Aussi, je soumets ma contribution aux quatre questionnements suivants, actuellement récurrents au sein de notre opinion publique et des médias : 1 – L'image de l'Algérie a-t-elle été dégradée par l'opération de l'ANP à In Amenas ? Non ! Absolument pas. Bien au contraire, car je considère que ce qui compte le plus et qu'il faut préserver en toute situation, c'est l'image de l'Algérie dans le cœur des Algériens. La riposte, menée à In Amenas, est une véritable leçon donnée à ceux qui, à l'extérieur et à l'intérieur du pays, pensaient que la souveraineté et la sécurité de l'Algérie pouvaient être négociables. Et il n'est pas du tout exclu de penser qu'au-delà de son très haut niveau de résonance médiatique, la véritable intention de ces terroristes relevait d'une projection de plus large contagion stratégique, par l'ouverture d'une brèche, afin de s'y installer durablement et faire de ce site gazier une tête de pont protégée, sachant qu'en plus du bouclier humain que constituent les centaines d'otages, pour la plupart algériens, son bombardement est a priori non envisageable compte tenu de la forte concentration de matériaux inflammables. Il fallait donc réagir très vite et très fort, sans aucune hésitation. Aussi, je fais partie de cette majorité des compatriotes qui sont fiers de l'intervention de nos forces et je rends hommage aux hommes sur le terrain qui ont exécuté une des missions les plus compliquées qui soient avec détermination et compétence. Pour ce qui est de notre image à l'extérieur, cet événement et la réaction de notre armée ont suscité un regain de respect pour notre pays, même de la part de ceux qui nous sont traditionnellement hostiles. Aujourd'hui, après cette opération de prise d'otages massive et sans précédent au niveau planétaire, tous les experts reconnaissent à nos forces de sécurité leur niveau d'efficacité. Et tout le monde sait également que cette opération porte de bout en bout la signature de l'armée : prise de décision sans ambiguïté, résolution, rapidité de réaction, prise de posture offensive. Telle aurait dû être l'attitude du pouvoir en 2012, dès l'enlèvement de nos diplomates au sein même de notre enceinte consulaire à Gao. A ce jour, certains sont encore détenus en otages et nous ne pouvons pas les oublier. Pour rappel, la veille de la prise de notre consulat à Gao, le 5 avril 2012, j'avais préconisé les règles de comportement d'une Algérie forte, dans l'interview parue dans El Watan. 2 – Quelles suites réserver aux éventuelles défaillances exploitées par le groupe terroriste pour attenter à ce site, prétendu «hautement sécurisé» ? Beaucoup d'enseignements devront être tirés pour la mise en place d'un véritable dispositif de sûreté et d'intervention adapté à l'immensité du Sud et à même de contrer une menace de type «diluée». Et je préconise même d'instaurer, en coordination avec les Etats frontaliers, des mécanismes d'action sur leur territoire en cas de nécessité de traiter une menace avérée sur l'Algérie. Pour être tout à fait efficace, ce dispositif doit, d'une part, s'apparenter à ce qui est mis en place par les puissances dans les espaces maritimes et, d'autre part, intégrer tous les potentiels disponibles, y compris les populations locales. La sécurité de l'Algérie concerne tous les Algériens, ils doivent donc y être activement associés. Dans l'appel paru dans l'édition d'El Watan du 22 octobre 2012, j'avais souligné la nécessité d'installer le citoyen au centre de la sécurité nationale. 3-La communication a-t-elle été à la hauteur des événements, des enjeux et des intérêts supérieurs de la nation ? Encore une fois : non ! Faire pire, cela aurait été difficile. Elle semblait clairement provenir de sources discordantes. S'agissant d'opérations de cette nature et de cette envergure, un plan d'opération militaire est mis en place, qui normalement doit intégrer son plan de communication, parfaitement cohérent, tous communicants (institutions, chancelleries, réseaux…) et médias confondus. La communication est un acte opérationnel en cas de crise ou de guerre. Alors que l'Algérie a toujours affirmé que le terrorisme est transnational, force est de déplorer que la communication la plus dommageable aura été celle qui a ciblé la population locale, comme composant le groupe terroriste. Je crains que cette affirmation ne laisse des stigmates et rajoute à la déstabilisation des enfants de la région, dont les parents ou les grands-parents ont, un certain mois de février 1962, à la veille des Accords d'Evian, affronté la mort pour s'opposer à la partition du pays et imposer l'intégrité du territoire algérien. 4-Le problème de l'islamisme a-t-il été réglé ? J'aurais à m'exprimer très prochainement sur cette délicate question d'islamisme et d'islam, dans sa dimension mondiale. Mais, aujourd'hui, je reste concentré sur les préoccupations immédiates. En Algérie, nous gérons encore des actions violentes : le problème n'est donc pas réglé. Pour preuve, l'attaque de Tinguentourine vient à peine d'être solutionnée que déjà une toute récente opération terroriste armée a tenté de saboter un gazoduc à Bouira. A l'évidence, nous ne pouvons pas exclure que d'autres actions d'envergure soient programmées contre chacune de nos installations stratégiques, plus particulièrement dans le Sud, du fait des troubles et de l'instabilité dans nos pays frontaliers et de la facilité de mouvement de groupes fortement armés. C'est pourquoi, à mon avis, le problème ne trouvera sa solution, comme tous nos autres problèmes d'ailleurs, que dans un projet de relance nationale, par un Etat de citoyenneté et une Algérie résolument tournée vers l'avenir et le long terme. Il s'agit là d'un projet d'insertion mondiale et régionale qui aura à tenir compte des axes civilisationnels, géo-économiques, géostratégiques et géopolitiques. Je terminerai en rendant hommage au jeune Lamine Lahmar, ainsi qu'à toutes les victimes innocentes de la prise d'otages de Tiguentourine.