Ce délit a pour objet de sanctionner les dirigeants qui remboursent aux actionnaires tout ou partie du capital social qui est le gage des créanciers, sans procéder aux formalités de publicité adéquates. Ce délit a été codifié dans le code du commerce en son article 811, pages 562-563, décret législatif n°93-08 du 25 avril 1993. Seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 20 000 DA à 200 000 DA, ou de l'une de ces deux peines le président, les administrateurs et les directeurs généraux d'une société par actions qui, en l'absence d'inventaires frauduleux, auront sciemment opéré, entre les actionnaires, la répartition de dividendes fictifs. Ce décret s'applique aussi aux SARL. Cette notion de distribution de dividendes fictifs existe également en cas de versement d'acomptes de dividendes. Les sanctions en cas de distribution de dividendes fictifs sont de deux ordres : pénal et civil. La caractérisation du délit Les conditions préalables Une absence d'inventaire ou un inventaire frauduleux par majoration d'actifs ou de minoration de passifs. En pratique, il est relativement rare de trouver des cas de dividendes fictifs impliquant l'absence d'inventaire, le cas le plus fréquent est celui de l'établissement de comptes annuels qui ne donneraient pas une image fidèle du résultat. L'imagination des praticiens étant sans limite, on peut se borner à citer : – la facturation fictive à une filiale ; – la non contre-passation de commande et d'acompte annulé ; – l'insuffisance de provisions ou d'amortissements ; – la surévaluation des stocks ; – les risques de pertes suite à une condamnation sans faire jouer le principe de prudence par une provision à la hauteur du risque de perte. La jurisprudence assimile les bilans frauduleux aux inventaires frauduleux. Caractère fictif du dividende Le caractère fictif est établi en cas de distribution du capital ou de réserves indisponibles (réserve légale ou de réévaluation, par exemple). Certains dirigeants tentent de se défendre en considérant qu'ils pouvaient verser des dividendes en présence de réserves ; oui, mais à condition que l'assemblée générale ait voté expressément en faveur d'une telle distribution. Or, si les actionnaires dans le cas d'espèce avaient voté le principe d'un dividende, il y aurait condamnation des dirigeants. Le caractère fictif du dividende serait établi également en présence de réserves latentes ou de plus-values potentielles. Il faut, pour que le bénéfice soit distribuable, qu'il ait été effectivement réalisé. éléments constitutifs Un dividende doit être distribué. Un problème se pose lorsqu'un dividende a été voté par l'assemblée générale mais n'a pas été effectivement encore versé. En pratique, le délit est constitué dès que le conseil d'administration a mis en application la résolution de l'assemblée générale votant le principe d'un dividende, même si ce dernier n'a pas encore été versé physiquement aux actionnaires intéressés. Il en sera de même en cas de compensation entre un dividende et un compte courant (il doit être signalé que le texte parle de répartition et non de distribution). Le délit n'est constitué que dans la mesure où les dirigeants ont fait cette distribution en connaissant son caractère fictif. Compte tenu de leur fonction, il sera difficile pour les dirigeants de s'exonérer de leur responsabilité. Ce pourrait être le cas d'un administrateur qui n'aurait pas assisté aux délibérations conduisant à l'arrêté des comptes. La responsabilité civile des commissaires aux comptes est aussi engagée dans l'hypothèse où, ayant eu connaissance du délit, ils ne l'ont pas révélé dans leur rapport à l'assemblée générale (Article 830 du code de commerce (décret législatif n° 93-08 du 25 avril 1993). Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 20 000 DA à 500 000 DA, ou de l'une de ces deux peines seulement tout commissaire aux comptes qui aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ou n'aura pas révélé au procureur de la République les faits délictueux dont il aura eu connaissance. Cette responsabilité s'étend également aux actionnaires qui auront reçu des dividendes fictifs. L'idée force qui préside la sanction civile ou pénale des actionnaires est que l'exercice d'un droit ne doit pas être abusif et doit être exercé dans l'intérêt social de la société. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'il est actionnaire qu'on a le droit de brader le patrimoine de la société. En effet, l'entreprise est un agent économique autonome poursuivant des fins propres, notamment celles de son développement, de la création de richesse, et par conséquent celle de sa continuité. Ainsi, elle doit être protégée par la force de la loi de tout bradage qui mette son existence en péril. Il n'y a pas de texte juridique dans notre législation, ni dans le code de commerce, ni dans le code pénal, qui définit la sanction que peuvent encourir les actionnaires qui acceptent des dividendes, alors qu'ils savent pertinemment que le bénéfice dégagé par la société n'est pas réel. Cela dit, la société ne peut exiger des actionnaires ou porteurs de parts aucune répétition de dividendes, sauf lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : – si la distribution a été effectuée en violation des dispositions de l'article 811 ; – et si la société établit que les bénéficiaires avaient connaissance du caractère irrégulier de cette distribution au moment de celle-ci ou ne pouvaient l'ignorer compte tenu des circonstances. En pratique, cette répétition sera rarement exigée des actionnaires minoritaires en l'absence de connaissance ou ayant eu une connaissance insuffisante des conditions dans lesquelles le dividende a été distribué. En revanche, pour les actionnaires majoritaires qui, très souvent, cumulent leur situation avec celle des dirigeants, la répétition pourra être engagée. Celle-ci se prescrit normalement par 4 ans. Très souvent, le délit de distribution de dividendes fictifs s'accompagne du délit de présentation de comptes annuels infidèles, le premier s'appuyant sur le second. Cependant, des différences existent quant à leur nature et à leur finalité. Il peut y avoir présentation de faux bilans sans qu'il y ait distribution de dividendes fictifs, situation fréquente quand la société est en difficulté de trésorerie.
Par Saheb Bachagha *Expert-comptable et commissaire aux comptes. Membre de l'Académie des sciences et techniques financières et comptables Paris Email [email protected]