Jamais le secteur de l'éducation n'a connu un tel mouvement de contestation. La grève de 8 jours à laquelle ont appelé 5 syndicats autonomes a été une réussite. Les enseignants, désabusés par les promesses non tenues et fatigués par les dures conditions socioprofessionnelles auxquelles ils sont confrontés, ont répondu massivement au mot d'ordre de grève. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait déclaré, lors de sa première cérémonie d'investiture, que l'enseignant dans notre pays doit retrouver sa prestigieuse place pour mieux accomplir sa noble mission. L'auteur de cette sentence est à son troisième mandat et la situation des enseignants n'a malheureusement pas changé d'un iota. Pour réclamer justice, des grèves cycliques, beaucoup de sit-in, de nombreux rassemblements ont été observés par les syndicats autonomes du secteur de l'éducation depuis plusieurs années. Pour calmer les esprits et face aux menaces d'une année blanche, les décideurs lancent des promesses qu'ils ne tiennent jamais. Hier, c'était le satisfecit total pour les 5 syndicats autonomes – Unpef, Satef, Cnapest, Snapap, Snapest – animateurs du mouvement de débrayage, tandis que le CLA ne rejoindra la protestation qu'à partir d'aujourd'hui car son préavis de grève a été déposé un jour en retard. « Depuis le multipartisme, aucun syndicat autonome n'a réalisé un taux de suivi aussi important. Dans certaines wilayas, des lycées entiers ont été paralysés, dans d'autres régions, la mobilisation a dépassée les 80% », a souligné M. Dziri de l'Unpef. Ce dernier, tout en se disant ébahi par un tel pourcentage jamais égalé, tient à dénoncer les pressions et les dépassements. « Dans certaines régions du pays, les directeurs de l'éducation ont menacé les grévistes de recourir aux ponctions sur salaires. Nous avons également enregistré de fausses déclarations quant au taux de suivi. Chose qui est facile à vérifier vu le nombre d'élèves qui ont été renvoyés de l'école », a souligné M. Dziri. Celui-ci pense que les menaces de l'administration ne diminueront pas la détermination des enseignants à aller jusqu'au bout de leur action. « Etant affiliés à plusieurs syndicats, les enseignants se sont serrés les coudes et ont pu vaincre leur peur des représailles. Preuve est que la grève a été suivie même dans l'établissement de Bordj Omar Idris, situé au fin fond du Sud », a souligné le porte-parole de l'Unpef. Une tournée sur le terrain nous a permis de confirmer les déclarations des uns et des autres. Beaucoup d'élèves ont été renvoyés et plusieurs établissements n'ont pas fonctionné. A l'unanimité, les syndicats autonomes avancent un taux de suivi qui varie entre 70% et 90%, atteignant parfois les 100%. Au niveau de la capitale (est, ouest et centre), les taux étaient respectivement de 87%, 90% et 70%. A Annaba, les lycées étaient tous fermés, alors que dans les autres paliers, la grève a été suivie à hauteur de 85%. A Tizi Ouzou 90%, à Chlef 72%, à Aïn Defla 85%, à Tlemcen 95%... « Depuis 2003, nous n'avons pas eu un pourcentage de réussite aussi élevé. C'est, entre autres, grâce à l'unité de l'action syndicale que l'on a décroché ce taux de réussite », explique M. Mériane du Snapest, qui fera remarquer que souvent il est nécessaire de mettre au-devant les intérêts des fonctionnaires qui doivent impérativement primer sur les divergences syndicales. Ce taux, selon notre interlocuteur, va s'améliorer aujourd'hui avec l'entrée en lice du CLA. De l'avis de M. Mériane, l'installation de la commission sur le régime indemnitaire le 21 juin, journée qui coïncidait avec la correction du bac, n'était pas fortuite. L'objectif visé était tout simplement de gagner du temps et de calmer le jeu. D'aucuns estiment que le marasme et l'unité d'action qui a décomplexé les enseignants sont à l'origine de ce large mouvement de protestation. A travers cette action de protestation, les grévistes revendiquent un régime indemnitaire digne avec effet rétroactif, la refonte de la gestion des œuvres sociales, la revalorisation de l'enseignement technique et le rétablissement des enseignants dans leur droit, la prise en charge des conséquences du métier via l'introduction de la médecine du travail au sein de la famille éducative. « La circulaire de M. Ouyahia va pénaliser d'un effet rétroactif les enseignants de 12 millions de centimes à 19 millions de centimes. Ceci est injuste et c'est pour cette raison que nous demandons son annulation, comme nous demandons le départ à la retraite à partir de 25 ans de service », notent les syndicalistes. Les enseignants attendent un geste du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et réclament l'intervention du président de la République pour la prise en charge de leurs doléances. S'agissant des élèves, les syndicats se lavent les mains en soutenant que la balle est dans le camp des pouvoirs publics. « Nous n'avons jamais pris en otage les élèves », soulignent-ils. Par ailleurs, les responsables du ministère de tutelle ont annoncé que le taux de suivi au primaire a été de 11%, au moyen il a été de 19,9%, alors que dans le secondaire, la grève a été suivie à 33,17%.