Phénomène récurrent. Les Américains, qui ont réélu l'an dernier le premier président noir de leur histoire, sont de nouveau confrontés aux vieux démons du racisme. L'acquittement de George Zimmerman pour le meurtre du jeune Noir, Trayvon Martin, a replongé l'Amérique dans son exécrable histoire raciste, rappelant qu'elle est loin d'être soldée. Cette affaire en est la caricature, la démonstration de l'état réel des relations entre races dans ce pays qui se targue de multiculturalisme et melting-pots. La première puissance mondiale est encore "infestée par le racisme", pour reprendre les plus importants de ses médias. Les faits : George Zimmerman, trentenaire, a été innocenté en début de semaine du meurtre de Trayvon Martin, un adolescent noir de 17 ans que ce vigile de quartier avait tué en février 2012 à Sanford, en Floride. Le meurtre du jeune homme, puis le procès de son meurtrier, ont fait tomber le masque, révélant une Amérique bien divisée entre Noirs et Blancs et, parmi ces derniers, entre partisans du droit de porter des armes contre ceux qui sont contre. Et pour ne pas simplifier la situation, des conservateurs, néoconservateurs et des activistes d'extrême droite contre les antiracistes. Bref, toute la palette made in USA s'est réveillée. Le feu a été allumé durant le procès. Alors que la communauté noire criait au racisme et au délit de sale gueule, la stratégie des avocats du vigile au sang mêlé, un peu hispanique et beaucoup américain style franchouillard de France, aura été de plaider la question de la légitime défense et celle du respect d'une loi qui la légalise en Floride, depuis adoptée par une trentaine d'Etats. Le jury de six femmes, toutes blanches et censées représenter la middle-class, ce mythe des Etats unis, n'a eu d'yeux que pour le petit américano-hispanique, pas assez blanc mais dont le métier est de veiller à la sécurité et la quiétude de Blancs en sa qualité de vigile. En outre, Zimmerman a eu le soutien des pro-armes qu'Obama n'a pas réussi à ébranler, sa proposition d'interdire aux américains lambda les armes de guerre ayant été rejetée massivement par le Congrès. L'affaire a d'ailleurs tout de suite pris une tournure politique. Ce n'était plus un meurtre ou un homicide, mais le droit d'acheter une arme pour exercer sa légitime défense. En filigrane, le meurtre du jeune Trayvon a pris l'allure d'un lynchage du premier président noir américain qui s'est, par ailleurs, refugié dans un appel au calme ! Les réactions de la rue n'ont retenu pourtant que la question raciale en posant la question : "Et si Zimmerman avait été noir et Trayvon Martin blanc ?" Le sort du jeune noir a rappelé celui d'Emmett Till, un garçon noir de 14 ans, torturé et tué par deux hommes blancs au Mississippi en 1955 pour avoir flirté avec une jeune femme blanche. Les deux hommes avaient été acquittés. Benjamin Jealous, le président de la NAACP, principale organisation militant pour les droits des Noirs, s'est dit en attente d'un nouveau Martin Luther King. "Il ne s'agit pas seulement d'un délit de faciès face à la police, c'est aussi un délit de faciès face au juge, c'est un délit de faciès quand on fait ses courses, tous les jours c'est un délit de faciès", a accusé le pasteur noir leader des droits civiques Jesse Jackson, après l'annonce du verdict. Depuis, la rue ne décolère pas : manifestations, rassemblements ou veillées de prières à New York, San Francisco, Los Angeles ou Chicago, des milliers de protestataires ont ainsi dénoncé un "lynchage américain moderne". Dans les églises noires, le ton est au rappel à l'esclavagisme et à la suprématie blanche. Pour consoler les Noirs de son pays, Obama, de père kenyan mais membre de l'establishment, de l'élite, a tout de même susurré: "Si j'avais un fils, il ressemblerait à Trayvon". Il aurait été "café-crème" comme ses ravissantes filles, mais n'aurait même pas imaginé la vie de Trayvon. D B Nom Adresse email