L'extrême tension qui entoure l'élection présidentielle au Sénégal et la forte opposition rencontrée par la candidature de Abdoulaye Wade, 85 ans, qui brigue son troisième mandat après avoir passé déjà passé 12 ans au pouvoir, ont fait réagir hier la communauté internationale, à commencer par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Le responsable de l'organisation onusienne s'est, à ce propos, dit «inquiet» de la situation, surtout que le sang a coulé durant la campagne. «J'espère sincèrement que ces élections auront lieu de manière pacifique et transparente, afin que la volonté du peuple soit respectée. Nous suivons de près l'évolution de la situation au Sénégal et ce qui se passe là-bas nous inquiète», a déclaré M. Ban, en visite en Zambie. Les violences liées à la candidature d'Abdoulaye Wade ont, rappelle-t-on, fait depuis fin janvier au moins six morts et des dizaines de blessés. Le Mouvement du 23 juin (M23), une coalition regroupant des partis d'opposition et des ONG de la société civileparle, quant à lui, de «15 morts et de 539 blessés». Aujourd'hui, la tension est telle que tout le monde redoute une aggravation de la situation. Pour éviter justement que la situation ne dégénère pendant ou après le scrutin, l'Union africaine a proposé une «feuille de route» prévoyant que le président sortant Abdoulaye Wade, 85 ans, à la candidature contestée, quitte le pouvoir dans deux ans s'il est réélu, pour mettre fin aux violences. L'idée de l'UA paraît reposer sur une volonté de couper la poire en deux et d'offrir une issue à la crise acceptable autant pour l'opposition que pour Abdoulaye Wade. Cette proposition a été faite par l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, chef de la mission d'observation de l'UA et de la Communauté économique et monétaire des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), selon M23. «Le président Obasanjo a introduit un élément nouveau, une feuille de route selon laquelle Abdoulaye Wade ne resterait que deux ans seulement au pouvoir s'il gagne la présidentielle dimanche», a déclaré à la presse Abdoul Aziz Diop, un responsable du M23. Le président sortant perd le soutien de l'Afrique La mission d'observation de l'UA n'était pas en mesure de confirmer ces informations, mais Olusegun Obasanjo devait s'exprimer lors d'une conférence de presse hier soir. Néanmoins, cette feuille de route ne paraît pas vraiment déplaire au clan présidentielle qui est de plus en plus acculé autant au plan interne qu'externe. La preuve : le porte-parole de la présidence sénégalaise, Serigne Mbacké Ndiaye, interrogé sur la radio sénégalaise RFM, a indiqué que la présidence «a toujours dit qu'elle était prête à la discussion pour qu'il y ait des élections libres et transparentes (...). Nous sommes disposés à discuter de toutes les questions». Reste maintenant à connaître la position définitive du chef de l'Etat sénégalais lui-même et dont le projet de rester au pouvoir est mal perçu par Washington et Paris. En attendant et pour montrer sa détermination à ne pas se laisser faire et à négocier serré, l'opposition a proposé l'organisation d'un nouveau scrutin, sans le président sortant Abdoulaye Wade, dont la candidature est contestée, «dans un délai de six à neuf mois». Cette proposition du Mouvement du 23 juin (M23) constitue, selon elle, une réponse à la «feuille de route» proposée par Olusegun Obasanjo. Vendredi, l'opposition a fait une nouvelle démonstration de force en organisant une nouvelle marche anti-Wade à Dakar où les rassemblements sont pourtant interdits. Quelque trois cents femmes ont marché pacifiquement contre la candidature du président sortant à l'élection présidentielle d'aujourd'hui, demandant au pouvoir d'arrêter «de tuer» leurs enfants. La manifestation s'est déroulée sans incident de la place de l'Obélisque, située dans un quartier populaire, au siège de la Radio télévision du Sénégal (RTS, publique), sur deux kilomètres. Les manifestantes, pour la plupart vêtues d'un boubou blanc et d'une écharpe rouge, ont réclamé le retrait de la candidature de Wade au scrutin. Elles ont en outre appelé à une cessation des violences électorales meurtrières. Un groupe de «facilitation» rassemblant plusieurs syndicats, organisations religieuses et de la société civile du pays, a de son côté prévenu que le Sénégal connaît ces derniers jours une «détérioration de la situation politico-sociale», qui fait peser «de graves menaces» sur sa stabilité. Ce groupe rassemble les représentants d'une vingtaine de structures dont les principales centrales syndicales, des ONG catholiques, de lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance. Il a été créé le 2 février, après des violences meurtrières liées à la contestation de la validation, fin janvier, par le Conseil constitutionnel, de la candidature de Abdoulaye Wade.