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Tandja et le syndrome du « Grand homme »
Kofi Akosah-Sarpong, journaliste à l'Expo Times Independent (Sierra Leone)
Publié dans El Watan le 17 - 10 - 2009

Avec le développement graduel de l'Afrique, a émergé le syndrome du « Grand homme » – qui correspond à des pratiques autocratiques, paternalistes, néo-traditionnelles – où les élites africaines, les intellectuels, les aînés, les gouvernants, les gens riches et les traditionnels barons croient qu'ils sont les seuls destinés à diriger ou qui ont le monopole sur les idées.
Le syndrome du « Grand homme » va contre la démocratie, contre la liberté, contre les droits de l'homme, contre l'Etat de droit et contre le progrès. Mamadou Tandja, 71 ans, président du Niger, est un exemple vivant du syndrome de « Grand homme ». Il entend porter le nombre de ses mandats constitutionnels de deux à l'infini. En vertu de la Constitution nigérienne, M. Tandja devait se retirer en décembre 2009 lorsque son second mandat présidentiel aurait touché à sa fin. Mais Tandja souffre du syndrome du « Grand homme ». Il croit qu'il est le seul homme capable de gouverner le Niger comme médiums spirituels et les marabouts fétichistes lui ont peut-être suggéré. Tandja symbolise le retour à la période de l'Afrique des systèmes paranoïaques à parti unique et à juntes militaires qui ont obscurci la plus grande partie de l'histoire de l'Afrique post-coloniale. Tandja a goûté au pouvoir pour la première fois après un coup d'état en 1974. Du fait de son syndrome du « Grand homme », Tandja est hermétique aux critiques de l'organisme régional de la Cedeao, de l'Union africaine, des leaders démocratiques africains, des partis d'opposition, des organisations religieuses, des syndicats et des militants des droits de l'homme ainsi que de la communauté internationale.
Tandja est déterminé à gouverner le Niger à vie en abandonnant ces limites constitutionnelles aux termes des mandats présidentiels et en étouffant les voix démocratiques. Au Niger, Tandja bouleverse la jeune démocratie du pays (depuis 1999) en s'appropriant en quelque sorte ses principes démocratiques afin de créer un système de présidence autoritaire à vie à l'instar de la Guinée de Sékou Touré. La psychologie à la base de la pensée de Tandja parsème le chemin de l'histoire africaine récente. Elle explique aussi le cas de Jerry Rawlings, qui n'avait pas accédé au pouvoir de manière démocratique, disant aux Ghanéens : « A qui ? » quand on lui a demandé de céder le pouvoir dans les années 1980 pour faire place à la démocratie. En Sierra Leone, le président Siaka Stevens a dit aux Sierra-Léonais, « Pass I die » (« jusqu'à ma mort je resterai président ») lorsqu'on lui a demandé la démocratisation. Stevens avait préparé le terrain pour une explosion future de la Sierra Leone. Au Liberia, alors que Samuel Doe venait de saccager un système démocratique balbutiant en instaurant un climat d'extrême autocratie, lui et ses acolytes criaient : « Sans Doe, pas de Liberia ». Doe a fini par éclater le Libéria en morceaux. En règle générale, la culture africaine bien ancrée de la Présidence à vie révèle que le « Grand homme » gouverne toujours contre les aspirations des masses à la démocratie et au développement.
Le Zimbabwe actuel de Robert Mugabe démontre qu'à long terme, cette attitude fait des citoyens des cadavres vivants. Mais Tandja n'exploite pas de façon positive l'histoire africaine, la culture, la sagesse et les tendances actuelles du développement africain. En agissant de la sorte, il dit indirectement aux Nigériens et aux Africains « Sans Tandja, pas de Niger ...Pass I die ... A qui ? ». Depuis l'indépendance le 3 août 1960, les 13 millions de Nigériens pauvres ont vécu sous cinq Constitutions et trois périodes de juntes militaires avec en toile de fond des assassinats et la rébellion touareg.
Le syndrome africain du « Grand homme » émane de certains éléments de la culture africaine : les médiums et les marabouts fétichistes, les spiritualistes et les sorciers-guérisseurs stimulent les « Grands hommes » lors de rituels spirituels traditionnels de « haut niveau » (avec parfois des sacrifices humains) et fournissent des interprétations bien pratiques : Dieu aurait par exemple destiné le « Grand homme » à régner à vie. Puisqu'il s'agit d'une activité irrationnelle, la plupart du temps cela se traduit par des catastrophes – en témoignent le Liberia, le Rwanda, la Sierra Leone et la Guinée Bissau. Les fameux rituels fétichistes de Jean-Bedel Bokassa de la République centrafricaine, qui avaient marqué les esprits, ont sans doute entraîné l'effondrement du pays. Et c'était le cas du général nigérian Sani Abacha friand de pratiques de marabouts fétichistes à grande échelle dans le but de se transformer en président civil. Le Zaïrois Mobutu Sese Seko illustrait lui aussi le syndrome africain du « Grand homme », laissant derrière lui un pays ravagé où l'Etat s'est autodétruit. Le syndrome du « Grand homme » est donc incompatible avec la démocratie et le progrès. Quel est donc l'antidote à ce mal, pour traiter les Tandja et consorts ?
Cet article est une adaptation de l'original en anglais sur AfricanExecutive.com. Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org


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