Le patrimoine archéologique à Bouira, en dépit de sa valeur inestimable, ne semble pas susciter d'intérêt aux yeux des responsables locaux. Il suffit de se rendre sur les lieux pour constater de visu le sort réservé à la mémoire de nos villes et villages. Un programme de restauration a été initié par les responsables du secteur, mais sur le terrain, les travaux engagés depuis plus d'une année sont au stade initial. En effet, plusieurs opérations ont été inscrites. Elles concernent surtout les sites et monuments classés patrimoine national, à l'image du fort turc de Bouira (Bordj Hamza), les Cinq Portes, la caserne de Sour El Ghozlane, le mur d'Auzia et le mausolée de Takfarinas (ou Ghorfat Ouled Slama) dans la commune d'El Hakimia. Les travaux d'urgence pour le maintien en l'état des sites et monuments, en attendant leur restauration, ne sont pas encore achevés. Livré aux aléas climatiques, le patrimoine archéologique menace ruine. À Sour El Ghozlane, comme ailleurs dans d'autres localités de Bouira, les sites historiques et archéologiques sont livrés à l'abandon et servent de refuges aux délinquants. La wilaya de Bouira dispose d'un patrimoine archéologique très riche. Parmi les sites qui ont été proposés au classement comme patrimoine national, le site Tachachit dans la commune d'Al Adjiba, la mosquée El Atik d'Ath Yevrahim à M'Chedallah et la mosquée Si Hamidou de Sour El Ghozlane, mais le ministère de la Culture n'a toujours pas rendu son verdict. Une vingtaine d'autres sites sont en attente de classification. Le site romain de Tachachit, situé dans la localité de la Crête rouge au nord de la commune d'Al Adjiba, fait partie de ces sites délaissés. Selon des sources historiques, il s'agit d'une citadelle dont l'existence remonte au IIe siècle de l'ère chrétienne. Le comble, le site de Tachachit est inexploré et aussi non encore classé patrimoine national. Sur place, on y trouve plusieurs traces qui témoignent du passage des Romains dans cette région. Au sommet de la colline, il nous a été donné de constater, lors de notre déplacement, l'existence de plusieurs vestiges témoignant de la présence romaine mais aussi de la valeur historique et archéologique des lieux. Des restes d'un mur, de grosses pierres et des débris de cruches, autant d'indices et de preuves matérielles sur l'importance d'un patrimoine laissé à l'abandon. Tout près des habitations, l'on évoque l'existence d'un canal ou d'un conduit dont l'embouchure pourrait atteindre plus d'un mètre de diamètre. Le propriétaire des lieux l'a découvert alors qu'il était en train d'effectuer des travaux de construction. On parle aussi d'une mosaïque qui remonte à l'époque romaine. Les témoignages sur une éventuelle présence romaine dans la région de Tachachit ne manquent pas. Selon nos informations, des pièces de monnaie datant de la période romaine auraient été vendues aux étrangers, notamment des Italiens. Mlle Dahbia Hammoudi, chargée du patrimoine au niveau de la direction de la culture à Bouira, souligne que le dossier portant prise en charge du site est entre les mains du ministère. « Nous avons fait des correspondances à deux ou trois reprises au ministère de la Culture afin d'envoyer des équipes pour des fouilles sur le site de Tachachit, mais à ce jour, aucune suite n'a été donnée », a-t-elle déclaré. Romains, Berbères, Ottomans, tous ces peuples ont laissé dernière eux une longue et riche histoire. Que restera-t-il de cette mémoire pour les générations futures si aucun plan de sauvegarde n'est établi ? La jeune génération, qui doit veiller jalousement sur ce patrimoine, ne connait rien de la valeur de ces vestiges. Aucun site n'est doté de commodités pour accueillir d'éventuels touristes. Cela renseigne du peu d'intérêt accordé au patrimoine culturel matériel. Et au moment où les responsables du secteur devraient mettre en place une stratégie de sauvegarde, l'on assiste, par contre, à des colmatages tous azimuts. Un musée est prévu au niveau du Fort turc, mais le chantier ne sera lancé qu'une fois les travaux de restauration terminés.