L'opposition, qui a promis un «printemps sénégalais», a annoncé qu'elle mettrait en place une «nouvelle stratégie», une sorte de plan anti-Wade, face à la «répression» des autorités. A l'appel du M23, des milliers de personnes s'étaient, rappelle-t-on, rassemblées mardi à Dakar pour exiger le retrait de la candidature à la présidentielle du 26 février de Abdoulaye Wade, 86 ans, dont près de 12 ans passés à la tête de l'Etat.Après plusieurs heures sans incident, le rassemblement sur la place de l'Obélisque a été dispersé par la police à coup de grenades lacrymogènes. Un jeune homme a été tué lors de la dispersion, alors que les échauffourées se sont poursuivies jusqu'à une heure tardive de la nuit. Des manifestants ont été par ailleurs passés à tabac. Pour de nombreux observateurs, la manifestation de mardi a été un test positif pour les membres du M23 dans la mesure où il a réussi, malgré l'interdiction des autorités, à mobiliser plus de 10 000 personnes. Certains responsables du mouvement estiment toutefois qu'il faudra davantage de monde pour faire plier Abdoulaye Wade. Ignorant les recours qui lui ont été adressés, le Conseil constitutionnel – dont les cinq membres ont été nommés par le président Abdoulaye Wade – a, rappelle-t-on, confirmé, lundi 30 janvier, son verdict qui avait déjà provoqué des émeutes vendredi, à Dakar et dans d'autres villes du pays. L'institution a validé la candidature du Président sortant en l'autorisant à briguer un troisième mandat et a rejeté celle du chanteur Youssou N'dour, qui jouit d'une grande popularité au sein de la société sénégalaise. Le M23 devait réunir hier un «comité de crise» pour évaluer justement la suite à donner à la manifestation. Face à «la répression du gouvernement», le M23 va «désormais devoir développer une nouvelle stratégie», a indiqué à la presse, sur une note d'optimisme, Abdoul Aziz Diop, son porte-parole. L'opposition a-t-elle maintenant des chances de voir Wade renoncer à son projet, sachant que la campagne commence la semaine prochaine ? «Affirmatif», répondent des animateurs du mouvement. A ce propos, l'on rappelle que la colère de la rue avait déjà réussi à le faire reculer, le 23 juin, lorsque M. Wade avait essayé de faire passer une réforme constitutionnelle qui lui aurait permis d'être élu dès le premier tour avec 25% des voix. Le chef de l'Etat sénégalais sait désormais que la rue peut lui poser problème. Et puis, fait à ne pas négliger, la majorité des capitales occidentales ont lâché le vieux président. Eu égard au caractère musclé de la réponse réservée par le régime de Wade à l'opposition, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit hier «préoccupé par la montée des tensions» et a exhorté les acteurs politiques «à s'abstenir de toute violence». M. Ban a souligné par ailleurs «la nécessité pour les autorités d'agir de manière à préserver et à consolider les traditions démocratiques» du pays. Cet appel intervient après que les Etats-Unis aient invité, lundi, Abdoulaye Wade à «laisser la place à la prochaine génération» et à ne pas briguer un troisième mandat. Jusque-là complaisante vis-à-vis de certaines des dérives autoritaires du président sénégalais, la France a aussi fait savoir, hier, qu'elle souhaitait qu'il y ait un renouvellement de génération à la tête de l'Etat. Bref, le message est clair : on ne veut de Wade ni à Paris et encore moins à Washington. Dakar ne semble toutefois pas prendre au sérieux les avertissements de Washington et de Paris. Ou du moins, Abdoulaye Wade pense aujourd'hui pouvoir se passer du parapluie français et américain. C'est ainsi que ses proches ont précisé que le Sénégal n'acceptera pas de diktat de l'étranger concernant l'organisation de sa présidentielle. «Le vote (du 26 février) ne se fera ni aux Etats-Unis, ni en France, ni ailleurs mais au Sénégal. Je voudrais dire à ces pays (…) que le Sénégal n'a de leçon de démocratie à recevoir de personne», a averti le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Madické Niang. En clair, le président sénégalais sortant est prêt à affronter la rue et à mettre le Sénégal à feu et à sang rien que pour garder le pouvoir.