Photo : Riad Par Ziad Abdelhadi En moyenne, les prix ont grimpé d'au moins 20 DA par kilogramme en l'espace de quarante-huit heures. Mais, c'est la courgette, légume très prisée par les ménages, qui a connu la plus forte augmentation. En effet, elle est passée de 30-35 DA à 75-80DA dans les grands marchés de la capitale. C'est à croire que les détaillants se sont passé la consigne. Un seul mot d'ordre : revoir à la hausse les prix sur les affichettes. Et pourtant, une lecture de lamercuriale pratiquée durant les journées des 19, 20 et 21 août 2009, dans les trois grands marchés de gros de fruits et légumes, à savoir Bougara (ex-Ravigo), Khemis El Kechna et Hattatba, qui nous a été transmise par les administrations gérant ces lieux de négoce, ne montre aucunement une hausse subite, sinon de petites variantes ne dépassant guère les cinq dinars tant sur les légumes que sur les fruits. Alors, de deux choses l'une, ou bien les documents qui nous été transmis sont loin de révéler la réalité du terrain ou bien ce sont les détaillants qui n'en font qu'à leur guise : mettre à profit la demande en nette progression ces jours de veille de Ramadhan. Si l'on se réfère à nos visites dans les marchés de gros cités ci-dessus à la même période de l'année dernière, et dont nous avions rapporté de larges extraits dans ces mêmes colonnes à l'époque, c'est bel et bien la deuxième hypothèse qui tient la route. Pour preuve, les collecteurs-livreurs rapportent aux marchés de gros des cargaisons entières de légumes et de fruits et les proposent aux détaillants de la capitale pratiquement au même prix. Une fois la livraison faite, les détaillants à l'arrivée sur les lieux de leur commerce sont armés du seul désir de maximiser leurs profits. En clair, les marges de bénéfice dépassent largement toute logique. Elles atteignent, parfois, le double des prix de gros. En règle générale et comme ont témoigné des revendeurs ambulants, la marge minimum prélevée sur chaque légume vendu ne doit pas descendre au-dessous des 10 DA le kg. A titre d'exemple, la carotte de Rovigo, de Hattatba ou de Khemis El Kechna achetée 15-17 DA (selon la qualité) sera proposée au détail à plus de 40 DA. Dans certains quartiers, elle dépassera la barre des 50 DA. C'est le même cas pour d'autres légumes et fruits. Mais à la veille de Ramadhan, si l'offre a dépassé la demande au niveau des marchés de gros durant toute la semaine qui a précédé le premier jour du jeûne, les détaillants ont tagi comme si c'était tout le contraire, c'est-à-dire une demande dépassant largement l'offre qui a pour conséquence une hausse des prix sensible. Ce cas de figure exclu, il faut donc croire que l'appétit du gain rapide chez cette catégorie de commerçants s'est vite manifesté sur les affichettes. Toujours dans ce même contexte de surenchère, les prix appliqués diffèrent d'un endroit à l'autre de la capitale. La même marchandise, issue de l'un des marchés de gros, est écoulée à des prix très distincts et de surcroît très élevés par rapport à leur prix de gros. Ce qui confirme encore une fois tout l'empressement des détaillants à gagner rapidement et considérément. Une devise qui connaît un niveau d'application amplifié en ces jours de Ramadhan par l'effet du volume des achats des ménages. Donc, on peut en déduire que les détaillants ont une grande part de responsabilité dans l'envolée subite des prix des légumes constatés ces derniers jours sur les étals. Du côté du ministère du Commerce, c'est un autre son de cloche. Pour ce département ministériel, la hausse vertigineuse des prix des légumes est la conséquence directe de l'anarchie qui règne au niveau des marchés de gros ainsi que de la défaillance en matière de marchés organisés. «Ce qui cède largement la place aux commerçants informels qui imposent leur diktat sur des consommateurs enfiévrés comme de coutume durant le mois sacré», a soutenu Djaaboub dans sa dernière sortie médiatique. Et de préciser à cette occasion que 60% des produits agricoles sont écoulés hors des marchés réglementaires. Le ministre a aussi signalé que les prix des végétaux, qui ne répondent pas au principe de l'offre et de la demande, ne sont pas des prix libres, mais dépendent d'autres facteurs. Sans en citer quelques-uns. Mais, au-delà des facteurs habituels de l'offre et de la demande, ce qui n'est pas le cas en cette période de l'année, c'est bien l'action d'un phénomène connu : quand la consommation double en un espace très court, les prix s'affichent à la hausse. Autre facteur qui influe sur les prix : le nombre impressionnant de vendeurs ambulants (lire encadré) et l'extension des marchés parallèles qui pullulent à travers tout le territoire national. Autant dire, enfin, que notre commerce de fruits et légumes est beaucoup plus investi par des opportunistes de tout bord guidés par la soif du gain au détriment d‘une grande frange de consommateurs aux revenus qui n'arrivent plus à suivre la cherté des prix. Il suffirait de donner plus de pouvoir aux associations de consommateurs pour qu'enfin les marges de bénéfice appliquées des détaillants et des mandataires reviennent à des niveaux beaucoup plus réalistes. Attendons donc que les pouvoirs publics se penchent plus sérieusement sur le dossier. Z. A. Les chiffres du CNRC Selon le Centre national du registre du commerce (CNRC), le nombre de commerçants intervenant dans la distribution des fruits et légumes, tous statuts confondus, inscrits jusqu'à la fin du mois d'août 2008, est de 44 923. Dans un rapport détaillé sous le titre «Marchés des fruits et légumes en Algérie», il est indiqué que le nombre des mandataires et des grossistes est de 4 134 (dont 3 920 personnes physiques et 214 personnes morales spécialisées à 100% dans les fruits et légumes) ainsi que les détaillants sédentaires (9 535, soit 9 503 personnes physiques et 32 morales). Les autres catégories de commerçants sont les détaillants ambulants au nombre de 16 250 personnes physiques, les importateurs (1 343 personnes) et les grossistes exerçant également dans l'alimentation générale qui représentent 664 personnes physiques. Le CNRC enregistre l'existence au niveau national d'un seul commerçant en fruits et légumes pour 719 habitants en moyenne, cela en intégrant les commerçants en alimentation générale qui des fruits et des légumes.