Un engin pris en otage à Kendira, un camion de Naftal intercepté et vidé par des citoyens à Adekar, la RN9 fermée par des villageois mécontents à Draâ El Gaïd… Le tableau de la panique se dessine à Béjaïa et la grogne s'étend aux quatre coins de la wilaya. Les citoyens font montre d'impatience au moment où des présidents d'APC avouent ne rien savoir de ce qui se passe dans certains des villages de leurs communes, isolés par la neige. Aucun écho surtout des maisons isolées dans les montagnes envahies par la neige. A Kendira, l'attention est subitement portée, ces dernières heures, sur une famille au sujet de laquelle on imagine le pire des scénarios. Une vieille femme et ses quatre filles, qui vivent en retrait d'Amalou, l'un des derniers villages, avec Takheroubt Ighil, Ighil Hamdoune et Ihebachen, qui attendent qu'on vienne leur ouvrir la route et les délivrer de l'angoisse de l'enfermement. «Nous avons essayé, avec un groupe de concitoyens d'aller à pied jusqu'à là-bas, mais c'était peine perdue. Le sort de cette femme et de ses filles m'inquiète beaucoup», nous dit M. Takobait, président de l'APC de Kendira. Un groupe de jeunes s'apprêtait en début de soirée d'hier de marcher sur la maison de la vieille femme, dans une ultime tentative de leur part. Il leur faudra affronter le grand froid, une route encombrée sur une quinzaine de kilomètres et des blocs de neige défiant bulldozers et trucks. Ne croyant pas pouvoir y arriver, on envisage de passer au plan B : percer un passage de l'autre côté du village, c'est à dire du côté nord de la commune, par Boukhelifa, à 8 km du coin du village à atteindre. «Nous avons demandé au président de l'APC de Boukhelifa de tenter d'ouvrir la route de son côté parce que l'épaisseur de la neige n'est pas aussi importante qu'ici» nous apprend le maire de Kendira. Un branle-bas de combat avant que les dernières nouvelles, en début de soirée n'annoncent que la famille a été récupérée, saine et sauve, par un parent. Beaucoup d'autres endroits sur le territoire de la wilaya sont coupés du monde. La neige qui les tient en otages repousse les engins, y compris ceux, en nombre limité, de l'armée, qui essaye depuis quelques jours de les libérer. Et l'inquiétude monte à mesure que l'épaisseur de poudreuse augmente. Hier à Kendira, on n'était pas loin des trois mètres d'épaisseur. «Elle dépasse la taille moyenne d'un homme», nous la décrit un villageois de Kendira. Presque un record, pensent des habitants de cette commune dont le village d'Ihebachen n'a jamais fait parler autant de lui que depuis la survenue de cette tempête qui n'en finit pas. Jusqu'à hier, le village est demeuré isolé. Le seul bull de l'armée qui a fait le chemin en déneigeant la route depuis avant-hier, de Barbacha vers Kendira, n'a atteint Ihebachen qu'hier matin. «Ils n'y peuvent rien», commente un villageois qui résume la misère de la population : «C'est la souffrance !» Des toits ont cédé sous le poids de la neige. Heureusement sans pertes humaines. A Kendira, une dizaine de poulaillers ont vu leurs toits s'effondrer sous le poids de la neige. Le président de l'APC parle de «quatre blessés dont un cas de fracture grave». Le risque guette bien des demeures vétustes, qui ne manquent pas dans cette région de Kabylie. Pour le maire de Chellata en tout cas, il y a bel et bien risque d'effondrement «à tout moment». S'il n'a pas déjà eu lieu dans les villages dont l'on n'a aucune nouvelle. «Personne n'a cherché après nous. Nous allons périr dans nos maisons» se plaint un villageois de Draâ El Gaïd.