«Notre mobilisation a triomphé du diktat du banditisme et de l'insécurité», affirmait un villageois d'Aït Koufi. Après 28 jours de captivité, soit depuis le 22 mars, Ammi Ali, 80 ans, originaire d'Aït Koufi, dans la daïra de Boghni, a été libéré dans la nuit de vendredi à 23h. Récupéré par des membres de sa famille à Mechtras où il a été abandonné par les ravisseurs, le vieil homme se trouve actuellement, selon des sources locales, à Reghaïa, dans la banlieue d'Alger. Les mêmes voix affirmaient que sa famille voulait l'éloigner de la pression, car il souffre de problèmes de santé engendrés par sa séquestration. Durant la journée d'hier, le climat à Aït Koufi était détendu après la nouvelle de sa libération. Le sentiment de satisfaction était apparent sur tous les visages. «Notre mobilisation a triomphé du diktat du banditisme et de l'insécurité», affirmait un villageois apostrophé. Ce sentiment est général à travers tous les villages des cinq communes qui se sont mobilisées durant un mois pour la libération sans condition de Ammi Ali. C'est également une victoire sur l'omerta qui entourait ce genre de banditisme aux connexions multiples et aux objectifs inavoués. Au sujet de sa libération, qui intervient à la veille de la célébration du 30e anniversaire du Printemps berbère, des sources proches de la famille assuraient qu'aucune rançon n'a été payée aux ravisseurs qui, semble-t-il, l'avaient relâché à cause de son état de santé, vu son âge avancé. D'autres voix affirmaient que la fin de sa captivité est le fruit d'une mobilisation continue et inébranlable des citoyens de la région. «Ils ont relâché Ammi Ali parce qu'ils ont compris qu'aucune force ne peut soumettre les villages de Kabylie», grondait un jeune de la daïra de Boghni, qui a participé à toutes les actions entreprises par la coordination des comités de village installées juste après l'enlèvement. Pour rappel, les ravisseurs avaient réclamé une rançon de 3 milliards de centimes le lendemain de son enlèvement. En effet, aussitôt le vieil homme kidnappé, aussitôt la solidarité villageoise s'est exprimée spontanément et les citoyens d'Aït Koufi ont fait alors savoir que le paiement de la rançon demandée par les ravisseurs était exclu. Le même jour, après une réunion du comité de village, la décision d'élargir le mouvement de solidarité à toute la daïra de Boghni a été prise et appliquée. La réponse de la coordination des comités des cinq communes de la région était catégorique. Un délai a été donné aux kidnappeurs pour la libération de la victime sans aucune condition. Un bras de fer est engagé entre les deux parties. Pour montrer la détermination des villageois à ne pas reculer devant le diktat des ravisseurs, une marche et une caravane de sensibilisation ont été organisées dans la daïra de Boghni, le 30 du même mois. Silence radio du côté des kidnappeurs. Encore une fois, les villageois ont organisé une battue dans les forêts avoisinantes. Des caches et casemates seront découvertes. Quelques jours plus tard, le silence est assourdissant du côté des ravisseurs. La détermination des citoyens n'est guère ébranlée. Le niet est toujours de mise quant au paiement de la rançon réclamée. Le bras de fer s'est poursuivi. La ville de Boghni était paralysée par une grève générale cela, la veille de sa libération. Signe que la mobilisation n'a pas reculé. Cette constance des villages de Kabylie à ne pas se laisser faire, qui s'est manifestée à Boghni n'est, cependant, pas chose nouvelle. Dans différentes localités de la wilaya de Tizi Ouzou, les populations se sont dressées comme un seul homme. Il y a de cela deux années, les villages de la commune d'Aït Toudert aux Ouacifs ont refusé de payer une rançon pour la libération d'un des leurs. Une marche et une grève ont été organisées. Ce jour-là, les citoyens ont demandé aux autorités des armes pour se défendre. La victime sera relâchée quelques jours plus tard. Aux Ouadhias, le même enlèvement a touché un entrepreneur et la réponse était similaire. Les villageois ont refusé de payer. Une année plus tard, les villageois d'Isennajen, dans la commune d'Iflissen, se sont mobilisés pour libérer un commerçant enlevé. La mobilisation s'est vite transformée en une action de solidarité avec la famille. Trois communes de la daïra de Tigzirt se réuniront en une coordination des comités de villages pour exprimer leur refus de payer la rançon. Des battues ont été organisées dans le massif forestier de Mizrana et de l'Akfadou. Des contacts ont été établis avec les ravisseurs. L'imam du village avait, rappelons-le, servi d'intermédiaire. La victime sera relâchée sans paiement de la contrepartie réclamée initialement. Ainsi, à bien observer, ce refus des villageois s'érige peu à peu en règle de conduite qui se généralise face à ces actes criminels qui visent des populations désarmées. La détermination citoyenne à se défendre devant la multiplication des rapts et kidnappings a, à chaque fois, réussi à déjouer les plans les plus démoniaques. A Aït Koufi, hier, l'on parle de la conservation de la coordination des comités de villages. Les populations comptent maintenir cette structure villageoise en veille pour préserver la sécurité des biens et des personnes. A rappeler dans le même registre, qu'un autre citoyen demeure encore entre les mains de ses ravisseurs. Enlevée le 7 avril à Béni Douala, la victime, commerçant, doit selon les ravisseurs, s'acquitter d'une rançon de 3 milliards de centimes pour sa libération.