Trayvon Martin, un adolescent de 17 ans, a été tué en février 2012 par l'agent de sécurité George Zimmerman, 29 ans, innocenté du meurtre, samedi soir, par un jury de six femmes à Sanford, en Floride. L'avocat de l'accusé avait plaidé pour la légitime défense. Les manifestations se sont déroulées pacifiquement dans plusieurs villes, dont San Francisco, Boston et Chicago. A Los Angeles, une marche, sous surveillance policière, s'est déroulée pacifiquement. Toujours en Californie, à Oakland, des manifestants ont cassé des vitres et endommagé des voitures. Des marches spontanées ont eu lieu notamment dans la capitale Washington, à Philadelphie, à Atlanta et à Tallahassee (Floride). Pour une partie de l'opinion américaine, c'est le racisme persistant envers les Noirs qui est à l'origine de cette mort, alors qu'une autre partie met en cause l'insécurité. Les manifestants ont été les plus nombreux, dimanche à New York, où plusieurs centaines de protestataires se sont réunis à Union Square. Ils sont devenus plusieurs milliers qui ont remonté dans la soirée la 6e Avenue pour se rendre à Times Square sous forte surveillance policière. De nombreux manifestants arboraient des pancartes avec le portrait de l'adolescent. Certains, en dépit de la canicule, portaient un sweatshirt à capuche en sa mémoire. «Il ne s'agit pas seulement d'un délit de faciès face à la police, c'est aussi un délit de faciès face au juge, c'est un délit de faciès quand on fait ses courses, tous les jours c'est un délit de faciès», a estimé le pasteur leader des droits civiques Jesse Jackson sur Twitter. Plusieurs manifestations se sont d'ailleurs tenues à l'appel d'associations de défense des droits civiques. Les parents de Trayvon Martin, absents lors du verdict, ont quant à eux appelé à des manifestations non violentes, en se référant à Martin Luther King et à la Bible. «Même mort, je sais que mon bébé est fier du combat que nous avons mené avec vous tous pour lui», a écrit son père, Tracy Martin, sur Twitter. «Délit de faciès face à la police et au juge» L'avocat de la famille Martin, Benjamin Crump, a déclaré à CNN qu'une action au civil était envisagée. Robert Zimmerman, le frère de George, a pour sa part rappelé que, selon le jury, son frère «avait agi correctement dans la défense de sa vie en conformité avec la loi». George Zimmerman avait été accusé d'avoir poursuivi Martin Trayvon, qui n'était pas armé, dans une propriété grillagée à Sanford, et d'avoir tiré sur lui durant une altercation. Ses avocats ont fait valoir la légitime défense car le jeune Noir l'avait jeté au sol et avait commencé à lui frapper la tête contre le sol. Le débat autour du procès, retransmis trois semaines en continu à la télévision, a opposé ceux qui sont persuadés que Zimmerman a tué le jeune Noir par racisme à ceux qui croient qu'il s'agissait de légitime défense. L'ampleur des manifestations a amené Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, à réagir. Il a appelé dimanche à la retenue et à accepter le verdict, préférant par ailleurs ignorer la question du racisme et se focaliser plutôt sur la question des armes à feu. «Je sais que cette affaire a suscité des passions intenses (…) Mais nous sommes un Etat de droit et un jury a parlé. Je demande maintenant à tous les Américains de respecter les appels à la réflexion dans le calme lancés par deux parents qui ont perdu leur jeune fils», a-t-il soutenu. Alors qu'une loi de 2005 en Floride permet à quiconque de se défendre en cas de menace, y compris avec une arme, M. Obama a ainsi saisi l'opportunité pour appeler aussi les Américains à se «demander si nous faisons tout ce qui est possible pour freiner la vague de violence par armes à feu, qui prennent trop de vies chaque jour dans ce pays». Il a estimé dimanche que les Américains devraient se «demander, en tant qu'individus et en tant que société, comment empêcher de futures tragédies similaires» à celle de Floride. Malgré sa popularité et ses appels à la raison, les esprits ont cependant continué hier à s'échauffer. La propension du président américain à vouloir à tout prix confiner le débat dans la seule problématique des armes à feu risque même de produire l'effet inverse et participer à agrandir la fracture entre Noirs et Blancs. Une fracture que tout le monde assimile à une bombe à retardement qui doit être désamorcée de toute urgence.