Dans le dédale de la cité de Sidi Abderrahmane Ettaâlibi, à peine deux ou trois artisans dinandiers tentent, tant bien que mal, de faire de la résistance pour maintenir vivant un tant soit peu ce pan de notre patrimoine artisanal. Exerçant son métier de dinandier depuis une trentaine d'années, l'artisan Boudjemaâ Gasti, qui a ses quartiers dans la Haute-Casbah, continue de s'adonner avec passion à son exercice artisanal aux côtés du septuagénaire, ammi Mohamed El Hachemi, propriétaire d'une échoppe dans la rue Katarougil (qata' erdjel), sise au n°2. «L'activité de dinandier demande patience, effort et doigté», nous dit Boudjemaâ, soulignant, non sans dépit, que «la corporation de dinanderie a tendance à s'effacer du paysage casbadji, contrairement à d'autres villes de pays voisins où elle est toujours omniprésente et constitue même une des belles vitrines destinées pour le tourisme en quête de curiosité.» Autrefois disposés en enfilade dans une des ruelles de La Casbah, côtoyant les autres métiers, les maîtres dinandiers ont déserté l'espace sans qu'il y ait une relève sûre à même de pérenniser ce savoir-faire ancestral qui n'a plus pignon sur rue. Les uns sont découragés par le commerce de pacotille qui fait recette, préférant mettre la clé sous le paillasson, au moment où d'autres ont troqué le métier de dinandier contre un négoce plus rémunérateur. «Mais ce qui entrave davantage notre activité artisanale, c'est le fait que nous autres artisans, nous ne sommes pas considérés à notre juste valeur», résume M. El Hachemi sur un ton résigné. Et de mettre à l'index la direction des impôts qui, selon lui, les contraint à un assujettissement fiscal somme toute pénalisant. Dans le dédale de la cité de Sidi Abderrahmane Ettaâlibi, à peine deux ou trois artisans dinandiers tentent, tant bien que mal, de faire de la résistance pour maintenir vivant un tant soit peu ce pan de notre patrimoine artisanal. Ils font contre mauvaise fortune bon cœur et chaque jour que Dieu fait suffit sa peine, sommes-nous tentés de lire sur leur visage. Un labeur qui, désormais, ne rapporte pas, sinon une activité qui leur assure une vie décente. Les objets qu'ils réalisent sont destinés à une clientèle assidue ou proposés à des visiteurs de passage. Mais ce n'est pas évident, laisse entendre ammi El Hachemi qui se plaint, par ailleurs, du «manque de matière première, comme la feuille de cuivre épaisse qui convient pour la fabrication de certains objets à usage domestique». Boudjemaâ Gasti ne ménage pourtant aucun effort pour aller récupérer dans des marchés de brocante ce matériau dans d'autres villes du pays. Il réunit par-ci par-là des lots de pièces de cuivre rouge-brun ou jaune, dissemblables et gâtés par le temps pour en faire des objets servant aux usages de la vie courante, des accessoires de décoration non sans créer également des pièces à l'usage de certains manufacturiers ou des particuliers. S'attelant à donner forme à son objet, notre artisan évolue dans son petit atelier au rythme du son métronomique du maillet et du ciseau. Il décape la pièce, la transforme dans le tour, la martèle, avant de la ciseler en lui conférant, sous l'œil expert de ammi El Hachemi, des motifs que résume un mélange de dessins traditionnels inspirés de motifs d'arabesques et de formes géométriques. Une activité ardue, surtout lorsqu'il s'agit de procéder à l'opération de l'étamage par voie chimique (traitement à l'étain ou tqazdîr) des plateaux circulaire (snî ou sînya), ou des ustensiles à usage culinaire.