Fraîchement élu pour un deuxième mandat, le président Bouteflika a signé, le 19 avril 2004, la convention des Nations unies de lutte contre la corruption. Les années ont passé mais l'Algérie tarde à honorer ses engagements. Notre pays s'oppose, à l'intérieur même de cette structure, au contenu de la convention. Les mécanismes d'évaluation est le point qui dérange le plus les responsables algériens. Tout pays qui ratifie la convention doit, en effet, accepter que l'ONU fasse des évaluations sur le niveau de la corruption. Les responsables algériens rejettent l'idée des inspections des experts onusiens. Ils ne veulent pas non plus de classements par pays et refusent que les évaluations de l'ONU soient rendues publiques. L'Algérie – aux cotés du Pakistan et de l'Egypte – considère que de telles mesures seraient une atteinte à « la souveraineté nationale ». Les discussions sur la convention internationale contre la corruption remontent aux années 1990, à l'Office du crime et de la drogue de Vienne. Après trois ans de négociations, le document final a été adopté et signé à Palerme en 2000. En décembre 2003, une forte délégation algérienne était présente à la conférence de Merida (Mexique). Officiellement, c'est le ministère de la Justice qui chapeaute ce dossier mais la Présidence, nous dit-on, suit cette affaire de très près. Dans les faits, la convention n'est pas très contraignante mais elle édicte des obligations. Elle est axée sur le recouvrement des avoirs, l'assistance technique, la coopération internationale et les mécanismes d'évaluation. Les délégués algériens se sont montrés sourcilleux sur la question du recouvrement des avoirs, exigeant que l'argent ne soit pas réintroduit dans les circuits de la corruption, mais ils ont fini par accepter cette idée. La transposition de cette convention en droit interne a donné lieu à la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Cette loi est, selon les spécialistes, très en retrait par rapport aux deux conventions onusienne et africaine. Alors que la notion de protection des dénonciateurs et des victimes de la corruption est évoquée très largement par la Convention des Nations unies, la loi du 20 février 2006 stipule l'exact contraire en traitant très sévèrement de la notion de « dénonciation calomnieuse ». « A croire que les auteurs de cette loi ont voulu sciemment dissuader tout dénonciateur de corruption ou donneur d'alerte », commente Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC). Les délégués algériens ont, par ailleurs, pris des positions négatives par rapport à la question de la participation de la société civile, des associations et des ONG à la lutte contre la corruption, tel que le recommande abondamment la convention des Nations unies. « L'Exécutif est en train de ‘dératifier' la convention des Nations unies contre la corruption, se désengageant toute honte bue et allant jusqu'à s'opposer frontalement à la mise en place au sein des Nations unies de mécanismes internationaux de suivi de l'application de cette convention (notamment lors des deux premières conférences des Etats-parties, en décembre 2006 en Jordanie et en février 2008 en Indonésie », s'indigne M. Hadjadj. Dans ce cas, pourquoi avoir ratifié cette convention si l'Etat n'en respecte pas les engagements ? A chacun sa lecture. Le responsable de l'AACC estime que ces instruments sont des « moyens de pression » et de « chantage » dans le cadre des pratiques de « règlement de comptes au sein de l'oligarchie au pouvoir et de sa périphérie ».