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la Casbah d'Alger, une économie en perdition
Publié dans El Watan le 03 - 06 - 2013

Les visiteurs et touristes pouvaient tranquillement y flâner au milieu des boutiques colorées et parfumées des teinturiers, potiers, bijoutiers, boulangers, menuisiers traditionnels, dinandiers ou autres artisans qui excellaient dans le travail de la soie ou la fabrication de lits à baldaquins, dits «bnak el qoubba». A présent, avons-nous constaté lors de notre virée sur les lieux, l'ambiance chaleureuse et la convivialité que dégageait jadis ce labyrinthe d'artisans n'est que souvenir, laissant place à un chantier de restauration des vieilles bâtisses qui menacent ruine. La plupart des habitants vivent dans l'espoir de pouvoir quitter un jour le quartier.
A La Casbah, les rapports des hommes avec leur milieu ont également besoin d'être restaurés. Mis à part les quelques visiteurs nostalgiques qui continuent à s'y rendre comme pour se lamenter sur le sort de ce quartier historique de la capitale, La Casbah d'Alger ne connaît pas la grande affluence comme cela est le cas des cités historiques dans d'autres pays. Aujourd'hui, il ne reste qu'une minorité d'artisans qui continuent d'exercer et tiennent à leur métier par passion. Ils se sont fixé l'objectif de pérenniser ces métiers et préserver le patrimoine historique, culturel, mais aussi un pan de l'identité du peuple algérien.
«Chacune de nos œuvres raconte une histoire», nous dit Tahar Boudekak, fabricant d'objets en cuivre. Mais, peut-on vivre uniquement de sa passion ? La réponse est oui à condition que cette passion se révèle rentable pour l'artisan.
Un patrimoine en perdition
«Nous avons aussi des bouches à nourrir», déclare cet artisan, découragé comme tant d'autres du fait des nombreuses difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien dans l'exercice de leur métier. Certains se sont carrément tournés vers d'autres activités plus lucratives, telles que le commerce. D'autres ont choisi la voie de l'informel. Pourtant, dans l'optique de l'après-pétrole, le secteur de l'artisanat en Algérie nécessite d'être dynamisé, étant donné le rôle qu'il peut jouer dans la création d'emplois et de richesses au même titre que les entreprises à caractère économique.
«Nos produits ne sont pas destinés uniquement au marché local, bien au contraire, ils peuvent facilement être exportés dès lors que nous recevons des étrangers qui viennent spécialement pour les acquérir», s'exprime ainsi l'artisan que nous avons rencontré dans la cité historique de La Casbah, faisant allusion aux potentialités des activités artisanales en termes de contribution aux exportations hors hydrocarbures. Sans vouloir s'attarder sur les aspects dégradés de La Casbah, qui font d'ailleurs couler beaucoup d'encre, nous sommes partis à la rencontre de quelques artisans pour en savoir plus sur leurs préoccupations. Ici quelques témoignages poignants.
«Nous emporterons notre savoir-faire dans nos tombes»
Agé d'une soixantaine d'années, Khaled Mahiout, héritier d'un atelier de menuiserie traditionnelle, se lamente sur le sort du métier qu'il exerce. Un métier qui, selon lui, risque de disparaître à tout jamais avec la disparition des quelques artisans qui continuent à l'exercer malgré un environnement hostile et une avalanche de contraintes. Il n'est pas moins évident qu'à leur mort, les derniers artisans qui exercent encore à La Casbah d'Alger emporteront dans leur tombe une bonne partie de la culture et de l'histoire de l'Algérie.
Ce natif de La Casbah fait allusion au manque d'engouement de la part des jeunes générations pour ces métiers, alors qu'elles sont éprises de gain facile et rapide. «Ce n'est pas notre cas. Le savoir-faire nous a été transmis de père en fils», nous explique-t-il avant d'avouer qu'il continuera à «exercer ce métier même si la rentabilité ne sera pas au rendez-vous». Si cet artisan évoque le souci de rentabilité c'est que son activité en souffre réellement.
En effet, les coûts engagés dans la fabrication de ses œuvres, qui se traduisent en termes de temps et d'énergies, ne sont pas valorisés. Des mesures incitatives doivent être prises, estime-t-il, par les pouvoirs publics, poussant les artisans à transmettre leur savoir-faire aux jeunes générations et à les prendre en charge. Des efforts doivent également être déployés en vue de motiver cette population à apprendre les métiers de l'artisanat. Au-delà des difficultés financières, notre interlocuteur fait référence à un problème d'ordre logistique. «Il m'est impossible de transporter les matières premières ou les produits finis à la vente car tous les accès à La Casbah sont bloqués par les autorités aux moyens de transport, et ce, pour des considérations inconnues», déclare-t-il.
«Des efforts restent à faire dans la commercialisation»
Témoin de l'état déplorable dans lequel se trouve La Casbah ces dernières années, El Hachmi Ben Mira est un artisan dinandier qui cumule plus de 58 ans d'expérience dans le domaine, mais la perdition des métiers d'antan exercés dans cette cité ancienne le déchante. Il estime que l'activité en elle-même se porte bien, il y a un effort à faire en aval, dans la commercialisation. «Il nous manque des espaces de vente dans lesquels on pourrait faire connaître nos produits, pour l'instant on se base sur le bouche-à-oreille», déclare-t-il. Pour valoriser le patrimoine historique et culturel, les foires et Salons nationaux et internationaux, bien qu'ils permettent à l'artisan de dégager un chiffre d'affaires, ne suffisent pas pour faire revivre l'activité.


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