La revue Histoire d'entreprises, éditée à Lyon, consacre sa septième livraison à un spécial Algérie, sous le titre Histoire made in Algérie, parlant de véritables petits empires dont certains, comme Orangina, Le Petit Robert, ou encore l'Algérien Hamoud Boualem restent des valeurs économiques de première importance, alors qu'une société née en Algérie, Zakia, a investi cette année les écrans français pour le Ramadhan. L'éditoraliste résume les intentions d'Histoires d'entreprises : Pourquoi l'Algérie ? Chacun connaît la beauté de ses paysages, ses ressources naturelles, la cordialité de ses habitants et la complexité des liens que nous avons tissés depuis bientôt deux siècles avec ce pays souvent présenté comme essentiellement rural et qui a pourtant été le cadre de très belles histoires d'entreprises. Bien sûr, ce magazine fait la part belle à l'économie coloniale et parle d'ailleurs des brillantes réussites des pieds-noirs après l'indépendance en France tel Afflelou. Au-delà de cet angle, on apprécie ce formidable travail de mise en perspective d'entrepreneurs performants créateurs sous le soleil algérien. Aujourd'hui encore, lorsqu'on parle d'Orangina, de Ferrero, de Bastos, de Cristal anis, des navires Schiaffino, des papiers à cigarettes Job, du dictionnaire Robert, ou encore côté algérien de Hamoud Boualem, ou des Tamzali, c'est toute une époque qui est évoquée aux yeux des plus anciens bercés il y a quelques décennies par ces noms et d'autres encore. La revue Histoire d'entreprises donne ainsi dans des pages colorées et bien documentées à connaître le talent d'entrepreneurs portés par des idées originales. La plupart des ces sociétés, si elles ont été balayées d'Algérie par la vague de nationalisation après 1963, existent encore. Ainsi, Orangina, qui a quitté Boufarik en 1961, est née de la rencontre en 1935 d'un docteur espagnol et d'un négociant d'huiles essentielles installé en Algérie… Aujourd'hui, un milliard de petites bouteilles ventrues sont vendues dans le monde… Entrée dans le groupe Pernod-Ricard en 1984, puis à Coca Cola, Orangina entre dans le giron de la société Cadbury-Schweppes avant de passer sous la coupe d'un consortium composé des fonds d'investissements Blackstone Group International et Lion Capital. On apprend en ce mois de septembre 2009 que le société japonaise pourrait racheter Orangina Schweppes. Né en 1899, Suntory, une des plus anciennes maisons de négoce puis de bières, soft drinks, vins et spiritueux, est naturellement bien implantée dans l'Asie-Pacifique… On est aujourd'hui bien loin des vergers souriants de la Mitidja. Faut-il parler de Ferrero ? « En 1907, Jean-Baptiste et Anaïs Ferrero s'installent à Alger et montent un atelier de graine de couscous. En 1953, l'entreprise met au point la première rouleuse mécanique de la graine. Vingt ans plus tard, elle fusionne avec Cauchy et avec Ricci, maison fondée à Blida en 1853, qui avait inventé le procédé de séchage artificiel de la graine. Toutes trois donnent naissance au Groupe Ferico, qui sera racheté plu tard par Panzani. Aujourd'hui, Ferico est le leader mondial du couscous. Il exporte dans plus de 45 pays ». Moins tape à l'œil mais tout aussi important, le dictionnaire Robert. Commencé à Alger, continué à Casablanca puis à Paris, le dictionnaire le Grand Robert paraît en 1964 – à la surprise générale : depuis 1900, en effet, aucun dictionnaire de langue n'avait vu le jour. Œuvre d'un certain Paul Robert, né en 1910 en Algérie, ce nouveau dictionnaire de langue française devient vite un classique (*). Côté population algérienne musulmane, les réussites sont encore des modèles du genre. La revue consacre plusieurs pages à l'épopée de Hamoud de sa création en 1878 jusqu'à aujourd'hui. Le magazine cite aussi Tamzali, dans le domaine agroalimentaire. Une autre histoire s'étale sur quelques pages non sans causer de l'émotion même à ceux qui n'ont pas connu la splendeur de l'exploitation de la trappe à Staouéli, devenue domaine Borgeaud en 1908. Après 1963, écrit la rédactrice Hélène Géli, l'exploitation devenue ferme Bouchaoui est soumise au système de l'autogestion, morcelée, elle survivra quelques temps avant de sombrer dans l'abandon, puis d'être récupérée par des habitants en mal de propriété. « Des anciens ont fondé le club des trappistes pour s'insurger contre la dégradation liée à cette implantation sauvage. Des associations sont également entrées en lutte pour mobiliser les autorités, proposer des projets de réhabilitation et faire admettre l'urgence à sauvegarder la trappe, patrimoine de l'histoire coloniale de l'Algérie et lieu de mémoire. Sans grand espoir… ». Des pages très instructives à découvrir.