« C'est toute la population de la commune d'Iflissen qui s'est mobilisée comme un seul homme pour obtenir la libération de Abdellah. La solidarité était notre planche de salut », déclare aâmi Rabah, la soixantaine, président du comité d'Issenadjène, village natal du commerçant qui avait été enlevé vendredi dernier, avant d'être libéré deux jours plus tard, sous la pression des citoyens de la région. Afin de capitaliser cet élan de mobilisation qui s'est manifesté pour la libération du commerçant, l'idée de la mise sur pied d'une coordination inter-villages de la commune d'Iflissen fait son chemin. Une réunion est prévue pour demain à Agouni Moussi, chef-lieu de la commune, pour débattre des modalités de création de cette structure. C'est la première fois depuis l'apparition du phénomène des rapts que des ravisseurs cèdent devant la mobilisation des citoyens. A l'annonce de l'enlèvement du commerçant, la population d'Issenadjène, ce petit village de 2000 habitants, près de Tigzirt, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Tizi Ouzou, s'est spontanément organisée en vue de sensibiliser les 38 villages de la commune à se joindre à l'action initiée par la cellule de crise mise en place à cet effet. Sous la pression des citoyens, l'otage a été relâché sans payement de rançon. « Sincèrement, notre famille ne s'est pas retrouvée toute seule dans cette épreuve. C'est le comité du village qui s'est occupé de cette affaire. Je remercie tous ceux qui nous ont soutenus durant les moments de captivité de mon frère. Je salue la mobilisation de tous les villageois d'Iflissen », témoigne le frère de l'otage qui nous a rappelé l'épisode vécu également lors du premier rapt. Il faut souligner que le même commerçant avait déjà été enlevé en 2006 au même lieu. Il a été relâché quelques jours plus tard contre versement d'une rançon de 300 millions de centimes. Cette fois-ci, les ravisseurs voulaient rééditer le même procédé, mais sans résultat. La pression de la population a triomphé au point de faire libérer l'otage sans paiement de la rançon alors que les auteurs du rapt avaient exigé au préalable 700 millions de centimes. Le village d'Issenadjène est connu pour son esprit de solidarité qui se manifeste à chaque occasion dans la localité. « Nous disposons d'un comité des sages dont la quasi-totalité des 25 membres sont des personnes âgées. Nous essayons toujours d'organiser le village et d'initier certains projets que nous réalisons avec les cotisations des citoyens et les dons de nos émigrés », précise le président du comité du village. A ses yeux, les villageois se prennent complètement en charge. Et pour illustrer ses propos, il cite les volontariats qu'entreprennent régulièrement les habitants de cette bourgade pour améliorer le cadre de vie. On note ainsi les travaux d'entretien des cimetières, la réalisation d'une sonde pour parer au problème des pénuries d'eau potable, notamment durant la saison estivale... Le village s'est même doté de citernes pour assurer le rationnement de l'eau. Les actions des Issenadjène ne s'arrêtent pas à ce stade puisque d'autres projets ont vu le jour depuis la création du comité de village en 1999, à l'image de la bibliothèque et de la stèle érigée à la mémoire des martyrs de la guerre d'indépendance. « Chez nous, la solidarité et l'entraide ne datent pas d'aujourd'hui. Tout se fait sous la coupe du comité qui a procédé même à la réparation de l'éclairage public. Nos émigrés ont acheté un puissant groupe électrogène pour les besoins des habitants en cas de coupure d'électricité. Je veux seulement dire qu'il existe une parfaite cohésion sociale à Issenadjène », fait remarquer un jeune lors de notre passage dans le village. Aâmi Rabah explique que le comité multiplie les actions pour prendre en charge les jeunes. « Nous avons pensé réaliser des lieux de loisirs et de sport pour les jeunes. Nous avons dégagé, à cet effet, 30 millions de centimes pour le terrassement d'un terrain destiné à la réalisation d'un stade de football. Nous avons sollicité les autorités pour nous aider en vue de l'achèvement des travaux. Je tiens aussi à vous dire que nous travaillons toujours en collaboration avec l'APC d'Ifflissen. Toutefois, le comité de village n'a reçu des pouvoirs publics, depuis sa création, que 10 millions de centimes comme subvention. Tout ce qui s'est fait a été réalisé grâce aux cotisations et dons des habitants », dit-il. Les sages d'Issenadjène adoptent également une méthode efficace pour le règlement des conflits entre villageois. Quand un différend éclate au village, ils parviennent souvent à le résoudre.