Les apports réalisés à l'origine ou au cours de la vie sociale d'une société peuvent revêtir plusieurs formes. L'apport de biens divers autres que des espèces répond à une logique économique, de convenance entre les parties et parfois fiscale. Un associé peut être tenté de surévaluer son apport pour bénéficier d'un avantage indu, ce qui constitue un délit civilement et pénalement répréhensible. La surévaluation d'un apport va avoir plusieurs conséquences. Au niveau des associés, la surévaluation des apports fausse les rapports entre eux en favorisant l'apporteur qui recevra un nombre plus important d'actions que ce qui lui est dû, en majorant frauduleusement le capital de la société. Un autre danger de la surévaluation du capital est de tromper potentiellement les tiers qui vont contracter avec la société sur les bases d'un capital majoré artificiellement. Procédure L'apport en nature est évalué par l'apporteur et accepté par les actionnaires de la société. Pour les aider dans leur décision, il est prévu la nomination d'un commissaire aux apports qui validera la valeur de l'apport et fera un rapport aux associés. Ces derniers vont se prononcer sur la valorisation de l'apport au vu du rapport et peuvent suivre ou non l'avis du professionnel. éléments constitutifs du délit, Ils sont au nombre de deux 1- Elément matériel : le simple fait d'accorder à un bien une valeur supérieure à sa valeur réelle constitue un délit. Pour apprécier la surévaluation, il faut se placer au moment de l'apport. Le délit n'est pas constitué si la valeur d'un apport diminue après l'apport, sauf cas de manœuvres frauduleuses (cas d'une créance qui serait sans valeur plus tard du fait de l'insolvabilité du débiteur). La difficulté est d'évaluer correctement un bien complexe de type fonds de commerce, fichier clients ou titres d'une société non cotée. Les experts qui sont rompus à ces travaux savent qu'il existe de grandes différences d'appréciation entre eux. Aussi, les tribunaux ne sanctionneront que les surévaluations réellement excessives. La «bonne affaire» réalisée par l'apporteur n'est pas punissable (sauf manœuvres frauduleuses). 2- Elément intentionnel : la loi exige que l'acte ait été fait de manière frauduleuse. En pratique, les tribunaux considèrent que la mauvaise foi est établie en fonction de la connaissance qu'avait l'auteur présumé. Ce sera le cas lorsque des manœuvres ont accompagné l'évaluation. Sanctions Personnes punissables : l'apporteur sera au premier chef considéré comme l'auteur, mais les autres associés peuvent également être poursuivis, de même que les gérants, directeurs et administrateurs de la société concernée. L'auteur de l'apport qui demande un prix exagéré n'est pas répréhensible s'il a laissé se dérouler la procédure sans intervenir. Les associés qui ont approuvé l'apport pourront être poursuivis et c'est une des raisons pour lesquelles ils retiennent très souvent l'évaluation faite par le commissaire aux apports. Le cas de ce dernier est plus complexe. Il sera, suivant les faits, considéré comme auteur ou comme complice, notamment lorsqu'il ne pourra pas prouver avoir accompli ses diligences normales. Réparation civile Les personnes lésées (y compris les associés qui auraient approuvé l'évaluation) ont la possibilité de demander l'annulation de la valorisation de l'apport sur le fondement du dol ou de la fraude, notamment quand cette évaluation s'est appuyée sur des documents truqués. Cette preuve est souvent difficile à apporter. Sanction pénale Celle-ci est théoriquement lourde, puisqu'elle consiste en un emprisonnement d'un an à cinq ans et une amende de 20 000 DA à 200 000 DA ou de l'une des deux seulement : ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ; (article 800 du code de commerce). Les tribunaux sanctionnent parfois la surévaluation d'apport en se basant sur l'escroquerie qui implique des manœuvres frauduleuses alors que le simple mensonge suffit à qualifier la surévaluation. Il en est ainsi quand il y a eu tentative de surévaluation qui n'est pas punissable dans les textes spécifiques ci-dessus. Il n'est pas prévu de peines complémentaires dans les textes de loi. Mais le juge pourrait en prononcer en vertu des textes généraux du droit pénal. L'action publique se prescrit par cinq ans à compter de l'assemblée générale ayant statué sur l'apport. Article 568 du code de commerce : «Les statuts doivent contenir l'évaluation de chaque apport en nature. Il y est procédé au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux apports désigné par ordonnance du tribunal parmi les experts agrées. Les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans à l'égard des tiers de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société. L'attention du lecteur doit être attirée sur des problèmes de ce type lors des restructurations internes où des sociétés mères peuvent être amenées à surévaluer les apports faits à des filiales pour des raisons financières ou écono¬miques.