En parlant de conspiration contre la Sûreté nationale, lors d'un point de presse tenu jeudi dernier en marge de la cérémonie de sortie d'une promotion de commissaires de police, le DGSN visait certainement le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni ; entre les deux hommes, un froid s'est installé depuis plus de trois mois. A l'origine, un lourd dossier impliquant cinq fonctionnaires de police, dont deux divisionnaires et un commissaire principal, déposé sur le bureau de Yazid Zerhouni par un de leurs collègues qui aurait été victime d'un « règlement de comptes ». En fait, selon des sources proches de l'institution policière, l'affaire aurait un lien avec l'ancien patron du service des renseignements généraux de la sûreté de wilaya d'Oran, qui avait été suspendu, poursuivi et détenu pour trafic de drogue, avant d'être relaxé par le tribunal et la cour faute de preuves. Pour l'officier, il s'agit bel est bien d'« un coup monté de toutes pièces » par ses collègues dépêchés d'Alger, sur instruction du directeur de la police judiciaire. L'officier a, en fait, payé les frais de ses relations avec l'ancien directeur des renseignements généraux auprès de la DGSN qui était en conflit direct avec Ali Tounsi, son patron. Convaincu d'avoir fait l'objet d'une conspiration, l'officier aurait demandé audience au ministre de l'Intérieur pour se plaindre de ses collègues d'Alger qui, selon lui, auraient un lien avec les quelques grammes de drogue trouvés dans son bureau lors de la perquisition. Une enquête a alors été ouverte, après que le patron de la police eut été saisi du dossier. Les cinq mis en cause ont été entendus au ministère de l'Intérieur. Il s'agit du directeur de la police judiciaire de Châteauneuf (Alger), du chef de la police judiciaire auprès de la Sûreté de wilaya d'Alger, du chef de la brigade criminelle de la division Centre, de son adjoint et d'un de ses officiers. L'affaire prend de l'ampleur. Elle alimente les plus folles rumeurs sur le départ éventuel du patron de la police du fait que certains des cadres mis en cause sont connus comme étant ses hommes de confiance ». Elle provoque même un climat de tension et de suspicion au sein de l'institution policière et suscite un froid entre MM. Zerhouni et Tounsi. Le mouvement dans le corps de la police (promotions, mutations et mises à la retraite) intervenant à la fin de l'année scolaire, est en stand by en attendant la fin de l'enquête, d'autant que parmi les mis en cause, certains cadres sont proposés par le DGSN à des promotions. La situation couvait une crise (relationnelle) ouverte entre le ministre et le patron de la police. Il aura fallu l'intervention du président de la République pour mettre un terme au statu quo. Première décision : un décret mettant fin aux fonctions du directeur de la police judiciaire. Il n'y a pas de meilleure « fusible ». De par son poste, il a une responsabilité directe sur les quatre autres cadres de la police judiciaire et de la brigade criminelle. Dans la foulée, le mouvement dans les rangs de la police a subi quelques petits changements avant d'être signé début septembre, et à sa faveur, le cadre par qui le scandale est arrivé a été réintégré dans les rangs de la Sûreté nationale au poste d'adjoint du chef de la Sûreté de wilaya de Sidi Bel Abbès. Une réhabilitation « méritée », disent ses collègues qui, d'ailleurs, n'ont jamais cru à son implication dans cette affaire de drogue. Comment a-t-il fait pour rejoindre ce poste assez important après une traversée du désert de plus de trois ans ? On n'en sait rien. Ce qui est certain, c'est que cette réintégration a été décidée par le ministre de l'Intérieur et ajoutée à la dernière minute au mouvement proposé par Ali Tounsi, qui a surpris en nommant l'ex-chef de Sûreté de wilaya de Boumerdès au poste de directeur de la police judiciaire, en remplacement de celui qui a été relevé. Le nouveau directeur est connu pour son professionnalisme et sa probité, n'acceptant aucun compromis de quelque nature qu'il soit. D'ailleurs, pour nombre de ses collègues, sa mutation d'Alger vers Boumerdès n'est en fait qu'un « éloignement ». Son retour à la tête du plus important service lié directement aux affaires économiques, criminelles et terroristes laisse-t-il croire que cette crise a fait perdre du poids à Ali Tounsi ? Fort probable. C'est d'ailleurs la raison qui l'a poussé à révéler aux journalistes que l'institution qu'il dirige est « la cible privilégiée d'une conspiration » qu'il dit avoir « déjouée » uniquement pour rassurer ses cadres, maintenus dans la tourmente depuis des mois. Peut-on croire réellement à la fin d'une crise entre le DGSN et son ministre ? Tout dépendra de la suite à donner à l'enquête qui a été diligentée par le département de Zerhouni sur certains cadres de la Sûreté nationale.