Depuis quelques jours, les prix des fruits et légumes enregistrent une nouvelle flambée sur l'ensemble des marchés de gros et de détail des grandes villes du pays. C'est le cas particulièrement de la capitale où les prix de certains produits alimentaires ont doublé en l'espace de trois jours. Les marchés des quartiers populaires, habituellement peu sensibles aux fluctuations intempestives de la mercuriale, n'ont cette fois pas échappé à la spéculation, suscitant ainsi le désarroi des ménages. Les pères et les mères de famille, qui ont déjà dû faire face aux hausses induites par le mois de Ramadhan et la saignée de la rentrée scolaire reçoivent, pour ainsi dire, le coup de grâce. Pour sortir de ce mauvais pas, il n'existe pas trente-six solutions : nombreux seront ceux qui devront emprunter pour tenir jusqu'à la fin du mois. Au cœur des marchés des quartiers populaires de Belcourt, Alger-Centre et Bab El Oued, la plupart des légumes étaient inexplicablement alignés sur le même prix, 80 DA alors qu'il y a peine trois jours, ils coûtaient 30 DA de moins. Le constat amer vaut pour la tomate, la salade, le melon et les haricots. En revanche, le kilo de chou-fleur qui s'échangeait encore au début de la semaine à 70 DA a atteint la barre des 140 DA, soit un « record individuel » presque jamais égalé. La pomme de terre, dont le prix s'était quelque peu tassé, ces dernières semaines pour se stabiliser autour des 45 DA le kilo joue une nouvelle fois aux « grosses légumes » et est cédée à 65 DA, comme au plus fort de la crise de l'an dernier. La subite flambée des prix des produits de consommation touche également de plein fouet les fruits, y compris les produits de saison. Un kilo de raisin de qualité ordinaire ne coûte pas moins de 130-140 DA. Habituellement, plus ou moins accessible, le cardinal (une autre variété de raisin), originaire de Mostaganem a grimpé à 240 DA. Même topo pour les poires et les pommes. Les variétés les plus accessibles flirtent avec les 100 DA. Les petites bourses désemparées Littéralement assommées par cette montée des prix, les petites bourses, ô combien très nombreuses, qui fréquentent habituellement les marchés du centre-ville de la capitale apparaissaient, hier, désemparées face à l'arrogance des commerçants. Un mépris qui plus est manifesté à trois jours de l'Aïd, une période connue pour être propice à la spéculation en raison surtout de l'incapacité de l'Etat à contrôler efficacement les marchés. « Pas la peine de chercher à comprendre. C'est ce que les commerçants font tous les ans à chaque veille de l'Aïd. Ils savent qu'il n'y pas d'Etat pour les surveiller et c'est pour cela qu'ils jouent comme bon leur semble sur les prix », lance dépité un vieil homme non loin d'un étal rempli à rebord de pomme de terre tenu par deux vendeurs. Le visage labouré par le poids des ans et la voix affaiblie par le jeûne, celui-ci ajoute avec amertume : « Vous savez, nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie. Tout le monde sait que rien ne peut justifier une telle flambée. Mais que voulez-vous, nous sommes leurs otages. Ce que nous font les commerçants est du pur chantage. » Cette vieille personne ne croit pas si bien dire en parlant d'« odieux chantage ». Tous les commerciaux, y compris les bouchers et les vendeurs de volaille, semblent s'être passé le mot pour augmenter les prix. Pour beaucoup, il est devenu presque un privilège pour la majorité des Algériens d'acheter de la viande (1000 DA le kilo) ou de manger du poulet (400 DA le kilo). Les commerçants, face au courroux manifesté quotidiennement par une population déjà grandement fragilisée par une inflation galopante, soutiennent mordicus qu'ils ne sont pas à l'origine de la flambée des prix. « Que voulez-vous qu'on fasse. Les prix ont augmenté au niveau des marchés de gros ou des intermédiaires. Nous étions bien évidemment obligés de répercuter la hausse pour maintenir notre marge bénéficiaire », explique avec une gêne manifeste un vendeur de fruits et légumes de Belcourt. Les mêmes arguments sont servis par les vendeurs de volaille qui pointent d'un doigt accusateur les producteurs. Ces derniers renvoient à leur tour la balle aux détaillants. Qui a tort, qui a raison ? Difficile à dire. Ce qui paraît toutefois certain est que tous les maillons de la chaîne des fruits et légumes se sucrent sur le dos des consommateurs et sous le regard indifférent des pouvoirs publics.