Dans le sillage de la chronique précédente et sans vouloir rentrer dans les débats philosophiques très pointus à propos de la foi et de la raison, contentons-nous de rappeler que les « agencements » de la nature et l'intelligibilité du monde renvoient à l'Acteur Premier. Il est l'origine non mécanique de tous les mécanismes, antihasard fondateur du hasard, selon les formules consacrées. En outre, lorsqu'elle est exercée avec conscience et compétence, on doit faire confiance à la science. Toutefois, il y a lieu d'éviter deux écueils majeurs dans ce débat à propos de la croyance en Dieu et de la science. Le premier est le concordisme qui fait coïncider coûte que coûte les données révélées avec les découvertes scientifiques les plus récentes, voire dans certaines approches plus radicales, prétendre que les théories scientifiques se trouvaient ab æterno dans la Parole de Dieu. Et qu'il ne saurait en être autrement puisque Dieu sait tout et est au courant de tout depuis toujours. Nous avons même entendu, à cet égard, les uns et les autres parmi les tenants de ce concordisme affirmer la présence de la célérité de la lumière, sous sa forme numérique, quasiment à la décimale près, dans le Coran ! Ils sont férus d'artifices informatiques et de programmes numériques qui mettent en évidence le caractère prodigieux du contenu révélé. Le second écueil à éviter est celui de vouloir pourfendre l'ensemble de la religion et saper ses fondements par excès de scientisme drastique. N'avons-nous pas entendu ceux qui ricanent sur l'ordre de la création du monde dans la Bible, avec les arbres feuillus et verdoyants avant l'apparition du soleil, sans trop s'embarrasser de photosynthèse ni de chlorophylle ? Et, d'autres qui soutiennent que l'arche de Noé n'a jamais existé, et en tout cas, elle n'a jamais pu accueillir ni les marsupiaux d'Australie ni le tamanoir du Chili. D'aucuns osent avancer en concédant que la naissance miraculeuse du Christ pourrait s'apparenter à une sorte de parthénogénèse ! Aux uns et aux autres, il faut simplement répondre que nous ne sommes pas sur le même plan dialectique ni dans le même registre épistémologique. En reprenant les paroles du professeur Albert Jacquard, nous soulignons : « La démarche scientifique n'utilise pas le verbe croire ; la science se contente de proposer des modèles explicatifs provisoires de la réalité ; et elle est prête à les modifier dès qu'une information nouvelle apporte une contradiction… » La science est en perpétuelle mutation. Ce qui était une vérité irréfragable du temps de Ptolémée a été balayé par Copernic et ce qui était un dogme absolu du temps de Galilée a été relativisé par Einstein… Alors que la religion est dans l'affirmation apodictique de vérités révélées. Son discours informatif et normatif est péremptoire. L'être humain est appelé à y adhérer et libre à lui d'y croire ou non. En principe, la démarche de foi est une réponse libre à l'invitation au Mystère. C'est un consentement spontané au socle éthique qui y est proposé. Enfin, il faut savoir sortir des vieilles querelles entre la science et la religion. Arrêter de croire que la religion infantilise nécessairement les esprits. Epurée de ses germes de fanatisme, elle peut donner du sens à la vie. Et bien entendu, il faut cesser de prendre au pied de la lettre ce qu'il y a dans les textes sacrés à propos de la description du monde. Le créationnisme dans sa forme brute ne relève que des fadaises qui ne résistent nullement au moindre fait objectif. Il est temps d'insuffler une bonne dose de conscience dans l'activité scientifique et d'éclairer le comportement religieux par la pertinence de la science. Et au plus grand physicien de tous les temps d'affirmer : « Sans la religion la science est boiteuse et sans la science la religion est aveugle. »