Les Africaines investissent ces formes d'écriture qui relèvent de la sphère de l'intime, sans négliger le sociétal et en étant très critique à l'égard du politique. Ces écrivaines viennent du Sénégal, du Cameroun, de Côte d'Ivoire, du Gabon, du Congo pour l'Afrique francophone, d'Algérie, du Maroc, de Tunisie ou de l'Egypte pour l'Afrique du Nord, du Kenya, du Ghana, du Nigeria, du Botswana, du Zimbabwe ou d'Afrique du Sud pour l'Afrique anglophone. Des voix convaincantes comme celles d'Aminata Sow Fall, de Marie N'Diaye, de Miriama Ba se font entendre. Cette dernière écrit Une si longue lettre, roman épistolaire où le «je» symbolise toutes les Africaines. La voix de Fatou Diome s'élève en tant qu'écriture de la modernité avec un roman fort Le ventre de l'Atlantique évoquant la question de l'émigration clandestine vers l'Europe, mirage pour les jeunes et douleur pour les mères. Ce texte charrie entre l'Europe et l'Afrique des destins héritiers de l'histoire coloniale. Du Kenya, Rebecca Njau raconte la détresse des femmes et dénonce la polygamie et l'excision. Du Ghana, Ama Ata Aïdo ou Efua Theodora Sutherland ont publié des fictions significatives qui narrent simplement le quotidien difficile des Africaines. Du Nigeria, Buchi Emecheta se fait remarquer avec The Bride Price et The Joys of Motherhood, romans dans lesquels elle aborde la question de la polygamie, le problème des naissances successives réduisant les femmes à des machines à enfanter, sans autre perspective. Elle y dénonce la situation précaire des femmes avec son lot d'insécurité et d'infériorité dans un milieu machiste. Les Africaines écrivent avec réalisme et poésie à la fois, avec l'art de conter des histoires campées par de vrais personnages. En Afrique du Sud, Bessie Head dévoile un véritable talent avec When Rain Clouds Gather qui dit l'héroïsme des révolutionnaires sud-africains, les activités subversives et les affres de l'exil pour échapper à l'apartheid qui n'épargnait pas les femmes, doublement victimes. Dans A question of Power, elle traite de la question de la folie engendrée par la relation schizophrénique entre Blancs et Noirs du fait de l'apartheid. La grande romancière Nadine Gordimer a reçu le Prix Nobel de littérature, à l'instar de Doris Lessing, deux écrivaines inspirées par le contexte sud-africain pour dénoncer le racisme et l'intolérance. En 1950, Doris Lessing publie Vaincue par la brousse, où elle retrace la relation entre l'épouse d'un fermier blanc et son domestique noir avec tout ce que cela comporte de tensions raciales inconciliables. Du Zimbabwe, Nozipo Maraire se fait remarquer par ses publications épistolaires superbement écrites dans Zenzele. Du Cameroun, Brigitte Tsobgny se distingue par des contes et des histoires pour adolescents : Quand la forêt parle, Ponok-Ponok ou Fotaku, un petit mensonge de rien du tout. Les romans de Brigitte Tsobgny sont écrits dans un style réaliste. Elle crée des scènes d'amour explicites comme dans Amours tyranniques où aucun euphémisme n'a cours et où les mots décrivent des amours torrides et sans tabous. Une audace dans cette nouvelle littérature féminine. Sa compatriote, Calixthe Beyala, a fait un long chemin littéraire des bidonvilles de Douala au Cameroun aux beaux quartiers de Paris où elle réside. Figure haute en couleur, personnalité affirmée, plume acerbe et directe. C'est aussi une voix rauque qui sait donner de l'étoffe à des vérités évidentes méritant d'être réitérées, comme la liberté des femmes face au machisme des hommes, à l'égalité quelle que soit la couleur de la peau. Elle refuse l'idée d'une Afrique déshéritée, et parle avec force de ses valeurs ancestrales. La nouvelle plume de Léonora Miano se distingue avec Les aubes écarlates, où les femmes sont toujours la force et le lien entre le passé et l'avenir. Du côté de la Côte d'Ivoire, il faut signaler Véronique Tadjo qui puise dans la mythologie de son pays pour construire une saga familiale qui traverse l'histoire tragique de l'Afrique. Le statut de la femme est primordial chez toutes ces romancières et dramaturges. Elles revendiquent toutes le droit de s'exprimer, d'écrire, de dire les choses telles qu'elles le ressentent.Les Algériennes sont particulièrement productives dans la fiction. La romancière Assia Djebar est celle qui a le plus publié, reconnue pour son talent et qui est entrée à l'Académie française. Elle a publié des romans d'une force inouïe où l'Histoire est présente, où l'intertextualité est de mise. Femmes d'Alger dans leur appartement porte ce symbole contre l'enfermement des Algériennes. D'autres se sont imposées comme Malika Mokeddem avec sa fougue et son talent de conteuse du sud. C'est une révoltée qui écrit au-delà des tabous, en cassant les codes et en innovant dans l'écriture. Nina Bouraoui casse aussi les codes et aborde la littérature en y introduisant des thèmes où la sexualité est présente et l'amour interdit présent. D'autres écrivent avec beaucoup de talent comme Leïla Sebbar, Aïcha Lemsine, Fadéla M'rabet ou la dramaturge Rayhanna qui a triomphé avec sa pièce de théâtre A mon âge, je me cache toujours pour fumer, qui en dit long sur les interdits et tutelles. Les Africaines se racontent, n'hésitent pas à utiliser le «je», forme d'affirmation de soi. Toutes dénoncent le fait d'être doublement victimes, d'une part de problèmes sociaux et, d'autre part, de la mentalité masculine, car victimes de pères, frères ou maris. Elles sont aussi victimes de viols, une situation fortement dénoncée par toutes les romancières africaines. Toutes usent du sarcasme et de l'ironie pour dire les choses. Les romancières ont su construire le «moi» social et littéraire. Elles sont sans aucun doute des voix pour les sans-voix.