Il y a peu de temps, dans les colonnes de ce journal, dans la rubrique Idées- Débat, un avis a été émis sur le système pédagogique universitaire LMD, Licence Mastère et Doctorat. Je rapporte un autre avis d'homme de terrain et au risque de me répéter, l'avis d'un gladiateur qui descend quotidiennement les amphithéâtres pour dompter les lions d'étudiants. En ma qualité de maître de conférences, il est de mon devoir de préparer, d'actualiser, d'encadrer, d'animer, de contrôler, d'assurer le bon déroulement, de participer, d'enrichir, de diversifier, de réaliser, de recevoir et de faire une analyse du LMD que je développerai ci-dessous et qui s'appliquera aux sciences exactes, plus particulièrement à la licence de mathématiques. A-t-on réglé les problèmes de la licence dans le système LMD ? Pourquoi Monsieur le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique s'est-il empressé à appliquer sans concertation sur le terrain avec les enseignants, ce nouveau système d'examination et d'attribution de diplômes ? Nous faisons de la formation initiale, de l'enseignement supérieur suivi par la population en âge de scolarisation, le développement d'un savoir-faire. Cette formation supérieure est sanctionnée par l'acquisition de diplômes. Cet enseignement est sous le contrôle permanent et immédiat d'enseignants présents avec les étudiants dans un amphithéâtre, dans une salle ou dans un laboratoire. Un enseignement dans lequel l'essentiel de l'activité s'opère dans un « face-à-face » pédagogique entre un enseignant formateur et des étudiants apprenants. L'Europe vient de célébrer le cinquantième anniversaire de sa création. Elle est une mosaïque de peuples qui parlent et véhiculent des langues différentes. Pour pouvoir communiquer et s'unifier, ces peuples doivent apprendre plusieurs langues. Le meilleur vecteur de communication ne peut être que sa jeunesse, ses étudiants. Par souci de mobilité, dans le cadre du projet Erasmus, un étudiant français, par exemple, fera sa première année universitaire en France, sa seconde année en Angleterre et sa troisième année en Italie d'où il sera diplômé. Il aura déjà appris deux langues étrangères. Son diplôme doit être reconnu au moins en France. Les Européens ont pensé établir un diplôme unique et valable dans toute l'Europe. C'est la licence du système LMD. Je n'évoque pas ici les pensées, les arrière-pensées, les visées et les soucis économiques pour l'unification de l'Europe dont je fais abstraction. Le système anglo-saxon BMP, Bachelor Master et Ph.D, est l'ancêtre du nouveau système français LMD. Dans le temps, la France utilisait le système, licence ou maîtrise, DEA, DIRS ou DESS, doctorat 3e cycle et doctorat d'Etat. Les diplômes du LMD qui seront décernés par l'université algérienne seront-ils reconnus comme ceux de l'Europe ? Nos diplômés peuvent-ils négocier des places en Europe s'ils obtiennent ces diplômes ? A-t-on réglé « le dilemme » de la langue d'instruction qui se pose dans nos universités ? Il s'énonce de la sorte : « Nous recevons des étudiants qui, en français, ne savent ni lire, ni écrire, ni parler. Ils sont arabisés. Des enseignants universitaires scientifiques de rang magistral sont à majorité francisants, ils ne maîtrisent ni l'arabe ni l'anglais. De nos jours, l'anglais est la langue universelle de la science. Doit-on obstinément continuer à dispenser à nos étudiants des cours en français qu'ils n'assimilent pas ? Doit-on envoyer tous les étudiants et les enseignants algériens pour une année de langue en Angleterre ou aux USA ? Doit-on arabiser tous les enseignants francisants ? Doivent-ils, nos étudiants, faire une année de langue française avant d'entamer le cursus pédagogique ? Ils seront considérés comme des étrangers dans un pays d'accueil. » Voila le mal qui ronge l'université où la communication n'existe pas. Comment peut-on s'épanouir et parler d'un nouveau système, sachant qu'on ne se comprend même pas ? C'est utopique ! Dans l'expression algébrique « a - b » qui est supposée positive et représentant un “profit” d'une entreprise, mon étudiant arabisant, la lit « b - a » (car il lit de droite à gauche), la trouve négative (pour les non-initiés, si a - b est positive, b - a est négative) et représentera pour lui une « perte » (la négation d'un profit est une perte) pour l'entreprise. C'est de cette recherche opérationnelle, ma spécialité, que je ferai du développement ? Le maître et son élève sont diamétralement opposés. Vous me dites que nous pensons à un nouveau système qui fera d'un étudiant un produit à mettre sur un marché d'emploi dans les plus brefs délai. L'actuel système forme un « licencié » en quatre années, le LMD le fera en trois années. Doit-on former un 3/4 de mathématicien ? Dans un problème, doit-on résoudre les 3/4 d'une équation ? Le nouveau licencié doit être aussi capable que l'ancien licencié. Il ne doit avoir aucune lacune pédagogique et doit récupérer une année universitaire. Pour le faire, il faut beaucoup de moyens et beaucoup d'efforts que l'université n'est pas capable de fournir. Un budget d'une année universitaire renflouera sûrement les caisses du Trésor public. Du côté des enseignants : il leur faut : Un statut où leurs devoirs et leurs droits soient stipulés. Une rémunération adéquate. Des équipes pédagogiques existant réellement. Elles sont domiciliées à l'université. Tous les enseignants doivent disposer d'un bureau. Un professeur chapeaute deux maîtres de conférences ou plus. Chaque maître de conférences a sous sa coupe deux ou trois maîtres assistants. Ils dispensent les mêmes modules. Leur intérêt ou domaine de recherche est identique. Ils sont disponibles 35 ou 40 heures par semaine. Un professeur ou un maître de conférences confectionne un cours détaillé. Il comporte tous les énoncés et les démonstrations rigoureuses. Son cours est distribué aux étudiants de sa section où il sera disponible au moins pour ses étudiants sur le site web de l'université. Les étudiants peuvent le rapatrier et ont les moyens de l'imprimer à l'université. Le professeur donne un cours magistral où il n'évoque que les énoncés et les idées essentielles que l'étudiant doit retenir. Des détails sont dans le livre, le polycopié ou dans un fichier que le professeur a fourni. Il peut terminer sans difficultés le programme pédagogique qui lui est imparti. Une série d'exercices est fournie virtuellement sur le site web et hebdomadairement. Elle comporte en moyenne dix exercices imprimés sur une page format A4. De mon expérience pédagogique, les séries d'exercices trop volumineuses ne comportent aucun intérêt pour les étudiants. Le maître assistant fait ses travaux dirigés, des TD. Disons qu'il n'arrive à corriger en classe que cinq exercices. A la fin de semaine, dans son bureau, il doit fournir la correction des cinq autres exercices. Il les met sur le site web. La seconde semaine, une nouvelle série est confectionnée, et ainsi nous avancerons durant l'année universitaire. (A suivre) Références : 1) J.C. Marot et A. Darnige. La Téléformation. Que sais-je ? Presses universitaires de France, 1996.