Comment expliquez-vous que Hadj Mrizek n'ait jamais été honoré ? Mon père a été dans l'oubli pendant plus de cinquante ans. Plus d'un demi-siècle. C'est le premier hommage qu'on lui rend. Les événements n'ont peut-être pas voulu que cet hommage ait lieu. On ne peut l'attribuer à quelque chose donné. Mon père est décédé en 1955. Après l'indépendance, l'Algérie avait d'autres chats à fouetter. C'est comme cela. Il n'existe pas de raison directe à cet oubli. Et là, il y a eu résurrection. Je remercie toutes les personnes qui ont aidé à ce que Hadj Mrizek ressuscite parmi nous. Sa mandole n'a pas été touchée pendant 50 ans. N'existe-t-il pas d'artistes qui pourraient perpétuer la tradition dans la famille ? Je suis fille unique. Je ne suis pas allée vers le chaâbi. J'ai fait le conservatoire d'Alger où j'ai fait du piano et de l'andalou. J'ai appris chez Cheikh Belhocine, Allah yerhmou. J'ai continué mes études, je me suis mariée, j'ai eu des enfants. Mon fils aîné est pianiste, mais il n'en a pas fait son métier. Il joue le répertoire de son grand-père. Il a l'oreille musicale. C'est inné. Vous fredonnez l'importe quel morceau et il le joue au piano. Il a eu les gènes de son grand-père... Est-ce que votre père a laissé des textes inédits, un diwan ? Le peu qu'il a laissé a été remis par ma mère à El Hadj Hachemi Guerouabi, qui a chanté toutes les chansons de mon père durant presque toute sa vie. N'oubliez que Guerouabi adorait mon père, je sais qu'il suivait mon père partout où il allait. Après sa mort, Guerouabi a dit à ma mère que le nom de Hadj Mrizek devait rester en vie. Et qu'apprécie la fille de Hadj Mrizek parmi tous les maîtres du chaâbi ? J'écoute Guerouabi. J'adore Amar Lachab aussi. Il me rappelle ma jeunesse. Tout à l'heure (à la soirée de clôture de 4e Festival de la chanson chaâbi au TNA, ndlr), il interprétait Bellah alik ya el goumri, je chantais avec lui. Vous m'auriez dit, vous connaissez les paroles, je vous aurais dit que je les avais oubliées. Mais, là, en l'écoutant, tout est revenu Et M'hamed El Anka ? El Anka est un grand. On ne peut pas le dénigrer. Vous allez dire que la fille de Hadj Mrizek est prétentieuse, mais si mon père avait vécu, je ne pense pas qu'El Anka aurait eu l'ampleur qu'il a eu...