vendre leurs petites quantités de fruits et de légumes. Les ressources pour de nombreuses familles des douars épars de la commune de Sidi Semiane sont trop insignifiantes voire inexistantes. Tous les moyens sont permis pour récolter quelques « sous » qui permettent à ces familles de s'approvisionner en aliments et produits de base à partir de Sidi Ghilès. Sidi Semiane avait bénéficié d'un programme de proximité et de développement rural intégré pour améliorer les conditions de vie des familles. Il faut parcourir plus de vingt et un kilomètres pour acheter de la semoule, de l'huile, un savon ou un médicament. Le transport des voyageurs s'effectue surtout grâce à la « volonté » de quelques anciens véhicules bâchés, mais d'une manière clandestine. En raison de la pauvreté qui caractérise cette zone montagneuse de la wilaya de Tipaza, les bus n'exploitent pas la ligne qui relie Sidi Semiane à Sidi Ghilès comme le stipulent les autorisations d'exploitation délivrées par la wilaya. Les transporteurs estiment qu'il n'y a pas de rentabilité, d'une part et la route est difficile, d'autre part. « Les conditions d'accès et le critère relatif à la remise du diplôme ou de l'attestation de travail constituent une véritable barrière qui décourage les jeunes de cette commune rurale déshéritée dans leurs démarches pour créer une activité commerciale ou artisanale, nous indique un universitaire de Sidi Semiane qui est recruté par l'APC dans le cadre du pré-emploi. Un habitant de cette commune était perché sur le toit de son habitation rurale, à côté d'un seul ouvrier en train d'achever la toiture de sa nouvelle habitation. « C'est formidable » nous dit-il joyeusement, « j'arrive enfin à construire quatre chambres grâce à l'aide au logement rural pour mettre à l'abri mes enfants », enchaîne-t-il. « Mais, s'il vous plaît, aidez-nous pour que l'administration active le remboursement en moins de temps, autrement, tout va bien », conclut-il. Des tuyaux en plastic mis à terre servent à l'irrigation de l'agriculture vivrière. Mme veuve Zerkaoui Yamina, mère de sept enfants, est une artisane qui réalise des meubles et articles de cuisine à l'aide de la glaise, sans aucune utilisation de produit chimique, avant de les cuire dans un four rempli de branches sèches. Nous avons pu aller à la rencontre de cette dame, novice dans les transactions qui vit « enfouie » dans les djebels de Sidi Semiane et qui arrive à créer et à fabriquer avec ses mains de fée des produits originaux du terroir, décorés de motifs berbères très demandés sur le marché. Des personnes qui avaient découvert sa maison ne peuvent s'empêcher acheter à des prix dérisoires ses produits, afin de les revendre par la suite à des coûts exorbitants aux touristes dans la capitale. Khalida Toumi, ministre de la Culture, s'était rendue chez l'artisane, il y a des années. Mme Zerkaoui Yamina, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, nous a avoué qu'elle avait appris ce métier grâce à sa mère et sa grand-mère. « C'est fatiguant et contraignant pour nettoyer et concasser les pierres, avant de les transformer en une pâte pour créer des assiettes, des tasses à eau, des couscoussiers, des marmites et des meubles que vous voyez devant vous », nous déclare-t-elle, « mais je n'ai pas de moules pour faire tout ça. L'essentiel, c'est que je gagne ma vie proprement », ajoute-t-elle Sur le toit de son gourbi, érigé avec du toub et des roseaux, les figues sont étalées en plein air pour sécher. Dans la cour de son domicile qui dégage les senteurs de la campagne, des quantités de blé, d'orge et de glands sont déposées dans des paniers en argile. « Je dois préparer le couscous », nous dit-elle, « mais je dois moudre toute cette quantité avant de préparer notre plat traditionnel », enchaîne-t-elle. Notre interlocutrice souhaite bénéficier d'un local pour exposer ses produits artisanaux. Des figuiers, des grappes de raisins accrochées à des branches et quelques petits arbres encerclent l'habitation précaire de l'artisane et agricultrice à la fois. « On a construit notre gourbi sur ce morceau de terrain qui nous a été prêté par quelqu'un », indique-t-elle « car, là où on habitait, toutes les familles voisines avaient fui la région, en raison de l'insécurité. Néanmoins, ici à Sidi Semiane, nous vivons en paix », déclare-t-elle. Le marabout de Sidi-Semiane se situe à quelques encablures de la maison de l'artisane. En ce jour de Ramadhan, il fait très chaud, notre interlocutrice s'apprête à préparer la chorba, la cuisson du pain dans le four creusé à l'extérieur de sa maison est déjà achevée. « Mes enfants sont dans les champs, ils cueillent la courgette, ils doivent arriver au moment de la rupture du jeûne », nous précise-t-elle, ajoutant : « Chez nous, il faut obligatoirement marcher pour se déplacer d'un coin à un autre au milieu de ces forêts ». En sortant de Sidi Semiane, quelques véhicules chargés de citoyens commencent à arriver, tandis que des hommes en tenues traditionnelles se dirigent vers la mosquée pour accomplir leur prière. La construction de ce lieu de culte reste inachevée : « Nous ne sommes pas riches, nous sommes démunis et n'avons pas de personnes sur qui compter pour nous aider à terminer les travaux de cette petite mosquée. C'est le résultat de l'isolement. Notre douar a été le refuge de centaines de moudjahidine durant la révolution, hélas ! ils ne viennent plus chez nous », tenait à révéler un vieux. Ainsi s'est conclue cette virée diurne et ramadhanesque dans cette petite commune rurale déshéritée, à l'abri des yeux, qui vit au rythme d'un quotidien difficile mais entourée d'un environnement naturel superbe qui fait envie aux citadins des villes polluées. Le lit de l'oued est sec et des nuages de fumée se dégagent des forêts lointaines. Telle est l'ultime image qui nous a marqués au moment de quitter les lieux tranquilles et silencieux de Sidi Semiane.