Certains événements ne se produisent que parce qu'ils sont observés. Sans personne pour les voir ils n'existeraient pas. La faculté intellectuelle et éducative avérée des universités et des écoles n'a jamais été plus faible qu'en ce moment. L'éducation y est donc en quelque sorte médiocre. L'Unesco, agence dépendant de l'ONU, a pour mission d'aider à assurer une éducation de qualité à tous, de garantir la possibilité d'étudier tout au long de sa vie, de promouvoir le «patrimoine mondial», la diversité culturelle, le dialogue interculturel, la liberté d'expression et la liberté de la presse. Elle a enfin écrit la première histoire de l'Afrique et a dû abandonner, faute de moyens, à la Banque mondiale le soin de définir la stratégie éducative de nombreux pays(1) dont sûrement l'Algérie, qui était presque en cessation de payement de ses dettes en 1992. Cette Banque mondiale a sûrement imposé la pédagogie «approche par compétence» à l'éducation nationale et le système LMD à l'université. Les responsables de l'éducation et de l'enseignement supérieur n'ont rien inventé. Ces deux réformes ont été introduites dans nos écoles et universités d'une manière autoritaire et sans débat avec les éducateurs. Elles sont vues comme ne pouvant pas répondre aux besoins de nos élèves et de nos étudiants. Comme le Trésor public est «créditeur» de plusieurs centaines de milliards de dollars, il faut repenser notre système d'enseignement. Un changement d'attitude et de comportement du corps enseignant est à prévoir. Cette contribution se veut un complément à l'article de Brahmi(2) où il est à rappeler que «l'éducation» est définie comme la relation parents/élèves et que «l'enseignement» est celle des enseignants/élèves. Types de pédagogie La pédagogie, une méthode d'enseignement ou une science de l'éducation, même celle qui a la réputation d'être la mieux faite, se caractérise par l'imperfection, c'est parce que la perfection est impossible pour l'esprit humain qu'il existe une activité scientifique. Des pédagogies peuvent être définies et développées succinctement. •Il y a la pédagogie de l'attitude objective : qui est enseigné doit enseigner. •Dans la pédagogie «transmission du savoir», il est indispensable pour un professeur de connaître «par cœur» le cursus de la graduation, énoncés d'axiomes, de définitions, de théorèmes, de propositions, etc., et leur démonstration. Ce genre de professeurs est très pédagogue. Il donne des cours très agréables. •Dans la pédagogie de la «construction du savoir», les enseignants ont la capacité de bien assimiler les problèmes, de pouvoir chercher dans la présentation de leurs cours et de leur amélioration. Ils sont déjà initiés à la recherche. •Dans l'approche par compétence, les éducateurs ne travaillent guère à donner la tranquillité. Ils ne guident pas les élèves vers la connaissance de l'objet. Ils jugent plus ce qu'ils enseignent : devoirs, compositions, épreuves de moyenne durée, contrôle continu… Ils ne font rien pour guérir l'anxiété qui saisit tout esprit devant la nécessité de corriger sa propre pensée. • Chez les tenants du constructivisme et de l'école nouvelle, la notion de transmission de connaissances fait place à celle de construction des connaissances. Ce concept est ancien. Les modalités d'évaluation courantes sont remises en question. Des novateurs préconisent la mise en place de dispositifs d'auto-évaluation destinés à remplacer les examens et autres contrôles que nous connaissons. •Dans l'auto-formation assistée(3), le tutorat apparaît traditionnellement dans la formation en alternance, la formation alternant avec le travail en entreprise. Cette notion renvoie à une certaine prise en charge «morale» de l'élève. Elle évoque une disponibilité différente de celle du formateur classique. Le tuteur est l'enseignant chargé de suivre l'étudiant ou l'élève en formation, de l'assister dans son parcours. Il est considéré comme un accompagnateur, un guide, une personne ressource dans un processus dans lequel l'étudiant élabore lui même ses propres connaissances. Son rôle consiste non seulement à transférer des connaissances, mais aussi à aider l'élève dans son processus personnel d'apprentissage et d'assimilation des connaissances. •Beaucoup parmi les enseignants qui assurent des «cours du soir» ou «cours de soutien» ou «cours de soutènement» à des «milliers de dinars» ont bien assimilé la «pédagogie lucrative». En effet, selon les «on-dit», certains de ces enseignants proposent des exercices et des problèmes durant ces séances, les corrigent entièrement et demandent même à leurs élèves de les apprendre par cœur. Le jour de l'examen au collège ou au lycée, ils proposent ces exercices déjà traités. Les élèves assidus au lycée ou au collège, travaillant sérieusement mais qui ne font pas de «cours du soir», se font dépasser haut la main par des élèves médiocres, mais qui ont fait des «cours particuliers». Voilà pourquoi il y a la «ruée» vers ces «cours de soutien». Proposer un sujet déjà corrigé était passible d'un «blâme», si ce n'est pas une radiation. Rôle des formateurs Il faut reconnaître une part de responsabilité négative de certains formateurs dans ce marasme. Vous imaginez une entreprise qui accepterait de commercialiser 50% de pièces défectueuses de sa production : elle serait immédiatement en faillite. Plus de la moitié des élèves et étudiants ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux. C'est ainsi que dans tous ses paliers, l'enseignement en Algérie est devenu une fabrique en faillite, mais sous perfusion. Pour l'enseignement et dans le cadre du plein-emploi des diplômés, on a eu recours à du personnel de formation supérieure, mais en général avec peu ou sans aucune expérience de l'enseignement. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience de l'importance de l'éducation pour le développement industriel, économique et social. Dans l'éducation nationale, les élèves étaient pléthoriques dans les classes. Dans tout l'enseignement et selon les «on-dit», les enseignants sont souvent sans idéal, incompétents et paresseux. Leur niveau est quelquefois pour quelque chose dans la faiblesse de la présentation pédagogique, c'est une réalité amère. Certains d'entre eux ne sont pas «orateurs». Selon un proverbe africain, «Si un petit arbre est sorti de terre sous un baobab, il meurt arbrisseau». A bon entendeur ! Élèves et étudiants Les progrès de l'instruction doivent constituer une fin en soi. Dans un monde incertain, en proie à des mutations technologiques, un niveau élevé d'instruction représente un atout appréciable. Le taux d'alphabétisation a progressé rapidement. D'importantes disparités demeurent à l'intérieur du pays. A l'université scientifique, une proportion importante d'étudiants ont assisté aux cours magistraux et reconnaissent qu'ils ont eu des difficultés à suivre à cause de la langue française, du rythme difficile et trop rapide des cours. Les contenus sont jugés trop théoriques et le niveau élevé, surtout pour les bacheliers professionnels. Les étudiants évoquent même leur manque de bases. Certains reconnaissent qu'ils n'ont jamais étudié les mathématiques et la physique. D'autres mettent en avant des problèmes d'ordre pédagogique. Au lycée, ils se sentaient beaucoup plus soutenus. Ils ressentent qu'il n'y a pas assez de professeurs pour pouvoir les aider. La majorité des étudiants préfèrent les travaux dirigés (TD), où ils se contentent parfois d'un rappel succinct du cours qui leur est fait par l'assistant. Il faut mettre en évidence les limites du monolinguisme (l'arabe) et l'attention nécessaire aux relations entre les langues de production et de diffusion du savoir. La faiblesse des Algériens dans les disciplines scientifiques pourraient être liées au délaissement linguistique de l'anglais. On retrouverait, plus souvent, un usage plus systématique de l'arabe, la langue nationale des éducateurs des sciences sociales et humaines qu'en sciences exactes, où l'emploi du français est plus fréquent. A l'université scientifique, faut-il maintenir, à côté de la communication en français, une communication scientifique en arabe ? Conclusion Il faut imposer aux élèves et étudiants une formation équilibrée dans au moins la langue maternelle et deux langues étrangères. Il faut faire confiance aux cadres des départements de l'éducation pour élaborer un «programme pédagogique» où à la fin d'un cursus, tout élève saura lire, écrire, parler, compter et élaborer un petit programme informatique en utilisant les nouvelles techniques d'information, tels l'Internet, les langages de programmation évolués, etc. La médiocrité est interdite à l'éducateur. Seul un travail incessant et fait avec amour lui assurera respect, reconnaissance et renommée. Pour beaucoup d'Algériens, l'éducation à l'école n'est autre chose qu'un futile passe-temps. Un certain nombre d'enseignants semblent ne pas concevoir que l'éducation est une vocation. L'éducation ne produit pas en soi de richesses, elle est stérile financièrement. Elle est une richesse fertile en formation d'hommes et de femmes. Je suis bien pour l'instruction. On ne peut pas empêcher les gens de développer leurs connaissances. Références : (1) Jacques Attali. Demain, qui gouvernera le monde ? Edition Hibr, 2011, p.237. (2) Rachid Brahmi. L'Ecole, les constantes nationales et la modernité. Le Quotidien d'Oran, rubrique : Actualité autrement vue, Jeudi 16 mai 2013, p. 10. (3) J.C. Marot et A. Darnige. La téléformation. Que sais-je? Presses universitaires de France, 1996. A. D.