Il faut rappeler qu'à cette date, la Wilaya III était dirigée par le colonel Mohammedi Saïd, dit Si Nacer, et comprenait 4 zones dont celle qui nous concerne et qui s'étalait de Sidi Ali Bounab à l'ouest, à la forêt de Mizrana à l'est, en passant par la façade maritime au nord, de Tigzirt à Zemmouri. Cette région dénommée Zone 1 par le Congrès de la Soumam est devenue Zone IV après 1958. Il était issu d'une famille connue, dans la région pour son patriotisme. Son père, dit el hadj Seghir Tachaout, était un des responsables de la société de bienfaisance El Islah, une création de l'Association des Oulémas. Ahcène Maâbout est né en 1934 à Dellys. La médersa, El Islah, et le scoutisme furent ses premières écoles du nationalisme, ainsi que les événements politiques du 8 Mai 1945, à l'est du pays, et leurs répercussions au niveau de la région. Le soulèvement populaire du 23 mai 1945 a été dirigé par Si Mohamed Zerouali, chef de la région de Dellys et ses environs, Abdelkader Hasbellaoui, responsable du parti à Dellys et tant d'autres militants de la région, notamment Allal Benbrahim, Amar Haddad, Mahfoud Abdiche dit Boudmagh. La féroce répression s'abat, conduite par les services de sécurité, assistés des Tabors marocains, réputés pour leur cruauté là où ils passent, afin de terroriser les habitants de la région. Même le militant Si Mustapha Chaïd, un paraplégique, se déplaçant en fauteuil roulant, n'a pas été épargné, ni ménagé, il fut balancé de la plus haute marche de l'escalier (dit escalier Tarata) vers l'entrée du siège de la gendarmerie qui se trouvait vers le bas. Ce genre d'événements a favorisé la prise de conscience du fait colonial et accéléré la maturité politique d'Ahcène Maâbout. Il adhéra très jeune au mouvement nationaliste. Sportif, gardien de but, il fit les beaux jours de l'Association sportive de sa ville natale, l'AS Dellys, et de l'équipe de football de la médersa d'Alger, avec qui il disputa le tournoi final des sports scolaires et universitaires en mai 1954, à Sétif. Il garda un souvenir mémorable de ce déplacement, dans cette ville mythique, celle du 8 Mai 1945, de ce voyage en train avec toutes les équipes qualifiées à ce tournoi où, à chaque gare, l'équipe de la médersa entonnait les chants patriotiques (Min Djibalina), du courage de cette équipe qui a bravé les autorités locales en pénétrant sur le terrain arborant des maillots vert et rouge prêtés par le MCA (Mouloudia Club d'Alger) pour la plus grande joie des joueurs de cette équipe de la médersa, menée par Tahar Gaïd, Ahmed Chérif Badani, Nabil Belabbès, Abdelkader Zerrar, Amar Dekhli, Bouchida… et des supporters sétifiens présents dans les tribunes. Etudiant à la médersa d'Alger, il contribua aux côtés de ses aînés, Amara Mohamed Rachid, Lounis Mohamed, Sabeur Mustapha et Ahmed Taouti, à mobiliser et canaliser la jeunesse des lycées vers la lutte de Libération nationale, en particulier dans le cadre de l'Ajema(1) et l'Ugema(2). En mai 1956, alors qu'il préparait depuis 6 ans l' examen du baccalauréat, il n'hésita pas un seul instant à répondre à l'appel du 19 mai 1956 de l'Ugema, en observant la grève des cours et des examens et en rejoignant les rangs de l'ALN, parmi le premier groupe, donnant ainsi l'exemple aux jeunes étudiants et lycéens. Il rejoint, avec son ami Omar Aouchiche, le maquis de Sidi Ali Bounab dans le département de la Kabylie. Arrivé dans la région, il établira des contacts avec les lycéens, déjà structurés dans les organisations nationalistes estudiantines, désireux de rejoindre les rangs de l'ALN. Plus d'une vingtaine, originaires de la ville de Dellys, ont répondu à l'appel du 19 mai 1956 et ont rejoint au cours des mois de juin et juillet 1956 les rangs de l'ALN. Après le congrès de la Soummam (20 Août 1956) et la mise en place d'un découpage territorial en wilayas, zones, régions, et secteurs, Ahcène Maâbout devient le premier lieutenant responsable des liaisons et renseignements, sous le nom de Si Abdelhamid, Omar Aouchiche, lieutenant responsable politique dit Si Nacer, Ahcène Mahiouz, lieutenant responsable militaire et Si Kaci, capitaine chef de cette Zone 1. Sitôt installé, Si Abdelhamid n'éprouva aucune difficulté à pourvoir en cadres tous les secteurs et régions relevant de sa zone. Responsable dans une zone stratégique limitrophe de la Wilaya IV (région de Zbarbar) et à quelques encablures de la capitale, le lieutenant Abdelhamid s'est astreint, dans un premier temps, à mettre en place des passerelles sûres entre les deux Wilayas. Opération facilitée grâce aux bonnes relations qu'il entretenait avec les lycéens qui avaient rejoint la Wilaya IV et, dans un second temps, à établir des liaisons entre la Zone autonome d'Alger et la Wilaya III, via les régions de Bordj Menaïel (Chender) et Dellys (Ouled Ahmida, Ben Ameur). Cette zone a vu le passage d'un grand nombre de hauts responsables de la Révolution, (membres du CCE et du CNRA). Au sein de l'ALN, il faisait l'admiration de ses supérieurs et des djounoud pour sa simplicité, son intransigeance dans l'application des lignes directrices de la charte de la Soummam, de son courage à toute épreuve: autant de qualités mobilisatrices de ses proches collaborateurs. Au cours d'un déplacement du comité de zone pour une réunion de coordination avec les autres zones et les responsables de la Wilaya III, un ratissage, d'une grande envergure, les surprendra au niveau du douar d'Aït Khellili. La bataille dura plus de 2 jours, du 22 au 23 mars 1957. Le lieutenant Si Abdelhamid, ainsi que ses compagnons Si Nacer et Si Kaci et plusieurs djounoud succombèrent devant le nombre impressionnant des troupes ennemies, non sans avoir héroïquement résisté. Ainsi était tombé au champ d'honneur l'essentiel du comité de zone : le capitaine Si Kaci et les deux lieutenants, Si Nacer et Si Abdelhamid. Comme était logiquement leur destin et celui de cette génération à laquelle ils appartenaient, génération qui avait mis son intelligence et sa générosité au service du combat qui conduisit à la victoire inéluctable de notre peuple. Ahcène Maâbout est tombé au champ d'honneur le 23 mars 1957. Il avait à peine 22 ans et avait consacré toute sa courte vie pour que l'Algérie accède à sa liberté et son indépendance. Puisse la jeunesse d'aujourd'hui, en cet anniversaire de l'indépendance et de la fête de la jeunesse, méditer sur les sacrifices de la génération du 1er Novembre 1954.