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Quelle recherche scientifique, pour quelle université ?
Publié dans El Watan le 09 - 02 - 2013

La simple évocation de la recherche scientifique dans l'université algérienne fait ressurgir le caractère dispersé, voire éclaté de sa configuration institutionnelle : un ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, «accoté» à une direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique, à laquelle viennent se surajouter des agences thématiques, des centres et autres unités de recherche, ainsi qu'une myriade de laboratoires, de programmes nationaux de recherche et de projets individuels ou collectifs. Ce caractère pléthorique atteint son point paroxystique au vu de la répartition des activités de recherche dite scientifique, dans leur quasi-totalité domiciliées, aussi bien au sens juridique que géographique, soit à l'université, soit dans des structures excentrées, et donc difficilement maîtrisables, tant du point de vue du suivi que de l'évaluation scientifique. .
Trois aspects sont à mettre en exergue
1- Le caractère parcellaire, voire fragmentaire de cette configuration se réduisant, dans la quasi-totalité des cas, à des groupes formés de quelques individus, pour une durée limitée, est patent. Un foisonnement d'équipes de recherche qui n'a produit, à notre connaissance, aucune grande synthèse scientifique ni dans les sciences expérimentales ni dans les sciences sociales. Même si certains résultats, au demeurant fort honorables, ont été obtenus çà et là, aussi bien dans les sciences expérimentales que sociales mais qui n'autorisent ni à jeter le bébé avec l'eau sale ni à l'installer au sommet d'un arbre qui cache la forêt.
2- Les questions d'ordres théorique, méthodologique et plus globalement épistémologique qui se posent précisément à la recherche et dans la recherche, en l'occurrence la production des connaissances, tant dans les domaines sociétaux qu'expérimentaux, sont toujours pendantes. Il n'existe pas, pas encore, ou si peu une aspiration à la déconstruction ou tout au moins à une remise en question des paradigmes dominants dans l'ensemble des champs disciplinaires. Comment peut-on, dans ces conditions, parler de pôles d'excellence là où le basique est hors de portée ?
3- Le troisième aspect est afférent aux fondements éthiques de cette recherche. Il existe bien une Charte de la déontologie universitaire, mais elle ne consacre que très peu de place aux fondements éthiques de la recherche et, surtout, elle ne garantit aucune régulation ou tout au moins une orientation en matière de distribution des ressources humaines, en fonction des compétences fondées sur un minima déontologique. Ce qui conforte certaines institutions dans leur vocation de recherche de la complaisance, apportant une caution académique à des programmes ou des orientations officielles, au détriment d'une recherche scientifique de la dissonance. Il suffit de rappeler comment se constituent les projets, les groupes, les unités ou les centres de recherche pour comprendre le caractère endogamique de cette inefficience. Il est souvent plus question d'affinités et de proximité que de critères de scientificité.
C'est ainsi que, dans la plupart des cas, un individu ou un groupe, parfois compétent et motivé, s'entoure de «membres de l'équipe», selon la formule consacrée, qui n'ont aucune disposition pour la thématique ou l'objet de recherche retenu. On peut citer des cas de projets, voire de laboratoires ou centres de recherche travaillant sur des questions éparses et dont le profil des membres se trouve fort éloigné de toute problématique en rapport avec lesdites questions. Dans ce cas de figure, comme dans d'autres, la présence dans ces structures de recherche est plus motivée par des raisons logistiques que par des préoccupations d'ordre épistémologique.
Un complément de salaire sous forme de primes, un petit équipement à ramener au domicile pour les responsables, un stage, un billet d'avion pour l'étranger, ou une note à ajouter sur un C.V., pour un éventuel avancement dans le grade et la hiérarchie. Il faut tout de suite préciser que c'est moins l'attitude des personnes qui est blâmable ou «moralisable» que le fonctionnement institutionnel même de cette recherche, dite scientifique, dans ces moules rigides ou rigidifiés. On retrouve ainsi les mêmes thèmes de recherche depuis deux, voire trois décennies, sans le moindre résultat probant. Pire encore, certains de ces projets sont allègrement repris par les mêmes équipes, en incluant de nouveaux membres, choisis de préférence parmi les proches. Il existe même des projets d'établissement, arrivés à échéance, reconduits sous forme de Programmes nationaux de recherche.
Pourtant, on ne peut pas dire que les pouvoirs publics ont lésiné sur les moyens. Début 2010, l'Etat algérien alloue au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique un budget de 250 milliards de dinars, à l'indicatif du programme quinquennal 2010-2014, pour le développement de la recherche scientifique et qui voit le lancement des Projets nationaux de la recherche. Des cérémonies protocolaires ont ainsi été organisées pour la signature desdits contrats de recherche, à Alger, Constantine et Oran, en juin 2011. Plus de cinq milliards de dinars ont donc été débloqués et l'appel d'offres pour les PNR au nombre de 34.
Cette opération a mobilisé plus de 18 000 chercheurs à travers près de 3998 soumissions de projets examinées par 15 organismes pilotes, qui ont eu à évaluer la «recevabilité» de ces propositions de projets de recherche. Moins d'une année après la signature de ces contrats, le directeur général de la recherche scientifique et du développement technologique concède publiquement : «Sur 6085 projets de recherche scientifique à l'échelle des universités, très peu sont des valeurs ajoutées ; pour les autres, l'objectif principal de leur propriétaire est l'acquisition d'une indemnité», a-t-il déclaré lors de son intervention dans le cadre de la première université d'été, organisée par le Syndicat autonome des chercheurs permanents.
Observation réitérée à l'occasion des dernières Assises nationales des sciences sociales, tenues à Oran en février 2012. Ainsi, à l'opposé de l'homosociologicus et l'homostratégicus de Raymond Boudon, l'homostratégicus de Michel Crozier et l'homoacadémicus de Pierre Bourdieu, l'université algérienne peut se flatter d'avoir engendré la figure de l'homologisticus. Tout en estimant que cette situation a une répercussion «négative» et «directe» sur les vrais chercheurs, le DG de la recherche scientifique a déploré un autre problème qui entrave l'épanouissement de la recherche en Algérie. Il s'agit, a-t-il dit, «du déficit de chercheurs parmi les enseignants universitaires». Il a, dans ce sens, précisé que «sur les 35 000 enseignants universitaires, 18 000 seulement sont des chercheurs», d'où l'importance, a-t-il noté, de créer «un système qui permette l'émergence de la compétence».
Quels sont les modes et les moyens mis en place pour favoriser l'émergence de ce système ? Dans cette situation plus que préoccupante, il faut se demander alors ce qui relève de la crise de l'institution universitaire en général, de l'anomie du procès de production de connaissances, du statut étriqué du savoir, mais plus encore de l'absence du procès d'émergence de l'intellectuel collectif dans la société algérienne. Et, surtout, se demander pourquoi l'université algérienne ne participe-t-elle pas à l'émergence de cet intellectuel collectif ni même à celle d'une simple intelligentsia critique se sustentant régulièrement d'une recherche de la dissonance ?
Mais que les choses soient claires : il est bien entendu qu'il existe des universitaires qui remplissent des fonctions intellectuelles tout en exerçant dignement leur métier d'enseignants. Il existe d'authentiques chercheurs vivant et travaillant en Algérie, aussi bien dans les disciplines sociales qu'expérimentales. Comme il existe ceux, plus nombreux, qui finissent par se plier à cette mascarade de la course effrénée au remplissage des canevas, des formulaires et des rapports épisodiques, au détriment de la recherche, voire de la réflexion tout simplement. Et la première des réflexions devrait être la dimension de cognition qui sous- tend ou soulève explicitement une question majeure : comment contenir les travers de l'institutionnalisation de la recherche scientifique, et partant de la bureaucratisation des procès de production et de reproduction de la connaissance ? Nous nous trouvons, de ce fait, face à une triple relation d'absence :
a- l'absence de distance critique par rapport aux paradigmes dominants, toutes disciplines confondues ;
b- l'absence d'exigence de pertinence scientifique par rapport aux conditions de construction de la connaissance ;
c- et, enfin, l'absence déontologique sous forme de déficit éthique drastique dans un grand nombre de structures de recherche.
Ce triple rapport d'absence a contribué et contribue encore à la reproduction élargie d'une université fondée sur le souci de sa propre pérennisation dans sa fonction fondamentale de formation diplômante. Dans ces conditions, trois types de questions, à la fois distinctes et relativement complémentaires, deviennent incontournables.
1- Tout d'abord, l'institution universitaire est un lieu où s'élabore et se transmet un savoir le plus affranchi possible de la tutelle du «savoir» officiel. Cette première dimension s'appelle «l'affranchissement par l'autonomisation». De toute évidence, ce processus ne semble pas être à son entame. Est-il à l'ordre du jour au sein de l'université algérienne ?
2- Les savoirs spécifiques élaborés et enseignés dans la majorité des universités dans le monde le sont dans le dessein de parvenir à une certaine unité contradictoire du savoir. Université s'articule, dans cette vision, à universalité. Quels sont les efforts, les volontés, voire les dispositions pratiques prodigués en Algérie pour s'inscrire ou s'articuler à cette universalité ? Qu'est-ce qui est réellement entrepris pour objectiver l'université algérienne, en dehors du recours à cette notion générique de savoir universel, ou prétendant à l'universalité, comme un haut drapeau claquant dans le vide, pour reprendre le mot de Louis Althusser ?
3- Enfin, et parce que cela lui est historiquement consubstantiel, l'institution universitaire ne peut pas être dissociée de l'idéal d'humanité. Elle ne saurait se réduire à sa seule mission d'utilité, voire d'utilitarisme, fonctionnant comme un distributeur automatique de tickets homologués, à présenter à l'entrée, fort improbable du reste, du premier emploi venu. La question qui se pose, non sans urgence aujourd'hui, est donc de savoir si l'université algérienne, et notamment la recherche scientifique qui y est menée, est apte à une aspiration anti-utilitariste ?
Dans la conception de la direction de la recherche scientifique, la réponse est négative, puisque son mot d'ordre, qui trône invariablement sur toutes les activités, est «pour recherche utile» : «Plus qu'un vœu, c'est une nécessité, voire une obligation. La recherche scientifique en Algérie doit impérativement engendrer des retombées immédiates avec des impacts tangibles sur les secteurs socio-économiques.» En prenant connaissance de cet «impératif», on ne peut s'empêcher de penser au mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales notamment, «le Mauss» qui évoque le nom d'un des pères fondateurs de l'anthropologie, Marcel Mauss.
Un courant qui considère que l'axiomatique de l'intérêt constitue le véritable soubassement théorique de la recherche scientifique utilitariste. Qu'il s'agisse d'individus, d'institutions ou de l'Etat, tous n'agissent qu'en fonction de l'intérêt qu'ils attribuent à l'action anticipée, programmée ou recherchée. D'où, d'ailleurs, la nature et la vocation de la «Recherche-action» inscrite dans la totalité des cahiers des charges des structures de recherche en Algérie. Le problème, c'est que nous nous trouvons souvent dans la situation où il n'y a ni recherche active ni action réflexive. De là à envisager la déconstruction des paradigmes dominants, évoquée plus haut, autant chausser sans tarder les bottes de cent mille lieues.
L'acte fondateur d'un savoir autonome, c'est-à-dire l'essence même de toute université et partant de toute recherche scientifique, est d'être davantage habité par la recherche de la compréhensibilité, au sens de Wittgenstein, plutôt que par la prédominance ou la suprématie de l'utilité. Un acte de création mû par la triple exigence, à la fois de la «réflexivité», de la «questionnativité» et de l'«imaginativité». Cette triple exigence est la seule garantie contre le triomphe durable et ravageur de l'insignifiance. Le seul gage pour le retour de la pertinence et la réhabilitation de l'intelligence.


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