Les pouvoirs publics s'acheminent-ils vers la limitation des augmentations inconsidérées des salaires et des subventions aux produits de base ? Si une telle perspective risque de faire tache d'huile dans le discours édulcoré développé ces dernières semaines, le directeur général des prévisions et des politiques au sein du ministère des Finances a avoué, hier, qu'une réflexion est actuellement en cours au niveau de ce département ministériel afin de réduire les dépenses de fonctionnement constituées essentiellement de salaires et de transferts sociaux. Le fait est que les salaires ont atteint, selon ses dires, un tel niveau que celui-ci ne peut être indéfiniment soutenu par le budget de l'Etat. Il est vrai qu'avec 2600 milliards de dinars de masse salariale, celle-ci atteint les limites, selon les propos tenus récemment par le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui pense que celle-ci doit être stabilisée. A ce titre, quelques scénarios commencent à se profiler. Si la réduction des effectifs de la Fonction publique, outil à laquelle ont recours les différents Etats afin de réduire le déficit budgétaire, est écartée par le responsable, celui-ci évoque l'alignement du niveau des salaires sur des facteurs mesurables, comme la productivité ou l'inflation. Idem pour les subventions aux prix des produits de base pour lesquels pas moins de 200 milliards de dollars ont été consacrés en 2011. En ce sens, Sidi Mohamed Ferhane a indiqué qu'une réflexion est également en cours pour cibler des subventions qui profitent pour l'heure aux riches autant qu'aux pauvres ainsi qu'aux pays limitrophes, via la contrebande des produits de base. Un discours qui fait étrangement écho aux propos de la directrice générale du Fonds monétaire international tenus lors de sa récente visite à Alger. Bien que le responsable du département des Finances s'en défend, il considère que les subventions et les augmentations de salaires avaient certes l'objectif de rattraper le pouvoir d'achat, mais que du autre côté, l'épargne des ménages a été destinée au final à l'acquisition de produits importés. Les motivations sont claires, sauf que la manière ainsi que les outils par lesquels les ciblages et ces limitations seront opérés restent un mystère, M. Ferhane ayant soigneusement évité d'aborder le sujet. En tout état de cause, cela semble épouser l'objectif plus large de rationaliser les dépenses sur lequel repose le projet de réforme budgétaire. Au-delà de l'évaluation des politiques publiques – fiscale et budgétaire – la modélisation aux fins d'évaluation, dès cette année, de l'impact des dispositions législatives et fiscales introduites par les lois de finances, le directeur général des prévisions et des politiques a insisté sur l'entrée en vigueur, à partir de 2015, du projet de budgétisation par glissement triennal de la dépense publique. Ainsi, le projet de cadre de dépenses à moyen terme vise, selon les propos du conférencier, de passer d'un «budget de moyens à un budget de réalisation et de résultats». Un projet qui consiste en une répartition «rationnelle des ressources» ainsi qu'un plafonnement des dépenses de chaque département ministériel, en attendant l'entrée en vigueur de la loi organique des lois de finances. M. Ferhane a aussi estimé que les équilibres budgétaires doivent être soutenus par un élargissement de l'assiette fiscale issu de la diversification de l'économie nationale. Cependant, tout cela risque de n'être au final que des vœux pieux dans la mesure où rien ne semble aujourd'hui limiter l'impact des réévaluations incessantes des projets d'infrastructures publiques, ni le recours systématique des lois de finances complémentaires justifié, selon le conférencier, «par l'impératif de gérer des imprévus nés de l'effet de facteurs exogènes» auxquels l'Algérie est particulièrement exposée. Encore moins, lorsqu'on connaît les moyens que le régime entreprend de mettre sur la table afin d'acheter la paix sociale. En tout état de cause, c'est certain que l'épargne publique cumulée au sein du Fonds de régulation des recettes suffit à éponger les déficits jusqu'en 2014. Jusqu'à quand ? La question demeure…