La présentation du travail des deux artistes algériennes faite par le communiqué de la galerie irlandaise qui les accueille à Dublin, du 11 janvier au 24 mars, mérite l'intérêt. «La manifestation Becoming Independant considère ce processus hautement complexe, autant pour un individu que pour une nation. Autant l'Irlande débute cette année la commémoration de son centenaire, autant l'Algérie a célébré en 2012 son indépendance», précise ce document qui explique ainsi, du moins en partie, la poussée vers le nord de nos deux artistes. Un intérêt historique a donc conduit à cette passionnante initiative qui passionne d'ailleurs les visiteurs, au point que l'on a retenu trois mois de programmation. Mais au-delà de cette «coïncidence historique», c'est aussi la qualité artistique du travail proposé par les deux Algériennes qui a motivé un tel engagement de l'espace d'accueil, le centre des arts Royal Hibernian Academy de Dublin, créé il y a près de deux siècles et connu pour sa rigueur et sa cohérence de programmation. Et si Zineb Sedira et Amina Menia ont été invitées à réaliser sur place leur «Becoming Indépendant», c'est aussi par leurs solides références dans les milieux de l'art contemporain. La première est désormais parvenue à un très haut niveau de renommée et de reconnaissance. La seconde s'est imposée comme un des artistes algériens montants, développant une démarche à la fois sérieuse et sensible, de plus en plus reconnue. Becoming Indépendant (soit Devenir Indépendant), tel est le titre qu'elles ont retenu pour signifier au mieux leur travail de création qui se base sur une installation scénique composée de trois écrans vidéo sur lesquels apparaissent les photographies de Mohamed Kouaci qu'il avait prises lors de sa participation à la guerre de libération nationale. Le traitement de ces images et leur projection à grande échelle leur donnent une dimension nouvelle et spectaculaire. Leur défilement s'accompagne du témoignage de la veuve du photographe qui veille à la mise en valeur au legs de son mari, décédé en 1996. C'est en fait un immense vidéo-clip où l'on aperçoit des scènes diverses de la guerre d'indépendance : les réfugiés algériens à la frontière tunisienne, les grandes figures de la Révolution algérienne, les amis étrangers de celle-ci, etc. Cette partie, créée et mise en scène par Zineb Sedira, s'intègre de manière dynamique avec le travail vidéo spécifique d'Amina Menia, intitulé «Enclosed» et qui s'attache au traitement subi par les monuments de la période coloniale après l'indépendance. Le titre se réfère tout particulièrement au Monument aux Morts de la première guerre mondiale, près de la Grande Poste, qui a été «enchâssé» dans une sorte de coque réalisée par l'artiste M'hamed Issiakhem et portant divers symboles en volume. Le montage de la jeune artiste algérienne a été effectué à partir d'une recherche iconographique qui englobe des photographies d'époque, des cartes postales anciennes ainsi que des archives de presse. A travers cette création, Amina Menia interroge le rapport conflictuel entre une esthétique coloniale et son traitement ultérieur fondé sur la négation ou la dissimulation comme dans l'exemple précité. Il est rare que l'art contemporain se penche avec autant de passion et d'application sur l'histoire. Dans leurs créations dédiées à l'Algérie, les deux artistes semblent aussi vouloir montrer d'autres voies créatives pour la célébration du passé. Ne disposant que de photographies et de documents sur «Becoming Indépendant», il n'est pas possible d'apprécier autrement cette installation, sinon pour dire qu'elles ont du mérite d'aborder de manière nouvelle l'histoire de la guerre de libération nationale et celle de l'indépendance du pays.