Il faut toujours prendre une pause et analyser les développements d'une année en voie d'épuisement. On ne peut pas avoir des repères solides sur les performances économiques en un temps aussi court. Mais on peut envisager à partir des tendances les grandes trajectoires qu'est en train de prendre l'économie algérienne. En premier lieu, nous devons décortiquer le passé, avant d'envisager les possibles évolutions de l'économie nationale. Après la chute brutale des prix des hydrocarbures de 2014, le pays s'est doté d'une doctrine de consolidation budgétaire (équilibre) qui donnait un éclairage sur le devenir des indicateurs macroéconomiques du pays et l'emmenait vers l'équilibre budgétaire et de la balance des paiements à un horizon donné. Un plan de ce genre contient toujours quelques imperfections. Il trace le cap, mais des améliorations étaient possibles. Disons des rectifications mineures étaient salutaires. Lorsqu'une crise subite frappe une économie, on doit redonner confiance, tracer un cap et améliorer l'éclairage sur le devenir du pays. Autrement, les citoyens et les entreprises vont paniquer. Les investissements vont chuter et l'emploi va se détériorer. La croissance démographique que nous avons est inquiétante, parce que l'économie est incapable de suivre le rythme. Une croissance démographique en elle-même est neutre : cela dépend de l'utilisation des ressources humaines qui viennent au niveau des structures de formation et plus tard au niveau du marché de l'emploi et de la création d'entreprises. Comment peut-on lire le contenu des politiques économiques de 2018 ? Avons-nous assisté à une amélioration des politiques de riposte ? Devrions-nous être optimistes sur la base des nouvelles politiques mises en place et fondamentalement contenues dans la loi de finances. Il serait illusoire de vouloir analyser dans le détail toutes les nouvelles orientations économiques. Mais nous devons choisir les décisions les plus significatives pour nous forger une idée de l'avenir. Contexte 2018 devrait être l'année de la clarification des choix économiques. En effet, après la chute des prix des hydrocarbures en 2014, il fallait concevoir des politiques économiques de riposte. Les premières devraient être conjoncturelles : éviter le pire et trouver le moyen de se donner un répit de quelques années pour concevoir les politiques du long terme, orientées vers les facteurs-clés de succès afin d'envisager le début de l'émergence sur le moyen terme. Il fallait changer complètement la philosophie économique du pays. L'immobilisme et les dépenses inconsidérées en infrastructures auraient conduit le pays droit à la catastrophe : épuisement des réserves et chaos économique. Le Venezuela paie lourdement aujourd'hui son immobilisme. En effet, à cause des dépenses inconsidérées jusqu'à épuisement des ressources, le pays avait sombré dans le chaos. Aucune riposte économique judicieuse n'a été opérée avant l'épuisement de ses ressources. Les dépenses populistes payées par les hydrocarbures et l'endettement ont fini par atteindre leurs limites. On n'a envisagé aucune politique conjoncturelle ou structurelle de substitution. L'Algérie avait choisi de 2014 à 2017 des politiques de riposte graduelle. Certes, la situation a été favorisée par l'absence de dette internationale et des réserves confortables. Mais le pays avait aussi apporté des correctifs macroéconomiques salutaires. Bien sûr que les politiques microéconomiques étaient à la traîne et rendaient les performances dérisoires. On n'avait pas et on n'a pas jusqu'à présent les entreprises et institutions qui pouvaient permettre une véritable diversification efficace de l'économie nationale. On a commencé graduellement à se diriger vers une trajectoire qui établissait une vérité des prix avec une insuffisante prise en charge des citoyens les plus pauvres. Les systèmes d'information et les mécanismes qui permettaient d'aller plus rapidement vers un système cohérent n'étaient pas au rendez-vous. Mais les politiques de riposte de 2014 contenaient un processus de consolidation budgétaire (aller progressivement vers l'équilibre budgétaire). On devait aller vers un budget équilibré au début des années 2020. Le financement non conventionnel devait être circonscrits dans le temps et le volume. Tout le monde sait que ce n'est pas la solution, qu'il y a risque de dérapage, mais que l'alternative de l'endettement extérieur est pire. Caractéristiques L'année 2018 a consacré une rupture avec la philosophie des politiques de riposte. En premier lieu, on a perdu le repère du cadrage budgétaire et on n'avait plus d'horizon d'équilibre du budget ou des échanges internationaux. Nous avons maintes fois écrit que la variabilité des politiques économiques constitue un désastre pour les performances économiques. Nous avions une rupture abrupte en 2018. On a repris de plus belle les dépenses d'infrastructures. Les autorisations de programme qui étaient de 1397 milliards DA en 2017 étaient passées à 2270 milliards en 2018. Les commentaires officiels stipulaient que les dépenses d'équipements accrues étaient surtout destinées à compléter les anciens projets et à payer les créances des entreprises. Mais ce qui est notoire, c'est qu'on a abandonné l'idée d'un quadrige budgétaire qui devait nous emmener vers un équilibre du budget et de la balance des paiements. On ne l'a remplacé par rien du tout. On est revenu aux politiques et pratiques du passé qui considéraient la loi de finances annuelle comme seul repère des politiques économiques du pays. Les autres décisions n'étaient pas significatives, comme la hausse des taxes sur le tabac et l'alcool, qui sont devenues, à juste titre, comme les cibles de tous les ajustements budgétaires dans le monde. L'année 2018 a été simplement l'approfondissement de la remise en cause des politiques de riposte qui ont évité le pire. On peut remplacer les politiques économiques par d'autres biens meilleures. Cela fait partie de la vie des nations. Mais il est impensable de les remplacer par rien. Certes, partout et toujours on préconise que nous allons créer une économie diversifiée, efficace, capable d'exporter hors hydrocarbures. Lorsqu'il s'agit de préconiser des généralités, tout le monde est d'accord. Mais par où commencer pour créer ce genre d'économie ? Quels sont les facteurs-clés de succès à financer ? Quelles sont les raisons qui ont fait que cette économie diversifiée et efficace n'a pas vu le jour depuis des décennies ? Qu'est-ce que nous allons faire de nouveau pour que cette fois-ci nous réussissions ? Nous n'avons aucune réponse à ces questionnements. L'année 2018 a approfondi les politiques de rejet d'un projet de consolidation budgétaire perfectible qui n'a été remplacé par rien. La loi de finances 2019 confirme encore davantage le statu quo. Alors, à quoi faut-il s'attendre pour le futur ? Nous approfondirons la question, mais pour le moment, on attend toujours un projet de substitution au moins à moyen terme.