L'avant-projet d'ordonnance modifiant et complétant la loi n°84-11 du 9 juin portant code de la famille sera-t-il débattu à l'Assemblée populaire nationale (APN) ? Fera-t-il l'objet uniquement d'un vote, sans que les députés aient la possibilité de le « retoucher » ? La problématique ne semble pas encore tranchée. Pour preuve, la question divise profondément les juristes. Ceux que nous avons pu joindre hier n'ont pas pu s'entendre, en tout cas, quant à la procédure à suivre pour faire adopter le texte. La formulation retenue par le Conseil des ministres pour qualifier l'ordonnance du chef de l'Etat - l'avant-projet d'ordonnance - et qui, semble-t-il, n'existe pas dans le jargon juridique algérien, serait à l'origine du tournis des juristes. La seule chose sur laquelle il y a consensus concerne le fait que le président de la République a toute latitude, dans certains cas prévus par la loi, de promulguer des ordonnances. Contacté par nos soins, M. Chihoub, juriste réputé pour ses connaissances en matière de droit constitutionnel, a souligné que le président de la République a le droit de légiférer par ordonnance entre deux sessions du Parlement et que l'Assemblée procédera uniquement au vote. « Lorsque l'on parle d'avant-projet d'ordonnance, cela sous-entend que le président a légiféré par ordonnance. Cela implique que les députés n'auront qu'un avis à émettre : voter pour ou contre. » D'autres juristes ont abondé dans le même sens. C'est le cas de Mme Nadia Aït Zai qui insistera aussi sur l'idée que « le président a les compétences pour promulguer une ordonnance entre les deux sessions ». En revanche, ce n'est pas l'avis de M. Fekair, membre de la commission juridique à l'APN. Ce député est d'accord sur le fait que le premier magistrat du pays a le droit de légiférer par une ordonnance législative entre les deux sessions du Parlement. Dans ce genre de situation, explique-t-il, le rôle des députes se borne à rejeter ou à accepter en bloc l'ordonnance proposée. Cela sans qu'ils puissent avoir la possibilité de la débattre. Celle-ci, selon lui, n'a valeur de loi qu'une fois approuvée et publiée dans le Journal officiel. Mais dans le cas du problème posé par l'avant-projet d'ordonnance adopté mardi en Conseil des ministres, M. Fekair estime que celui-ci empruntera le même parcours que celui suivi par les projets de loi. « L'amendement du code de la famille a suivi une procédure légale prévue par la constitution, qui est celle relative aux propositions de lois. L'avant-projet d'ordonnance sera inévitablement débattu à l'Assemblée », dira-t-il. Sur un ton tranché, le député affirme : « Cette loi fera l'objet de débat à l'Hémicycle. » La position de M. Fekair présente de l'intérêt en ce sens qu'elle émane d'une source officielle. Et ce statut pourrait permettre sans doute de trancher le débat sur les conditions dans lesquelles sera adopté le texte et de passer à une analyse de fond de l'avant-projet d'ordonnance.