Jeudi, 10h. Le marché hebdomadaire du chef-lieu de commune de Souk El Thenine est presque vide déjà. Les derniers marchands ambulants se précipitaient pour plier bagage. Et pour cause, l'information sur l'attentat terroriste qui a coûté la vie à sept agents qui assuraient la sécurité du chantier de transfert des eaux du barrage de Koudiat Acerdoune n'a pas tardé à faire le tour de la région, comme une traînée de poudre. « C'est un carnage ! », nous dira d'emblée un citoyen accosté tout juste à l'entrée de l'agglomération. Il était vraiment sous le choc. Il parlait tout en essayant de retenir son émotion. La mine défaite, il tente quand même de nous parler davantage de l'attentat. « On a assisté à des scènes horribles. Je suis arrivé sur le lieu du drame une heure et demie après l'attentat. J'ai vu les victimes gisant encore dans une mare de sang. » Le fourgon s'est renversé, quittant carrément la chaussée. Il était criblé de balles », raconte-t-il. Toujours au chef-lieu de Souk El Thenine, à 25 km au sud de la ville de Tizi Ouzou, les citoyens n'arrivaient pas à décrire la situation. « On ne sait pas réellement ce qui s'est passé. On sait seulement que sept personnes ont été assassinées par des terroristes à Ighil Oumenchar, à 3 km d'ici, en allant vers Mechtras », se contentent de nous dire deux jeunes rencontrés à proximité du siège de l'APC. Après un tour en ville où la population semble être abattue pas cette nouvelle, tombée tel un couperet, nous avons emprunté le CW147, un tronçon qui longe des superficies importantes de bois. En suivant cette route sinueuse, nous avons constaté qu'il s'agit d'un chemin déserté par les automobilistes. A chaque virage, l'on remarque des endroits propices pour perpétrer un attentat terroriste. En arrivant à quelques mètres du lieu du carnage, Ighil Oumenchar, il était 11h, deux hommes en civil, la quarantaine, des GLD sans doute, armés de kalachnikovs, nous demandent de laisser le passage aux camions blindés de l'ANP qui arrivaient en renfort. Le fourgon qui transportait les victimes, un Boxer de couleur blanche, était immobilisé sur un talus. Le pare-brise et les vitres du véhicule avaient volé en éclats. L'impact des balles était visible sur la carrosserie. Des traces de sang étaient toujours sur le pavé. Des convois militaires arrivaient sans cesse. « J'ai été informé à 7h30. Puis, je me suis déplacé à la mairie pour alerter les éléments de la police communale qui étaient sur le qui-vive. Ils ne savaient plus quoi faire sous l'effet du choc. Mais, moi, j'ai pris mon courage à deux mains pour me rendre sur le lieu de l'attentat avant même l'arrivée de l'ANP et de la Protection civile. La première victime a été évacuée par des citoyens de passage juste après le drame. J'ai transporté, à bord d'une camionnette de l'APC, trois corps vers l'hôpital de Boghni. Ce n'était pas facile de voir ces horribles scènes. Les téléphones portables des victimes ne cessaient de sonner. Certainement, ce sont des membres de leurs familles qui les appelaient. Les victimes avaient l'habitude d'emprunter, chaque jour, ce chemin. Ils ont dû être repérés par les terroristes. Ils étaient plus de 20 éléments à intercepter aux environs de 6h30 le fourgon, de type Boxer appartenant à un particulier, avant de le cribler de balles », témoigne, avec beaucoup d'émotion, un élu qui nous précise, en outre, que les sept défunts sont tous originaires du même village, à savoir Sidi Ali Moussa. Ils étaient âgés entre 35 et 60 ans. Notre interlocuteur parle également du climat d'insécurité qui règne dans cette région sud de la wilaya de Tizi Ouzou. « Vous savez que dans toute cette zone forestière allant de Souk El Thenine à Mechtras et Aït Abdelmoumène jusqu'à Beni Douala, il n'y a aucun campement militaire, alors qu'il y a eu déjà plusieurs attentats », relève-t-il. Quelques heures après l'attentat, les troupes de l'ANP ont enclenché un vaste ratissage dans les maquis environnants. Cette opération s'est poursuivie même durant la nuit, selon des citoyens. Les militaires ont quadrillé une importante superficie de forêt. Hier vendredi), les deux blessés, dont le chauffeur, étaient toujours à l'hôpital. Les commerçants du chef-lieu de la commune ont baissé rideau en signe de deuil et d'indignation. L'enterrement des victimes a eu lieu, dans l'après-midi, en présence du wali de Tizi Ouzou et du chef du groupement de la gendarmerie. Dans la foule, l'on a également remarqué la présence des élus locaux de la région et le député Saïd Lakhdari venus consoler les familles des défunts. Des représentants de l'Agence nationale des barrages, de la SNC Lavalin et du ministère des Ressources en eau ont assisté aux funérailles. Le cimetière du village était noir de monde. Il était, d'ailleurs, très difficile de se frayer un chemin. Les ruelles de la localité se sont avérées trop étroites pour contenir cette marée humaine qui a déferlé sur le village de Sidi Ali Moussa. Par ailleurs, l'attentat de Souk El Thenine intervient au moment où les forces de sécurité mettent la pression sur les maquis du GSPC dans le versant sud-est de la wilaya de Tizi Ouzou, notamment dans les daïras d'Iferhounène et de Bouzguène. La semaine dernière, les troupes de l'ANP avaient réussi à mettre hors d'état de nuire quatre terroristes, à l'issue d'un accrochage avec les groupes armés dans la forêt de Kerouche, dans la commune d'Imsouhal. Une autre opération de même envergure sera certainement lancée dans la zone sud de la wilaya, puisque depuis jeudi et juste après l'attentat de Souk El Thenine, l'armée a déployé d'importants moyens humains et matériels pour passer au peigne fin les maquis de la région.